Projets budgétaires pour 2026 : au carrefour des incertitudes
Quatorze milliards d’euros de recettes supplémentaires, des dépenses en recul de 17 milliards, l’effort sur les finances publiques en 2026 serait donc de l’ordre de 31 milliards d’euros.
C’est le scénario qu’a présenté le 14 octobre le deuxième gouvernement (nommé le 12 octobre) de Sébastien Lecornu (reconduit le 10 octobre à son poste après sa démission le 6) à travers les projets de textes budgétaires : le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Un scénario qui pourrait être bien sûr fortement modifié au cours des débats parlementaires.
Déjà, au contenu des textes adressés le 2 octobre au Haut Conseil des finances publiques et adoptés ce 14 octobre par le Conseil des ministres, se sont ajoutées des déclarations gouvernementales qui montrent des variations par rapport aux textes.
Ainsi sur le déficit public, qu’il serait finalement projeté de ramener sous les 5 % de PIB et non plus à 4,7 %. Le scénario des projets de textes budgétaires pour 2026 est aussi tel un double héritage, puisque inspiré par le projet présenté par l’ex-Premier ministre Michel Barnier, mais aussi par les mesures pour 2026 présentées l’été dernier par l’ex-Premier ministre François Bayrou.
Un goût de déjà vu...
Parmi les multiples mesures : le gel (donc désindexation de l’inflation) du barème de l’impôt sur le revenu (pour une recette supplémentaire de 1,9 milliard d’euros l’an prochain).
Comme le projetait aussi François Bayrou, est prévu un gel des pensions de base (les retraités imposables perdraient par ailleurs l’abattement fiscal de 10 %, remplacé par un abattement forfaitaire de 2 000 euros), des prestations sociales et des salaires indiciaires du secteur public.
Les crédits ministériels baisseraient en 2026, hormis pour le ministère des Armées qui recevra 6,7 milliards d’euros en plus.
Par ailleurs, est prévue la suppression de 3 119 postes d’agents publics (cela intégrant la suppression de 1 735 postes des 434 agences et opérateurs de l’État).
La Sécurité sociale sera elle aussi fortement mise à contribution avec des économies dans le secteur de la santé à hauteur de 7,1 milliards d’euros. Cela avec un Ondam (évolution des dépenses) sévère de 1,6 %. Sont toujours par ailleurs prévus (par décret) le doublement des franchises médicales, mais aussi des mesures restreignant les droits dans le cadre des prescriptions d’arrêt maladie, ou encore des mesures impactant les droits des personnes en arrêt de longue maladie (ALD).
Côté sollicitation des ultra-riches et des entreprises...
Pour ces dernières, la CVAE (impôt de production) verrait sa cotisation baisser et cet impôt serait supprimé en 2028 (au lieu de 2030). Par ailleurs, la surtaxe créée en 2025 et appliquée aux grandes entreprises (les quatre cents disposant d’un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros) perdurerait en 2026 mais réduite de moitié. Comme son rendement : quatre milliards d’euros contre huit cette année. Une mesure de taxation du patrimoine financier des holdings familiales est annoncée, avec l’objectif d’un rendement limité : entre 1 et 1,5 milliard d’euros. Du côté des allégements de cotisations patronales, un recentrage est annoncé. La suppression d’exonérations serait quasi similaire à 2025, et ne représenterait que 1,5 milliard d’euros.
À comparer au manque à gagner total induit par ces allégements sur les comptes publics : soit 88 milliards d’euros.
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Le gouvernement s'acharne sur les retraités !
L'UCR-FO vient de prendre connaissance du contenu de la lettre
rectificative du PLFSS 2026. L'essentiel des dispositions consiste à aggraver
la situation des retraités dans le but évident de leur faire payer la suspension,
pardon, le « décalage », de la contre-réforme des retraites.
Qu'on en juge :
– Augmentation de la taxe sur les mutuelles (2,25 % au lieu de 2,05%)
calculée sur l'ensemble des cotisations de l'an prochain. Pour des
budgets déjà limités, le risque de démutualisation de nombreux
retraités augmente.
