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14 / 05 / 2018 | 2 vues
Didier Cozin / Membre
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Réforme de la formation : grand soir ou petit hiver ?

La formation et sa réforme, entre illusions et confusion...

Deux études et enquêtes mettent à mal les préjugés concourant à toutes les réformes de la formation depuis les années 2000.
  • La formation et l'éducation seraient accaparées par les grands (« les grosses entreprises ») ou les plus qualifiés (les « riches »).
La formation des travailleurs selon les pouvoirs publics (et les médias) est une ressource rare que les plus qualifiés monopolisent au détriment d'une grande majorité de travailleurs qui, désireux d'apprendre, en sont empêchés par des riches au travail que ce soit les grandes entreprises, les cadres, les ingénieurs ou les techniciens (déjà) qualifiés. Une enquête (Udemy) menée fin 2017 dans 5 grands pays (Brésil, Mexique, États-Unis, France et Espagne) met à mal cette idée de Français désireux à tout prix de se former et aimant apprendre.
  • Le chauffard, c'est toujours l'autre

Si, selon cette enquête, 81 % de nos concitoyens pensent, à juste titre, que notre pays manque de compétences, seuls 32 % des adultes estiment être concernés en personne par ce manque de compétences. La formation serait bonne et positive mais pour les autres. Personne (ou presque) en France ne remet en question la nécessité de se former (tout au long de la vie) et d'être (bien) éduqué mais il y a un formidable hiatus entre ce que les Français déclarent sur leur formation et la réalité de leur appétence et volonté de s'investir pour apprendre.

Dans la vie professionnelle et sociale, la formation est un sujet parfaitement secondaire en France.

À l'occasion de la première année de mandature d'Emmanuel Macron, le moteur de recherche Google a publié les requêtes les plus populaires concernant le Président de la République.
Parmi les sujets les moins recherchés par les Français, figurent les réformes du RSI, du droit de l'Université et de la formation.

La réforme de 2018 : en croyant reconstruire, elle pourrait provoquer un effondrement des apprentissages.

Après les reculs successifs de l'effort de formation du pays sous les coups de la crise financière de 2008 (on économise sur ce qui ne se voit pas, donc la formation), après la calamiteuse réforme de 2014 (fin du DIF et mélange des genres et des budgets entre la formation des chômeurs et celle des salariés), les pouvoirs publics souhaitent une nouvelle fois bouleverser la formation professionnelle pour l'individualiser et la numériser (des compteurs pour compter ses euros de formation au lieu des heures) et une application magique pour tout régler en formation.

Le pire pourrait être devant nous...

Si l'actuel projet de loi « pour construire son avenir professionnel » est voté en l'état, nous pourrions vivre un véritable effondrement des dispositifs, des opérateurs et des capacités de formation en France :

  • compteur de formation (CPF) incapable de sécuriser la réalisation et le financement des apprentissages pour 30 millions d'actifs (les précaires, les indépendants ou les fonctionnaires étant toujours les oubliés) ;
  • disparition du congé de formation (CIF) au profit d'un CPF de transition parfaitement improvisé et inconstruit ;
  • suppression des périodes de professionnalisation (alternance pour les salariés en poste) ;
  • nationalisation de la formation avec disparition des OPCA (remplacés par les URSSAF) et déssaisissement des employeurs au profit de la Caisse des dépôts (celle-là même qui n'a pas su, en quatre ans, développer un site, moncompteformation, et à qui l'on va confier le développement d'une application miracle pour se former (via son smartphone) ;
  • quête effrénée de qualité pour la formation tout en niant que celle-ci est un marché qui seul peut garantir à la fois la qualité, l'adéquation de l'offre à la demande et aux besoins des travailleurs.

La réforme programmée en 2018 ne résout aucun de nos dilemmes éducatifs. 

a) Affaiblissement de l'école de la République. Une école qui accroît les inégalités, produit du désespoir social tout en ruinant les capacités d'apprendre de nombreux citoyens.
b) Méconnaissance des ressorts d'une formation transformée en une sempiternelle et inefficace « école de la seconde chance ».
c) Confusion entre l'insertion professionnelle des chômeurs (et des jeunes) et la formation tout au long de la vie des travailleurs en poste.
d) Impécuniosité d'un système qui prétend dépenser 32 milliards pour sa formation tout en ne permettant qu'à 5 % des travailleurs de se former effectivement.
e) Déresponsabilisation de tout le corps social (salariés, syndicats et entreprises) quant au développement des compétences et aux anticipations professionnelles.

Réforme version 2018 : une reconduction des erreurs du passé

La prochaine réforme de la formation n'apportera que confusion, impuissance et immobilisme si le Parlement ne se saisit pas du texte de loi pour l'amender, le transformer et réinventer une formation qui ne sera ni une école pour adultes, ni un livret d'épargne (populaire) ni même une carte de fidélité pour apprendre mais bien une dynamique vers la formation tout au long de la vie.

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