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24 / 06 / 2014 | 16 vues
Secafi (Groupe Alpha) / Abonné
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Agir contre les troubles musculo-squelettiques

À l’occasion de la semaine pour la qualité de vie au travail, du 16 au 20 juin 2014, Secafi (groupe Alpha) a présenté sa nouvelle collection de guides destinés à mieux appréhender les questions de santé et bien-être au travail. Aujourd’hui, publication du guide Agir contre les troubles musculo-squelettiques, écrit par un quatuor d’experts et de responsables de mission chez Secafi : Marion Brunet, Sylvie Bretin (qui répond à nos questions), Cyril Leboucher et Vincent Jacquemont.

Secafi publie un guide sur les troubles musculo-squelettiques, identifiés comme l’une des premières maladies professionnelles reconnues. Pourtant, votre guide le montre bien, ce phénomène est sous-estimé dans les entreprises. Pour quelles raisons ?

Non seulement le phénomène est sous-estimé mais la prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) est souvent inefficace. Au cours de nos missions, nous avons pu constater que les acteurs se focalisent sur la dimension biomécanique, à savoir la répétitivité des gestes ou les efforts excessifs, alors que les TMS sont des pathologies plurifactorielles. Cela signifie que leur apparition renvoie, à chaque fois, à une conjonction singulière de différents facteurs. N’en voir qu’un, le biomécanique, empêche de mesurer l’ampleur du problème.

Ainsi, dans beaucoup d’entreprises, on va vous dire que le problème a été identifié et que des actions ont été mises en place. Comme les TMS continuent d’augmenter, les représentants du personnel au CHSCT vont se demander ce qui se passe et pourquoi les actions prises n’ont aucun effet. Cela sera, dans la plupart des cas, en raison de cette focalisation sur les seuls facteurs biomécaniques. L’entreprise aura revu l’aménagement des postes mais pas au-delà. Elle n’aura pas élargi la compréhension des TMS à la vision, bien plus large, de l’homme au travail.

Parmi les autres facteurs qu’il faudrait pouvoir analyser, figurent les facteurs de risques psychosociaux, tels que le stress, l’insatisfaction ou l’absence d’autonomie… Ce que vous ne pouvez faire que si vous observez le travail réel et allez à la rencontre des salariés, ce que font d’ailleurs bien des représentants du personnel au CHSCT.

Concrètement, quelle représentation en ont les acteurs de l’entreprise ?

Pour beaucoup, la prévention des TMS est d’abord perçue comme une affaire de préventeurs, rarement intégrée dans la conduite de projets globaux et du seul ressort du médecin du travail (et cela, quels que soient le secteur et la taille de l’entreprise). Tout dépend réellement de la façon dont les entreprises se saisissent de la problématique. Certains secteurs, comme l’industrie et l’agroalimentaire, ce que nous montrons dans le guide, sont plus exposés que d’autres, en raison des gestes et des postures mais, en réalité, tous les salariés sont concernés. Rappelons que le nombre de TMS reconnus a augmenté de 86 % en 12 ans !

Car, souvent, l’on a une vision simpliste du « geste » et les choix de prévention en sont d’autant plus inefficaces. Ainsi, les formations « gestes et postures » ont souvent une faible efficacité et ne permettent pas de remédier aux risques TMS. Le salarié, même s’il effectue des tâches répétitives, aura sa façon de les effectuer, différente de celle de ses collègues. Les démarches de standardisation sont donc susceptibles de contrarier l’adaptation du salarié à la variabilité des situations qu’il peut rencontrer et gêner sa montée en puissance. Ces actions, au contraire, limitent toute possibilité pour le salarié de développer un geste professionnel et sain à long terme.

Donc, plutôt que de contraindre le geste, il est préférable d’accroître les marges de manœuvre des salariés. Tout geste et toute posture doivent être analysés dans leur complexité. Cette analyse du geste doit permettre d’identifier ce qui contrarie sa réalisation et son développement, en recherchant également les causes organisationnelles, matérielles et sociales. Encore une fois, ce qu’il faut bien voir, c’est que les principaux leviers de transformation (ici des gestes) se trouvent dans les situations de travail, bien au-delà des seuls aspects biomécaniques.

C’est donc cette représentation qu’il faut changer et il nous semble que les représentants du personnel au CHSCT sont les mieux placés pour faire bouger les choses. Ils sont salariés eux-mêmes, ils vont à la rencontre de leurs collègues, ils connaissent le travail réel des uns et des autres…

Quels sont les moyens d’action du CHSCT ?

En première approche, les représentants du personnel au CHSCT peuvent combattre les idées reçues sur les causes des TMS. Ensuite, ils vont veiller à la pertinence de la démarche d’évaluation du risque, car, souvent, elle existe dans l’entreprise mais elle est visiblement peu adaptée. Ils vont ainsi vérifier que les risques psychosociaux sont bien pris en compte et que les liens avec les conditions de travail sont établis. Enfin, ils peuvent, plus facilement que d’autres, faire remonter les informations du terrain et accompagner leurs collègues en difficulté.

Au-delà, il nous semble essentiel de remettre au centre de toute démarche le partage de pratiques, ce que l’on appelle communément les astuces de métiers. Il convient d’aider les opérateurs, les salariés, à développer des gestes plus adaptés et moins contraignants pour eux, en termes de santé. N’oublions pas qu’ils peuvent être déclarés inaptes et que cela a de fortes conséquences sur leur vie professionnelle, leur entourage et le collectif de travail.

Aujourd’hui, on voit bien que beaucoup de modes d’organisation du travail, comme le « lean », par exemple, développent des méthodes de travail participatives. Mais, en réalité, à aucun moment de ces nouveaux processus, on ne dit comment on fait le travail, comment on peut le faire autrement sans se faire mal, comment le travail se répartit et ce qui est prévu pour développer la polyvalence des salariés concernés. Or, le « lean » a des conséquences fortes sur les conditions de travail et la santé. Le CHSCT est donc en droit d’ouvrir le débat sur le projet, sur ses objectifs, sur la démarche elle-même, notamment sur la place et les moyens prévus pour l’amélioration des conditions de travail, la prise en compte du point de vue des salariés, les indicateurs de suivi des effets sur la santé, dont les TMS font indéniablement partie.

À quels autres moments le CHSCT peut-il parler des risques TMS ?

En effet, dès lors que les TMS sont rarement intégrés dans une vraie conduite de projet, il ne faut pas hésiter à relancer le débat, accompagné d’ailleurs pas un expert. Cela peut être lors des réunions du CHSCT, comme un sujet à part entière. Cela peut également être lors de la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels ou lors de l’élaboration du diagnostic pénibilité, dont on a beaucoup parlé ces dernières semaines. Enfin, cela peut être, comme on l’a vu, lors de la mise en œuvre d’un projet important modifiant les conditions de travail ou lors de la mise en place d’une démarche de prévention des risques psychosociaux. En fonction du point d’entrée, le CHSCT pourra adopter une posture d’alerte, de veille ou de contribution à l’analyse et à la prévention du risque TMS.

Car, l’enjeu est bien de maintenir et de suivre la prévention des TMS dans le temps, en vérifiant qu’elle est intégrée dans les conduites de projets et les choix d’organisation. 

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