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03 / 06 / 2021 | 363 vues
Xavier Burot / Abonné
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Quand les patrons du portage salarial font du chantage aux organisations syndicales

Mardi 25 mai 2021, lors de la réunion de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation de la branche du portage salarial, le syndicat patronal majoritaire (le PEPS) a annoncé qu'il ne souhaitait plus travailler avec la CGT, tant que je serais le représentant de sa délégation. Et d'ajouter qu’il refusait ma nomination à la fonction de président de la commission de suivi paritaire des régimes de santé et de prévoyance, pourtant effectué en bonne et due forme le mois précédent, et demandait qu'il soit procédé à une nouvelle désignation.

 

Comme le PEPS est apparemment pressé de me voir mis au ban par les autres organisations syndicales, il a envoyé un courrier officiel le 1er juin 2021, indiquant clairement qu’il ne siègera plus à la commission de suivi et ne signera aucun document relatif à la mise en place de la protection sociale complémentaire découlant de l’accord du 12 novembre 2020, tant que « je » présiderais ladite commission.
 

Ce chantage (il faut bien appeler les choses par leur nom) est la démonstration de la vision très autoritaire du PEPS en matière de dialogue social. Les syndicats n’étant là que pour servir de faire-valoir à la grande œuvre patronale.


Ayant passé des années en marge de la légalité, le patronat de portage a pris la mauvaise habitude de faire ce qu’il veut, sans réellement de réaction. Alors pourquoi changer de comportement ?


Voilà pourquoi, il n’a pas apprécié que ma fédération (et moi comme responsable de ce secteur pour celle-ci) ait lancé une opération pour faire cesser une pratique que nous jugeons illicite en matière de prélèvement sur le compte consultant des salariés portés, notamment la CVAE, la C3S et l’assurance risque civil professionnelle.
 

Pourquoi illicite ? Car ce prélèvement se fait en vertu des dispositions de l’avenant n°2 de la convention collective, selon les employeurs. Il est vrai que cet avenant prévoit bien que ces taxes et charges puissent être prélevées sur le compte du salarié porté. Mais (car il y a un « mais » et non des moindres) l’avenant prévoit que son application ne débute qu’au premier jour du mois suivant la publication de son arrêté d’extension par le Ministère du Travail. Or, à ce jour, aucun arrêté n’a été publié.
 


Notre action vise à faire appliquer le simple respect du droit au sein d’une branche professionnelle jeune afin que celle-ci puisse apporter les garanties nécessaires de sécurité à ceux qui choisissent ce statut.


Dans son dernier courrier, le PEPS qualifié notre action de « déloyale » ! En quoi cette action était-elle déloyale ?


Depuis novembre 2018, date où la CGT a retiré sa signature de cet avenant n° 2 après avoir été contacté par des salariés portés qui nous ont mis en garde sur les effets négatifs de celui-ci (des effets bien résumés par le Député André Chassaigne dans sa question à la Ministre du Travail), nous avons réclamé la réouverture d’une négociation sur ce sujet extrêmement important. Il y a bien eu un début d’ouverture de négociation qui s'est très vîtes enlisée quand le PEPS s’est rendu compte qu’il n’obtiendrait pas de consensus syndical autour de son projet qui avait le gros inconvénient pour les salariés portés de rendre les prélèvements opérés sur leur chiffre d’affaires encore plus opaques. Une opacité à l'époque dénoncée à l’époque par quelques entreprises de portage salarial, dont certaines adhérentes au PEPS.


Face à l’inertie du PEPS sur la question et sur la sollicitation de nos syndiqués dans cette branche, nous avons décidé de lancer cette action. Dès lors, nous avions le choix entre lancer une multitude de procédures judiciaire dans toute la France car cette pratique est reprise par un grand nombre d’entreprises de portage salarial ou nous attaquer à une seule entreprise emblématique dont la condamnation aurait un effet important sur les autres entreprises de la branche.


Afin d’éviter un risque toujours possible de rendu de décisions contradictoires, nous avons opté pour la seconde solution. Notre choix s’est porté sur ITG car :

  • c’est la première entreprise du secteur en termes d’effectif et de chiffres d’affaires ;
  • son président est aussi le président de la CPPNI du portage salarial et, en tant que tel, signataire de l’avenant n° 2 au nom du PEPS, donc connaisseur du contenu de celui-ci donc de son applicabilité ;
  • dans un accord collectif d’entreprise, cette société avait défini les pourcentages prélevés sur le chiffre d’affaires des salariés portés, ce qui nous facilitait singulièrement la tâche quant à la quantification du préjudice subi par les salariés portés.
     

Il n’est pas rare que notre organisation (comme d'autres) lance une action en justice sur tel ou tel sujet quand il s’avère qu’une situation anormale à nos yeux existe. La justice nous donne raison et parfois tort mais notre action n’a jamais été qualifiée de « déloyale ». Il existe une différence d’appréciation d’un fait, le juge est là pour trancher. En quoi cela serait-il déloyal ?
 

De plus, une récente affaire concernant le PEPS apporte un éclairage particulier de la définition de la loyauté pour le PEPS. En effet, plusieurs entreprises de portage salarial adhérentes à cette organisation ont été convoquées par le comité de déontologie du syndicat patronal, pour s’expliquer sur leur labélisation « zéro frais caché » qui ne serait pas « déontologiquement » compatible avec leur adhésion. Là encore, les protagonistes sont jugés « déloyaux »…
 


Maintenant, par ce « chantage », le PEPS bloque assurément de nouveau la mise en place d’un régime complémentaire de branche couvrant la santé et la prévoyance. Il a fallu près de trois ans pour conclure cet accord dans la douleur. Sa mise en œuvre est constamment ralentie par différents soucis sans que cela n'alarme la délégation patronale outre-mesure, laquelle a son propre régime complémentaire concurrent à celui qui a été négocié depuis longtemps.


Là encore, le PEPS donne une vision assez claire de l’intérêt que cette organisation porte aux salariés portés et à leur protection sociale, alors que la « couverture sociale du salarié » est leur principal argument publicitaire pour se différencier des autres modes d’entreprenariat.


En dernier lieu, je rappellerais que notre dévouement et notre fidélité est entièrement dédié aux salariés que nous représentons.

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