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30 / 05 / 2017 | 17 vues
Hervé Jégouzo / Membre
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Un quinquennat Macron pour le syndicalisme d’entreprise ?

La pièce est sur le point d’être écrite avec les prochaines ordonnances du quinquennat d'Emmanuel Macron qui vont pousser plus loin la logique des accords d’entreprise de la loi El Khomri mais le casting des acteurs dans l’entreprise pourrait ne pas permettre que la pièce soit jouée…

Si Pierre Ferracci (PDG et fondateur de Secafi-Alpha) fait valoir dans Les Échos du lundi 29 mai « l’urgence d’arriver à des syndicats forts », c’est avant d’ajouter qu’un « paysage syndical éclaté et un rapport de force très déséquilibré entre directions et représentants des salariés impose de se hâter lentement sur le Code du travail ». Avis partagé immédiatement par Raymond Soubie dans la même interview conjointe.

Ainsi, ces deux expérimentés acteurs des relations sociales, tous deux réputés pour leurs actions et positions en faveur du dialogue social, appellent le nouveau Président à remballer d’urgence ses projets dans ce domaine. À tort ou à raison ?

Indiscutablement à tort, même si tout n’est à rejeter dans leur argumentation, loin s’en faut. Cependant, les relations sociales que défendent Pierre Ferracci et Raymond Soubie sont des relations dans un système à bout de souffle avec des acteurs à la légitimité déclinante, voire parfois inexistante. Comment les reconstruire ?

Du syndicalisme d’appareil au syndicalisme d’entreprise

On sait tout des soirées à l’Opéra de Paris de « Raymond La Science » avec Henri Krasucki jadis et des « murmures de Pierre Ferracci à l’oreille « de Philippe Martinez mais est-ce bien à ce monde-là qu’Emmanuel Macron veut continuer de donner vie ?

Le nouveau Président peut également faciliter/encourager cette « disruption » l'ayant mené au pouvoir dans le monde du dialogue social, à une condition : favoriser et promouvoir les acteurs du syndicalisme d’entreprise, employeurs et représentants du personnel de milliers d’entreprises de France qui ont le texte de la pièce (les accords d’entreprise) mais ne savent pas, peu ou mal comment ils vont la jouer.

Comment procéder ?

Un « plan Marshall » pour les acteurs du dialogue social

Le gouvernement doit au plus vite favoriser le développement des syndicats dans les entreprises en favorisant l’adhésion par des dispositifs du type de ceux récemment engagés chez Solvay où l’entreprise prend en charge le reste à charge du coût de l’adhésion après déduction fiscale. Une loi de finances peut tout à fait donner un avantage fiscal (déductibilité ou autre) aux entreprises qui adopteront ces dispositifs, ce qui permettrait aux TPE et PME de bénéficier de ces dispositifs jusqu’ici expérimentés uniquement dans des grands groupes, comme AXA avec le chèque syndical.

À l’image de ce que développe la CFDT, dans une relative discrétion, depuis peu avec son service à l’adhérent « réponses à la carte », le gouvernement doit réfléchir à ce que générerait comme avantages (à la fois pour le salarié et l’employeur) le bénéfice de tels services qui peuvent faire office de support de ressources humaines dans les TPE : on demande de la flexibilité aux salariés mais ce type de services peut/doit constituer une sécurisation dans le parcours professionnel. Le gouvernement répondrait ainsi à une critique (qui trouve un certain écho dans l’opinion) de vouloir précariser le monde du travail.

Un plan de formation massif et d’urgence doit être engagé pour les représentants du personnel et les employeurs via des dispositifs de financement public ou, mieux, via des fonds « requis » auprès des OPCA ou en « ponctionnant » les fonds des comités d’entreprise. Les trésoreries des organisations syndicales, dont certaines sont très abondantes, pourraient être utilement mises à contributions. Ces formations doivent porter sur les techniques de négociation et sur la gestion de l’entreprise qui doit aussi être familière aux représentants syndicaux et du personnel qu’aux employeurs, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui malgré l’assistance des experts et l’existence des banques de données économiques et sociales.

La restructuration des organisations syndicales dont on imagine pas, vu de l’extérieur (et aucune ne fait exception), l’indigence organisationnelle et managériale : superposition de syndicats territoriaux et professionnels, statut du contrat de travail dérogatoire au Code du travail pour les cadres fédéraux et confédéraux (privés de droit syndical pour l’essentiel, ce n’est pas une blague), mode de résolution des conflits passant souvent par des exclusions ou des licenciements contestés et contestables, conduite du changement qu’aucun employeur digne de ce nom ne s’autoriserait à mener à peine d’émeutes à ses portes, mandatements de délégués syndicaux sans garantie de compétences, voire de probité… Reste à trouver les mécanismes publics incitatifs ou contraignants, conduisant les syndicats à passer à cette restructuration ; mais la présence de bons connaisseurs et praticiens de ces sujets dans l’équipe du ministre du Travail devrait y pourvoir.

Le syndicalisme est à reconstruire et, comme toute reconstruction, elle démarre par les fondations. Celles-ci sont à poser dans les entreprises et constituent la condition d’un retour de la crédibilité dans l’opinion, parmi les salariés et parmi les employeurs. Le quinquennat d’Emmanuel Macron pourrait, s’il est disruptif, constituer un quinquennat pour le syndicalisme d’entreprise et ouvrir une nouvelle page de la vie économique et sociale en France.

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