– Maintien du gel des pensions pour 2026 mais encore tour de vis
supplémentaire pour 2027 avec augmentation du taux de minoration.
En clair, la revalorisation sera de 0,4 % en 2027 quand la prévision
d'inflation est de 1,75 %.
L'UCR-FO rappelle que la sous-indexation des pensions était une des
pistes évoquées au cours du « conclave » par certaines organisations pour
équilibrer le déficit de la branche.
Pour notre organisation, plus que jamais, abrogation de la Loi sur
les retraites et condamnation des dispositions scandaleuses du PLFSS !
L'UCR-FO s'adressera aux parlementaires pour leur demander de
rejeter ces dispositions, de maintenir l'abattement des 10 %, de
revaloriser toutes les pensions a minima selon l'inflation.
UNE LOURDE FACTURE POUR LES TRAVAILLEURS !
Les mesures annoncées par l’ex Premier ministre, François Bayrou, le 15 juillet dernier ont suscité
une forte colère sociale qui s’est massivement exprimée lors de journées de grèves et de
mobilisations des travailleurs des 18 septembre et 2 octobre derniers.
Après un mois de crise politique, le nouveau gouvernement a finalement déposé un projet de loi
de finances pour 2026 présenté en Conseil des ministres le 14 octobre. Ce dernier entend
poursuivre l’austérité et la politique de l’offre.
En effet, le PLF reprend l’essentiel du projet initial. Il propose de réduire le déficit public de 5.4 %
en 2025 à 4.7 % du PIB en 2026. Il entérine donc une cure d’austérité estimée à plus de 30 Mds
d’euros en 2026, soit 17 Mds d’euros de baisses de dépenses et 14 Mds d’euros de hausses
de recettes selon l’avis du Haut Conseil aux Finances Publiques (HCFP).
Ce projet de loi de finances doit être replacé en perspective. Il s’agit de réduire les dépenses
publiques et sociales pour se conformer aux engagements européens. La France s’est engagée à
ramener son déficit public sous les 3 % en 2029, et à stabiliser son niveau de dette publique, soit
un effort nécessaire compris entre 112 et 127 milliards d’euros d’après le Conseil d’analyse
économique (CAE)1. Le respect de ce programme sans précédent équivaut à remettre en cause
le modèle social français.
En 2026, une véritable saignée se prépare pour les services publics et la Sécurité sociale :
• Baisse des crédits ministériels de l’Etat à l’exception des dépenses militaires (+13 % par
rapport à 2025), de la charge d’intérêts (+15,4%) et de la contribution à l’UE (+26 %).
• Suppression de 3119 d’emplois de l’Etat, des opérateurs et des caisses de Sécurité
Sociale.
• Réduction des aides à l’apprentissage et autres dispositifs d’insertion ainsi que des
économies sur le compte personnel de formation (CPF) pour un montant de 2,5 Mds
d’euros
• Diminution des crédits du logement de 0,9 Md d’euros avec une baisse des subventions
à la rénovation thermique et le gel des APL
• La mission « solidarité, insertion et égalité des chances » verra ses crédits diminuer de
0,8 Md d’euros, principalement liée au gel des prestations sociales.
• En outre, les coupes concernent l’aide au développement (0,7 Md d’euros), les sports et
la jeunesse (0,3 Md d’euros), la culture (0,2 Md d’euros).
• Le budget prévoit le gel des dotations et la rationalisation des coûts pour de nombreuses
agences de l’Etat (France Télévisions, Radio France, Opéra de Paris, Bnf, Chambre de
Commerce et de l’Industrie, ANAH, France Compétences, OPCO, etc…). Il s’agit de
préparer à la privatisation voire à la suppression d’un tiers d’entre elles.
• Les collectivités, pourtant déjà à l’os pour la plupart d’entre elles, se verront prélever 2
Mds d’euros de recettes dans le cadre du DILICO (prélèvement de recettes des
collectivités puis reversement à condition qu’elles réduisent leurs dépenses).
L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est limité à 1,6 % de croissance
en 2026, bien loin de l’évolution des besoins. Par conséquent, le système de santé devra
consentir à 7 milliards d’euros d’économies et à une série de contre-mesures sur le dos des
patients.
