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27 / 05 / 2024 | 397 vues
Denis Garnier / Membre
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Payer les directeurs d’hôpitaux au regard du niveau d’absentéisme !

Chaque jour, 110 000 agents hospitaliers sont absents de leur poste de travail pour des raisons de santé. Ce chiffre augmente chaque année et rien n'y fait. La course à la performance financière balaie tout sur son passage. Elle impose des contrats d'objectifs individualisés pour justifier un salaire au mérite. Il serait temps de changer de méthode pour réduire ce gaspillage de temps de travail !

 

Obligés par la tutelle, ils ne cessent d’imposer des mesures toujours plus contraignantes et toujours plus éloignées du patient qu’ils doivent prendre en charge. Les contrats d’objectifs individualisés, une rémunération au mérite, etc. sont des artifices qui sont censés améliorer les performances. Mais lesquelles ?

 

Par exemple : un contrat d’objectif individualisé permettant de déterminer la rémunération au mérite, conduirait en EHPAD à réaliser des toilettes de personnages âgées en moins de dix minutes : laver dix manies à l’heure deviendrait une performance qui laisserait aux autres… les infirmières… le soin de traiter les escarres ! Les aides-soignantes qui arriveraient à battre ce record seraient élevées au rang des méritantes. Les autres, celles qui respecteraient les règles professionnelles qui enseignent une durée moyenne d’une toilette de vingt minutes, seraient reléguées au rang des croupissantes !

 

La performance est adulée partout, sauf auprès du malade. C’est ce que les spécialistes des conditions de travail dénomment : la perte de sens !

 

Les directions des établissements hospitaliers, les cadres supérieurs et inférieurs, examinent le travail à travers les cellules de leur tableur Excel imposé par les lois successives, au premier rang desquelles ; la tarification à l’activité.

 

Le malade est devenu une source de recettes. Tout doit être entrepris pour en tirer le maximum… de recettes. Des médecins sont transformés en agents comptables dans les départements d’informations médicales (DIM). Des officines se mettent au chevet des directeurs pour améliorer encore les performances. L’Agence Nationale d’Aide à La Performance (ANAP), considère que les personnels qui ne sont pas au chevet du malade, ouvriers et administratifs par exemples, sont des improductifs. Il en est de même pour tout le temps qui n’est pas du travail effectif. Il est assimilé à du temps gaspillé.

 

Le temps gaspillé ; quelle belle expression ! L’ANAP aurait-elle raison de qualifier ainsi tous les temps qui ne se déroulent pas auprès du malade ? Certainement ! Mais, contrairement aux affabulations de l’ANAP, ce temps ne relève pas des ouvriers ou des administratifs, mais essentiellement des absences au travail pour raison de santé !

 

Il est donc nécessaire de se poser la question de la performance. Comment améliorer la performance du temps gaspillé ? Où dit autrement, comment réduire le nombre de jours d’absence au travail pour raison de santé ?

 

Cela fait vingt ans que la question est posée, que des études, des colloques, des séminaires, des conférences sont organisées sur le thème, que des rapports parlementaires sont publiés pour traiter la question. Tout ceci doit être rangé dans le casier des activités « occupationnelles ». Elles permettent à quelques agences, cabinets d’études et experts, à financer leur improductivité.

 

Pour innover à moindres frais, pourrait-on se poser la question de la performance des directeurs et cadres des hôpitaux ?

 

Augmenter le nombre de jours de présence au travail permettrait de gagner de la présence auprès des malades par des agents actuellement payés en restant à la maison. Et donc, de réduire le temps gaspillé. Et donc, d’améliorer la performance !

 

En 2013, il fut admis par la Direction des hôpitaux que chaque jour, 100 000 agents hospitaliers étaient arrêtés pour raison de santé (hors maternité).

 

En 2024, compte tenu de la dégradation de la situation des hôpitaux, il n’est pas impensable d’avancer le chiffre de 110 000 agents improductifs générant un gaspillage de 176 millions d’heures de travail !

 

Tous les outils existent et surtout l’expertise de nombreux spécialistes de conditions de travail sur laquelle ils peuvent s’appuyer. Les Yves CLOT, Dominique Méda, Danièle Linhart, Vincent de Gaulejac, Christophe Dejours, Marie Pezé et tant d’autres, ont consigné dans leurs ouvrages multiples recettes pour redonner du sens au travail.

 

Les directeurs et les cadres hospitaliers devraient se placer dans la configuration qu’ils imposent à leurs agents. S’investir dans un contrat d’objectif individuel qui viserait à réduire le nombre d’improductifs et le temps de travail qu’ils gaspillent. Ils pourraient ainsi améliorer leurs revenus en fonctions des gains de productivité qu’ils pourraient générer en remplissant le contrat.

 

Pour le moment, la rémunération des directeurs d’hôpitaux dépend grandement des objectifs financiers qui leur sont assignés.

 

Si les objectifs se déportent vers les bonnes conditions de travail, source de qualité et de bon sens, il serait possible d’observer une baisse du temps gaspillé et donc, une augmentation sensible du nombre de personnels auprès du malade sans que cela coute un centime de plus !

 

La santé au travail est un investissement productif que les directeurs et cadres hospitaliers devraient mettre en œuvre ! Mais, cela fait plus de vingt ans, que les gouvernements et l’oppressante tutelle des Agences Régionale de Santé contournent cette évidence pour suivre aveuglément les équations alambiquées des experts improductifs ! Quel temps gaspillé !

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Pour compléter cette lecture, je vous recommande le livre que j’ai écrit en 2011 et qui n’a pas pris une ride : « L’Hôpital disloqué »

 

 

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