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10 / 07 / 2018 | 15 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Une coopérative d'activité et d'emploi pour entreprendre en collectif

Coopératives d'activité et d'emploi (CAE) est une organisation mal connue au sujet de laquelle Myriam Faivre a bien voulu répondre aux questions de Miroir Social.

Vous êtes directrice de la CAE CLARA. De quoi s'agit-il ?
Je travaillais dans une coopérative SCIC de formation professionnelle pour les musiciens de Musiques Actuelles et nous avons identifié que les artistes créaient tous plusieurs statuts, un par projet. Ils avaient donc énormément d'administratif à gérer et passaient à côté de leur développement entrepreneurial. Accompagnant plus d'une centaine d'artistes dans cette même situation, il semblait évident de trouver une solution collective.

J'ai donc commencé a chercher des solutions existantes et j'ai contacté partenaires et financeurs. En trois mois, ce projet d’accompagnement à l'entrepreneuriat collectif culturel a vu le jour tellement il répondait aux besoins de ces professionnels. Un peu inconsciente de l'ampleur du travail et très motivée pour voir émerger une solution et un collectif, j'ai persévéré pendant dix ans par conviction car cette solution d'entrepreneuriat était très pertinente et pionnière. Aujourd'hui, je reste convaincue que l'expérience de l'entrepreneuriat collectif permet d'aller plus loin. Le partage, le dialogue, le risque de l'autre et la sécurité d'outils structurants sont des points de structurations différentes de l'entrepreneuriat classique mais qui permettent une gouvernance partagée et un apprentissage permanent de tous les membres de l'équipe en plus de l'accompagnement des entrepreneurs ; cet apprentissage et le bien-être au travail permanent me motivent au quotidien, sans relâche depuis douze ans maintenant.

La CAE CLARA est une coopérative d’entrepreneurs. Au même titre que des producteurs et ou des consommateurs se rassemblent pour mutualiser leurs outils ou leurs ressources et que les assurés participent à la vie de leur mutuelle, les entrepreneurs qui se rassemblent dans une coopérative, partagent des outils, des moyens d’entreprendre et une sécurité du statut de salarié pour entreprendre.

La CAE CLARA a été créée il y a douze ans. Elle est issue d’une réflexion sur les besoins des entrepreneurs culturels qui démultipliaient les structures administratives en fonction de leur projet et se retrouvaient seuls pour gérer toutes ces structures. Notre proposition a été d’unifier le statut et de faciliter la gestion des projets culturels, de créations et de productions pour une même personne, dans une même entreprise. Ainsi, l’entreprise coopérative a été un lieu d’innovation entrepreneurial mais aussi d’innovation culturel dans une pratique de coopérations. Les professionnels du secteur culturel nous ayant rejoints ont ainsi pu se concentrer sur leur développement et leur entrepreneuriat pour valoriser leurs projets et développer leur chiffre d’affaires d’entrepreneur.

Ainsi, dans la coopérative d’entrepreneurs, nous développons un entrepreneuriat collectif et des projets individuels, nous travaillons avec de nouvelles collaborations grâce aux rencontres faites lors des formations et nous mutualisons des outils de simplifications comptable et de gestion. Structure pionnière de l’entrepreneuriat collectif dans le secteur culturel, le modèle d’entrepreneuriat en CAE existe depuis 2006 et dans le secteur généraliste, depuis 1996 et à bénéficier d’une reconnaissance de l’État en 2014.

La coopérative d'activité et d'emploi est encore peu ou mal connue. Pouvez vous nous en dire un peu plus ?
Avec la loi sur l'économie sociale et solidaire de 2014, les CAE ont bénéficié d’une reconnaissance de leur modèle conjuguant l’entrepreneuriat collectif et le salariat au sein d’une coopérative. Le statut créé est celui de l’entrepreneur-salarié-associé.

Ainsi, depuis l’auto-entrepreneur, c’est le statut le plus récent créé en France. Il n’a certes pas bénéficié de la même communication que l’auto-entrepreneuriat car, plus complet, ce statut reste complexe.

Entrepreneur, le porteur développe ses prestations, projets, créations et activités sous sa marque. Il utilise ensuite le cadre administratif de la coopérative pour facturer à ses clients. L’accumulation de son chiffre d’affaires lui permet ainsi au bout d’un ou plusieurs mois de bénéficier d’un salaire correspondant, géré par la coopérative. Les entrepreneurs accompagnés dans la coopérative pour y trouver un dynamisme professionnel y développent donc aussi une économie croissante qui leur permet de se salarier et de sécuriser leur situation sociale. Être entrepreneur-salarié, c’est aussi avoir accès aux mêmes droits que les salariés et donc bénéficier de toutes les solidarités nationales. Pour cela, l’entrepreneur cotise sa part patronale et sa part salariale. Il peut aussi embaucher et avoir des prestataires pour lui permettre de réaliser ses prestations, dans la limite d’un chiffre d’affaire déjà acquis. Il bénéficie aussi des outils de gestions et des interfaces mis en place par la coopérative pour faciliter la gestion de tous.

Entrepreneur depuis 36 mois, salariés depuis 30 ou 33 mois, chacun doit devenir sociétaire. La loi de 2014 encadre ainsi que l’entrepreneuriat salarié, soit bien un engagement réciproque et non juste un service d’accompagnement à l’entrepreneuriat. Le collectif et l’intérêt général étant le propre même du statut en SCOP, les bénéficiaires de l’accompagnement entrepreneurial peuvent ainsi participer à la vie de l’entreprise et aux décisions d’orientations. Les sociétaires peuvent aussi bénéficier d’avance de trésorerie grâce aux mutualisations et renforcer leur développement en répondant à des marchés, appels d’offre et appel à projet avec la CAE.

Les sociétaires sont ainsi les garants du développement de l’entreprise et doivent aussi se prononcer sur les montants et l’attribution des sommes mutualisés. La contribution des entrepreneurs étant de 10 % de leur CA mensuel versé pour les frais de fonctionnement, ils sont décideurs des orientations annuelles qui devront être appliquées.

Ainsi, ce statut permet aussi de faciliter la professionnalisation des entrepreneurs, le test du CA annuel et la mise en situation de collaborations sur une même activité avant de se lancer dans une création d’entreprise individuelle (demandant d’intégrer du temps de gestion personnel plus important) et ou la création de SCOP. L’entrepreneuriat collectif en CAE peut donc être une phase de test, un statut de long terme, la modèle qui vous correspond ou un tremplin pour la création de SCOP.

De la même manière, pouvez-vous nous préciser ce que représente le réseau Coopérer pour entreprendre (CPE), son ancrage et ses objectifs ?
Les CAE créées depuis 1996 se sont rassemblées dans le réseau Coopérer pour entreprendre, afin d’y partager des pratiques et des outils mais aussi de la visibilité et des solutions. Le statut dérogatoire en lien avec les pouvoirs publics dans le cadre d’un comité de pilotage national a permis à cette folle idée de l’entrepreneuriat salarié d’ancrer ses bon résultats en termes d’insertion, de création d’emplois et de dynamique économique sur tout le territoire français jusqu’à la création du statut de CAE et d’ESA dans la loi ESS de 2014.
 
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