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20 / 02 / 2020 | 279 vues
Frédéric Homez / Abonné
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Les pays où la négociation collective a été le plus durement attaquée ont connu la plus forte dégradation de leurs conditions sociales

S’interroger sur ce que le sujet recouvre et vise, derrière son apparente simplicité, est d’autant plus utile que la négociation collective est malmenée, voire menacée, alors que les pouvoirs publics et même de grandes entreprises tentent de convaincre qu’elle est compliquée et surtout obsolète. Outil majeur de l’action syndicale auquel notre organisation est profondément attachée, la négociation collective a été la source des avancées sociales dont les salariés français ont bénéficié au fil des décennies. Notre fédération entend bien se battre pour qu’elle continue de l’être.


Lorsque les salariés s’organisent, au sein d’un syndicat, pour négocier avec leur employeur sur un pied d’égalité, il est par définition question de négociations collectives. Le résultat est un document signé par les deux parties et juridiquement contraignant, fixant les conditions d’emploi en couvrant des questions spécifiques et essentielles, telles que la rémunération, le temps de travail, la formation, les compétences, l’égalité professionnelle, la retraite et bien d’autres domaines.

 

En l’absence de négociation collective, les salariés signent individuellement des contrats de travail avec un employeur en position de force, qui peut utiliser cet avantage pour imposer ses conditions. Il suffit de se pencher sur la situation de certains pays qui n’en bénéficient pas pour comprendre la nécessité de la négociation collective, dont l’existence est par ailleurs liée au poids et à la vitalité des organisations syndicales, acteurs majeurs de la démocratie.

 

En octobre dernier, IndustriALL European Trade Union*, géant syndical européen dont notre organisation compte parmi les membres fondateurs, a lancé une campagne qui s’achève en ce mois de mars, baptisée « together at work » et visant à souligner l'effet positif des négociations collectives dans l’amélioration de la vie des salariés.



Cette campagne part d’un constat auquel elle entend remédier et qu’explique Luc Triangle, secrétaire général d’industriALL Europe : « Au cours des dernières décennies, les négociations collectives ont été mises à mal dans toute l’Europe. À la suite de la crise qui a éclaté en 2008, les négociations collectives ont été sciemment attaquées tant par les gouvernements nationaux que par les institutions européennes. Une situation qui a mis les travailleurs dans l’incapacité de se défendre eux-mêmes et qui s’est traduite par une hausse du travail précaire et de la pauvreté au travail.
 

Cela doit cesser
 

Les gouvernements et la Commission européenne doivent arrêter de soutenir des mesures qui sapent les négociations collectives, comme imposer des quotas de représentativité ou la limiter au seul niveau de l’entreprise ». Pour nous, qui a fait de la pratique contractuelle et de la politique conventionnelle sa marque de fabrique et son ADN le soutien à cette campagne était une évidence. « Quand on est isolé au travail, tout le monde y perd. Défendre et promouvoir la négociation collective, qui est la pierre angulaire de notre démocratie et le socle sur lequel nous avons construit notre édifice social, c’est faire un choix de société, c’est agir pour un modèle collectif basé sur la solidarité, la coopération et l’engagement collectif pour atteindre des objectifs communs », analyse Stéphane Martegoute, représentant FO au comité politique négociations collectives d’industriALL Europe.

 

Le rapport « Negotiating our way up: collective bargaining in a changing world of work » publié en novembre 2019 par l’OCDE va dans le même sens, montrant que les droits fondamentaux que constituent la négociation collective et la représentation des travailleurs peuvent aussi améliorer le fonctionnement du marché du travail. Toutefois, il ressort de ce rapport que ces droits sont menacés du fait de l’affaiblissement généralisé des relations du travail dans de nombreux pays et de la progression de nouvelles formes d’emploi souvent précaires. Pas de doute, la négociation collective est menacée et attaquée de toutes parts. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi, bien au contraire.


En Europe occidentale, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, un système de négociation stable permettant des conquêtes sociales d’ampleur rapides s'est mis en place. En France, l’application du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) a notamment abouti à l’instauration d’une Sécurité sociale pour tous (particulièrement sous l’impulsion de notre organisation syndicale), prévoyant remboursements des frais médicaux et indemnités de chômage, un rajustement important des salaires et le rétablissement d'un syndicalisme indépendant et des délégués d'atelier.

 

Les syndicats et la négociation collective ont été vus comme partie intégrante de l’économie pendant les Trente Glorieuses et ont permis le partage des richesses créées lors de cette période de prospérité. Ils étaient alors l'un des facteurs clefs distinguant les économies européennes des autres économies et garantissant un modèle de croissance économique plus équitable.

 

Avec les chocs pétroliers des années 1970 et la montée en puissance du libéralisme dans les années 1980, le mouvement s’est inversé. Les dérégulations massives du marché du travail au nom de la flexibilité et de la concurrence ont pris le pas sur les politiques sociales.

