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12 / 03 / 2015 | 26 vues
Adrien Chignard / Membre
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« Burn-out » : ensemble on va plus loin

« Le plus dur, c’est la honte et la culpabilité : la honte de n’avoir pas su faire face et la culpabilité d’avoir laissé tomber mes collègues ». Ils arrivent tous avec à peu de choses près des sentiments similaires, même si la colère donne parfois une teinte différente à l’expression des émotions. La honte et la culpabilité sont à la fois des conséquences de l'épuisement professionnel (« burn-out ») mais aussi des causes de la difficulté à remonter la pente. Comme pour chaque situation de souffrance, l’individu s’enferme à la fois dans le temps et dans l’espace : il se replie sur lui même et ne considère plus que le présent, incapable d’aller vers les autres et d’investir l’avenir.

Culpabilité

Cet isolement est un terreau fertile pour laisser libre cours à ses idées noires et pour ressasser le passé récent : comment m’est-ce arrivé ? Si j’avais dit « non » plus souvent ? Le cercle vicieux de la culpabilité s’entretient malheureusement à merveille et la solitude permet de faire à la fois les questions et les réponses, s’assurant ainsi de ne pas être contredit dans ses ruminations culpabilisantes. Plus le temps avance, plus l'individu s’estime l’unique responsable de sa situation en négligeant les facteurs environnementaux. C'est encore plus vrai quand le présentéisme devient le quotidien : l'individu n’est pas en arrêt de travail et continue de s’y rendre chaque jour alors qu’il n’en a plus les facultés émotionnelles, physiques et psychologiques. Petit à petit, il perd pied en constatant qu’il lui faut de plus en plus de temps pour parvenir aux mêmes résultats qu’avant et que son énergie peine à se restaurer. La culpabilité s’accroit et se dépose en couches sédimentaires sur ce qu'il reste de l’estime de soi jusqu’à la masquer totalement.

L’estime de soi en berne et la honte au premier plan, l’individu cherche à s’en sortir, seul. Il tente alors vainement de tirer profit des dernières onces d’énergie dont il dispose encore. Il redouble d’efforts pour se remettre sur les rails et se heurte à un environnement professionnel et/ou familial qui peine à comprendre : « tu as l’air bien pourtant. Prends-toi quelques jours de congés et ça ira mieux ». La fatigue physique et émotionnelle laisse alors doucement la place à la frustration et à la colère. L'individu devient plus irritable et se coupe encore davantage de ses proches et de ses soutiens. La boucle est bouclée.

Pourtant, ce cheminement n’est pas le seul possible. Les plus grandes études européennes et nord-américaines le montrent systématiquement : le soutien social est le premier rempart contre la détresse psychologique en situation de travail. C’est dans le collectif que se trouve la solution. On note d’ailleurs que c’est dans les professions les plus corporatistes et au sein des environnements marqués par un fort esprit d’équipe que le stress est le moins présent. Que l’on soit en plein épuisement professionnel ou à son stade préalable (le « burn-in »), la solution existe pour avancer plus sereinement et plus efficacement. Pour sortir de la frustration de se sentir incompris, de la honte de n’avoir pas su faire face et de la culpabilité d’avoir prétendument laissé tomber ses collègues, il est central de confronter sa perception avec celles d’autres personnes qui passent ou sont passées par les mêmes sentiments. En effet, quitter le mode question/réponse en cercle fermé pour s’alimenter intellectuellement et émotionnellement des perceptions des autres permet de rompre avec la rumination et de commencer à envisager les choses différemment. Pour cela, le regard d’autres personnes est indispensable : en partageant le poids de son fardeau avec les autres, on l’allège instantanément et considérablement.

Groupes de parole

C’est de ce constat que sont nés les groupes de parole sur l'épuisement professionnel. D’une volonté de rompre l’isolement et la solitude pour dissiper la culpabilité et la honte. D’un désir de faire se rencontrer ceux qui à s’être trop « enflammés » au travail ont fini par se consumer. Les groupes de parole permettent de se sentir entendus, écoutés et surtout compris par d’autres personnes qui traversent une situation similaire et qui veulent avancer en se sentant soutenues sans être jugées.

La dynamique de groupe facilite l’évocation de sujets difficiles et qui relèvent souvent de la sphère intime et chacun prend alors conscience que ce dont il a honte est éprouvé par les autres. Comme si d’un seul coup on devenait plusieurs à réfléchir à des solutions face à un problème que l’on pensait n’être que le sien. À ce moment-là, les idées fusent et l’envie d’y croire retrouve sa raison d’être. Il ne s’agit pas ici de négliger l’importance des suivis individuels mais simplement de mettre en lumière l’importance des groupes de parole sur l'épuisement professionnel dans le retour à un mieux-être.

L'épuisement professionnel fait à lui seul mentir l’adage selon lequel tout seul on va plus vite et ensemble on va plus loin. Il favoriserait plutôt l’idée selon laquelle c’est ensemble que l’on va plus vite et plus loin.

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