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14 / 01 / 2020 | 130 vues
Pascal Geiger / Membre
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Inscrit(e) le 15 / 11 / 2014

Retraites : un débat biaisé

Plus on parle des retraites, moins le sujet devient compréhensible. Entre le crédo péremptoire de ceux qui veulent un système universel des retraites budgétairement équilibré et celui de ceux qui veulent que rien ne change, en passant par la soumission des fatalistes qui acceptent que, puisque la durée de vie augmente, il est normal de travailler plus longtemps, sans pour autant nous expliquer l’origine divine de cette affirmation, le débat sur les retraites devient de plus en plus abscons.


À chacun ses certitudes pour bricoler au mieux de ses intérêts les fameuses mesures paramétriques censées pérenniser un système de retraite par répartition et dont le principe repose sur la solidarité intergénérationnelle (selon laquelle les actifs d’aujourd’hui financent les pensions des retraités d’aujourd’hui).


Heureusement, personne n’évoque le changement du système de répartition par un système de capitalisation pour l'heure. Cela dit, il y aura toujours un ayatollah néolibéral pour se lever en bombant le torse pour vanter les mérites d’un tel modèle.
 

Une faillite annoncée
 

Malheureusement, le système par répartition coince. Les cotisations des uns ne suffisent plus à payer les pensions des autres.
 

Les 42 régimes spéciaux ajoutés au régime général des retraites génèrent un déficit de quelque 14 milliards d’euros, lequel ne cessera de croître selon le Conseil d’orientation des retraites qui prévoit un ratio de 1,2 actif cotisant pour 1 retraité en 2050 (contre 4 pour 1 en 1960).
 

De plus, le COR souligne que, si le système ne change pas, une retraite sur six ne sera pas financée en 2030.
 

Pour l’heure, ce déficit de 14 milliards d’euros est naturellement comblé par les impôts des contribuables.
 

Pour régler cette quasi-faillite annoncée, la seule solution trouvée par les gouvernements successifs depuis le gouvernement de Michel Rocard a été d’opposer les actifs aux retraités en focalisant leur réflexion sur des mesures paramétriques ; c’est-à-dire « jouer » sur le report de l’âge de départ à la retraite ou, dit de manière plus douce, sur la prolongation de la durée de cotisation, sur l’augmentation du taux de cotisation, voire sur la baisse de la valeur du point...
 

De quelqu’obédience qu’ils soient, les technocrates sauront indubitablement trouver des mécanismes techniques mirobolants devant à court terme répondre aux attentes des uns sans amplifier les frustrations des autres, tout en laissant le système courir à sa perte.
 

L’agonie sera houleuse et l’addition salée pour les générations futures. Étonnamment, personne ne pose le caractère malhonnête de ces mesures paramétriques. Elles contribuent pourtant à affirmer que les salariés et les retraités sont quantitativement et financièrement responsables de la diminution du volume des cotisations. C’est pourquoi, il paraît utile et nécessaire de revenir sur ce concept de retraite.
 

Qu’est-ce qu’une retraite et comment se réalise-t-elle ?
 

Lorsque vous êtes actif, vous acceptez de vous priver d’une partie de votre salaire immédiat durant votre période d'activité, en versant celui-ci, sous forme de cotisation, à un organisme ad hoc avec la certitude que celui-ci vous le reversera lorsque vous cesserez votre activité ; c'est le fondement du contrat qui vous lie à cet organisme. La retraite s’apparente donc à ce que l’on appelle en économie un salaire différé ; elle représente également une dette de cet organisme ad hoc envers le retraité.
 

Pour honorer sa dette, cet organisme puise dans le flux financier annuel généré par les actifs cotisants, c’est le principe même de cette solidarité intergénérationnelle. Mais que l’on rende les salariés responsables de la baisse du volume des cotisations pour revoir les conditions générales d’élaboration de leurs futures retraites revient à s’attaquer aux symptômes de la baisse de ce volume sans s’attaquer à sa cause réelle.
 

Quelles sont les raisons de cette baisse du flux des cotisations retraites ?
 

Elles sont a minima de deux ordres : des salaires trop bas et un volume en baisse d’emplois, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, (plans sociaux, transfert vers l’auto-entrepreneuriat, chômage, petits boulots, stages…). Pour la doxa néolibérale, les salariés ont toujours été une variable d’ajustement. Pour que l’entreprise puisse se développer, il faut impérativement baisser les charges sociales et les charges fiscales. Depuis 1983, tous les gouvernements se sont convertis aux principes économiques véhiculés par cette doxa.
 

En 2018, les entreprises ont bénéficié de quelque 20 milliards d’euros au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), cadeau fiscal dont on ne mesure aujourd’hui qu’un très faible effet sur la création d’emploi et une absence remarquée d’augmentation des salaires. En janvier 2019, ce CICE a été transformé en un allègement de cotisations sociales pérennes et à effet immédiat. Le montant de cet allègement fiscal atteindra vraisemblablement 40 milliards d’euros par an, selon Bercy.
 

Depuis 2010, les dividendes des entreprises du CAC 40 augmentent de quelque 9 % par an. Ils représentent en 2019 plus de 51 milliards de dollars (~40 milliards d’euros). Cette ponction annuelle est l’équivalent du financement de quelque 35 000 emplois payés au SMIC chargé pendant 41 ans.
 

Il convient de rappeler que la moitié de ces dividendes quitte le territoire national pour rémunérer les actionnaires étrangers. Pour autant, une augmentation des dividendes ne signifie pas une augmentation de l’investissement capitalistique des entreprises. Selon l’INSEE, leur courbe est étale, depuis plus de vingt ans.
 

Comment une entreprise pourrait-elle s’équiper de biens de production à moindres coûts lorsque les bénéfices nets après impôt qu’elle génère sont redistribués à 67 % sous forme de dividendes (et moins de 6 % aux salariés sous forme de formules d’intéressement).
 

Enfin, pour conclure, il n’est pas inutile de souligner que la fraude et l’optimisation fiscale coûtent quelque 80 à 100 milliards d’euros. chaque année au budget de l'État.
 

Toute réflexion faite, il est sans doute préférable et plus facile de combler le déficit des régimes de retraite par des mesures techniques que de s’attaquer à la racine du mal politiquement. Racine du mal qui trouve son origine dans la genèse de l’humanité. Il suffit de se rappeler la parabole des talents (cf. évangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 14 à 30) : « À celui qui a, on donnera encore et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a. Il sera jeté dans les ténèbres extérieures. Il y aura des pleurs et des grincements de dents ».

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