Le PLF prévoit une « année blanche », c’est-à-dire le gel de toutes les prestations sociales, sans
exception (RSA, AAH, prime d’activité, allocations familiales), du barème de l’impôt sur le revenu,
du point d’indice et des pensions de retraites.
Les retraités subiront la double peine avec en plus, un abattement forfaitaire de 2000 € sur les
pensions de retraite pour un célibataire et de 4000 euros pour un couple.
Ces mesures brutales et injustes amputeront le pouvoir d’achat de millions de ménages, en particulier des plus modestes.
• Selon les estimations de l’OFCE, près de 10 millions de ménages retraités verraient
leur revenu disponible diminuer de 350 euros en moyenne.
• Les 15 millions de ménages salariés subiraient quant à eux une baisse d’environ 70
euros par ménage, tandis que les 2,4 millions de ménages d’indépendants
perdraient environ 100 euros par personne.
Depuis 2017, les déficits et la dette n’ont cessé de se creuser du fait d’une chute inédite des
recettes et non d’une supposée « dérive » des dépenses. Or du côté des recettes, les grandes
fortunes restent largement exonérées. Certes la « contribution différentielle sur les hauts
revenus » est prolongée mais c’est un effort mineur demandé aux foyers fiscaux déclarant plus
de 250 000 euros de revenus annuels pour une personne seule. Cette contribution ne rapportera
qu’1.5 Md d’euros en 2026.
La taxe dite Zucman ayant suscité une vive opposition, le PLF lui préfère une taxe de 2 % sur le
patrimoine des holdings tout en s’assurant d’exonérer l’essentiel du patrimoine financier
(actions de sociétés, capital investissement, liquidités sur cessions de titres…), et de
l’immobilier de bureaux. Cette pseudo taxe concernera 4000 ménages pour un rendement
attendu au mieux de 0,9 Md d’euros, loin des 15 à 20 Mds que pourraient générer la taxe
Zucman, dans ses chiffrages les plus optimistes.
Non contents de sanctuariser les aides et cadeaux fiscaux accordés aux entreprises, le PLF
ajoute même de nouvelles baisses d’impôts. Un Abaissement de moitié de la « contribution
exceptionnelle sur les bénéfices » instaurée en 2025. Le taux de surtaxe à l’impôt sur les sociétés
sera divisé par deux pour les entreprises dont le chiffre d’affaires en France dépasse 1 Md
d’euros. Le rendement prévu est de 4 Mds d’euros en 2026, soit moitié moins qu’en 2025.
• Une baisse du taux de CVAE passant de 0,28 % à 0,19 % pour 1,3 Md d’euros de recettes
en moins, en attendant sa suppression programmée en 2028.
Par ailleurs notons des impôts et cotisations supplémentaires dont certains viendront diminuer
le pouvoir d’achat des salariés et retraités :
• La suppression de l’abattement proportionnel de 10 % sur les pensions de retraite en
le remplaçant par un abattement forfaitaire de 2000 euros pour un célibataire et 4000
euros pour un couple. Les retraités déclarant plus de 20 000 euros annuels de pensions
devraient subir une augmentation d’impôt non négligeable (hors prise en compte
éventuelle d’autres revenus).
• La fiscalisation des indemnités journalières pour maladie versées au titre des ALD
(0,7 Md d’euros), ce qui revient à réduire le remboursement des maladies chroniques.
• La suppression des réductions d’impôts pour enfants scolarisés ou la fiscalisation
des jobs étudiants. Concrètement, pour un couple marié avec deux enfants à charge
(revenus déclarés de 62000 euros annuels et salaire d’un enfant étudiant à charge de
2700 euros l’impôt sera ainsi majoré de l’ordre de 580 euros !
• Une « participation exceptionnelle » des organismes complémentaires (1 Md d’euros)
• Une nouvelle contribution employeur de 8 % sur les compléments de salaires : titres
restaurants, chèques vacances, chèques cadeaux et autres avantages financés par
le CSE pour un rendement attendu de 1,2 Md d’euros affecté à la sécurité sociale.
• Une augmentation de 10 points des contributions employeurs sur les indemnités de
ruptures conventionnelles et les indemnités de mise en retraite.
• Une taxe de 2 euros par article sur les petits colis inférieurs à 150 euros pour faire face à
la concurrence des plateformes.
• D’autres niches sont dans le viseur : réduction de l’ACRE pour les auto-entrepreneurs, de
l’exonération pour le développement économique des Outre-Mer, suppression de
l’exonération dont bénéficiaient les apprentis, réduction du crédit d’impôt jeunes
entreprises innovantes.
En résumé, la même politique économique est poursuivie malgré son incapacité à répondre à la
crise économique : stagnation de la croissance et de la productivité, dégradation des finances
publiques, aggravation des inégalités et de la pauvreté, désindustrialisation et augmentation des
faillites.
Face à la crise qui s’aggrave et sous la pression des marchés financiers, le projet de loi de
finances prétend redresser les comptes. Il préserve l’essentiel de la politique de l’offre, ne
réclamant qu’une contribution minime des entreprises et grandes fortunes. En particulier, il n’est
pas question de toucher aux aides aux entreprises, dont le montant évalué par le Sénat s’élevait
à 211 milliards d’euros en 2023. La facture de cette politique est aujourd’hui présentée aux
salariés, retraités et demandeurs d’emploi.
Notre confédération dénonce l’objectif de redressement brutal des finances publiques ne pouvant que conduire à
une nouvelle dégradation de nos services publics et du modèle social.
Il risque, en outre, de plonger l’économie française dans la récession, sans réussir à résorber les
déficits publics qu’il prétend combattre.
1) Plus de 150 milliards d’euros si l’on tient compte de la hausse des dépenses militaires.
Vers un artifice de hausse impliquant la CSG ?
Bas salaires : vers un artifice de hausse impliquant la CSG ?
Au tout début octobre, parmi le flot de pistes évoquées du côté de Matignon et censées conduire à doper le pouvoir d’achat, était évoquée celle d’une « baisse d’impôts » en faveur du travail. Il s’agissait non pas d’une hausse générale des salaires bruts, ainsi que le revendique FO, mais, notamment, de rapprocher le salaire net du brut (déjà prôné par les récents gouvernements) via une baisse de la CSG (contribution sociale généralisée) et a priori sur les salaires les plus bas. Un artifice, donc, et faisant ressortir aussi le problème de la compensation de recettes pour la Sécu, problème d’autant plus récurrent alors que ses ressources ne sont plus assises exclusivement sur les cotisations sociales, salariales et patronales. Était évoquée comme solution le transfert vers la Sécu d’une partie du produit de la hausse de la CSG appliquée au prélèvement forfaitaire unique (PFU), impôt flat tax sur le capital (au taux de 30 %), créé le 1er janvier 2018 et qui a amoindri la taxation des revenus du capital en les extrayant de l’imposition sur le revenu.
Fiscalisation croissante des ressources de la Sécu
Plus largement, la piste avancée pour doper les salaires mettait la lumière sur la fiscalisation des ressources de la Sécu et l’atteinte toujours plus forte du salaire différé depuis trente ans, cela au nom de la baisse du coût du travail et d’une diversification du mode de financement de la Sécu.
Ainsi, les cotisations sociales, qui représentaient 77 % des ressources de la Sécu en 1981, n’en représentaient plus que 54 % en 2022. La CSG, impôt créé en 1991 et qui affiche désormais un rendement de plus de 100 milliards d’euros par an, est prélevée notamment sur les revenus d’activité (dont les salaires) et de remplacement (dont les pensions de retraite et les allocations chômage). Cet impôt participe au financement du fonds de solidarité vieillesse, de l’autonomie (CNSA), de l’Assurance maladie, des allocations familiales, de l’Assurance chômage et de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
La CSG est passée d’un taux de 1,1 % en 1991 (ne remplaçant d’abord que les cotisations patronales d’allocations familiales) à des taux (hors taux réduits) variant, depuis 2018 (date de la suppression des cotisations salariales d’Assurance maladie et de chômage), de 6,2 % à 9,2 % (dont sur le salaire).