 

Faisant obstacle à cette logique du marché tout puissant, la  négociation collective a alors été affublée d’une image rétrograde ; elle aurait été rigidement défendue par des groupes d’intérêts ralentissant la croissance. Pourtant, les éléments de protection des conventions collectives et, au sens large, de la protection sociale, ont très largement démontré leur efficacité lors des périodes de crise, qu’elles soient d’ordre général (crise économique mondiale), dans l’entreprise (restructuration…) ou individuelle (maladie, chômage…), en permettant notamment de surmonter l’absence de rémunération et de garantir des moyens pour assurer les aspects vitaux du quotidien (logement, alimentation…). « Ces éléments de solidarité sont fondamentaux pour garantir la cohésion sociale et, au-delà, la démocratie, rappelle le secrétaire fédéral Paul Ribeiro. Les mécanismes de financement de cette solidarité, directement issus des négociations collectives, permettent ainsi le maintien à un certain niveau de l’activité économique et évitent de tomber dans le cercle vicieux absence de rémunération-baisse de la consommation-baisse de la production-destruction d’emplois-absence de rémunération etc ».


À la fin de la guerre froide, les perspectives d’adhésion des pays d’Europe centrale et de l’est à l’Union européenne se sont un temps accompagnées de tentatives pour instaurer des systèmes de négociation collective. Mais l’influence écrasante du néolibéralisme dans de nombreux États a mené à tenter d’assimiler les mouvements syndicaux naissants à des programmes de réformes particuliers, circonscrivant ainsi le développement de la négociation collective principalement au niveau des entreprises.

 

Ensuite, lors de l’ouverture de leurs marchés aux investisseurs étrangers en vue de l’adhésion à l’UE, ces derniers ont refusé de s’engager dans des négociations collectives, comme ils l’avaient pourtant fait par le passé dans les pays d’Europe de l’ouest. Si l’économie de marché a eu des effets assez différents dans chaque pays, le trait commun n’en a pas moins été une accélération de la déréglementation et de la libéralisation, que la crise de 2008 a amplifiée, avec des conséquences désastreuses dans nombre de pays (voir article p. 6). La suite n’a pas été plus rassurante : « un rapport de la Commission européenne en 2012 sur le niveau de dialogue social dans les pays européens préconisait de renforcer ce dialogue là où il est affaibli pour que l’ensemble des interlocuteurs accompagne les réformes structurelles nécessaires aux pays, même si elles sont négatives pour les salariés. On voit bien ici la différence entre réformiste et réformateur-destructeur et l’importance de l’indépendance syndicale », se rappelle Stéphane Martegoute.


Comme le fait remarquer IndustriALL Europe, les attaques contre la négociation collective ont considérablement affaibli la réglementation des salaires là où, en définissant les mêmes normes minimales, les négociations collectives contribuent à éliminer la concurrence déloyale et le dumping social. Dans une grande partie de l’Europe de l’ouest, les salaires dans le secteur privé, longtemps protégés de la concurrence par les négociations collectives sectorielles et nationales, le sont de moins en moins. En Europe de l’est, ils ne l’ont jamais été.

 

Quel résultat ?

 

Un creusement des inégalités salariales entre les pays européens voire entre les salariés d’un même pays. Pourtant, des signes d’un changement d’attitude semblent visibles, le salaire n’étant plus considéré uniquement comme un coût à réduire mais aussi comme un moyen de stimuler la demande intérieure, de relancer la croissance et de favoriser une meilleure cohésion sociale.

 

Des responsables politiques de divers pays recommencent à reconnaître le rôle capital joué par les organisations syndicales dans les négociations. La France semble d’ailleurs à la traîne à cet égard. Récemment, enfin, l’UE a adopté un nouvel ensemble de principes en matière de politique sociale, appelé « socle européen des droits sociaux », lequel comprend un engagement explicite à encourager salariés et employeurs à conclure des conventions collectives. Le texte n’est cependant pas contraignant et, même si un travail de fond est également mené sur le salaire minimum, les actions concrètes se font attendre… La prudence reste de mise car, pour le moment, l’ensemble des décisions politiques prises pour soi-disant renforcer le dialogue social et la négociation collective ont mené à des résultats diamétralement opposés.


Le point culminant de la campagne d’IndustriALL Europe pour promouvoir la négociation collective sera la semaine d’action européenne qui se tiendra en mars 2020 à travers toute l’Europe avec le slogan « winning together at work », dont le programme est consultable sur www.togetheratwork.eu. « Il faut garder à l’esprit que grâce à la négociation collective, la paix sociale a certes un coût mais elle n’a pas de prix », conclut Stéphane Martegoute.


La politique du pire


Les pays où la négociation collective a été le plus durement attaquée ont connu la plus forte dégradation de leurs conditions sociales, sans même parler de ceux où la négociation collective et le syndicalisme n’ont pas droit de cité. Un rapide tour d’Europe est édifiant.


Depuis la crise de 2008, de nombreux pays ont été confrontés aux interventions de ce que l’on appelle la Troïka, composée de la Commission européenne, de la BCE et du FMI. Cette dernière, avec l’approbation des grandes multinationales, a contraint les gouvernements concernés à appliquer des politiques d’austérité comme condition à l’octroi de prêts.

 

L’ancien secrétaire général de notre confédération, Jean-Claude Mailly, avait pourtant posé un juste diagnostic sur l’austérité : « Elle est triplement suicidaire : socialement, car elle attaque le pouvoir d’achat. Économiquement car elle ne diminue pas forcément les dettes, tout en tuant la croissance. Et démocratiquement car elle remet en cause des droits sociaux et provoque une montée des extrémismes politiques ».


Parmi les grands axes de ces politiques, le démantèlement de la négociation collective a toujours figuré en bonne place. Ainsi, en Roumanie, cela a mené à réduire les pensions de retraite et le traitement des fonctionnaires de 25 %, à geler le salaire minimum et à obliger les employeurs à réduire les coûts de personnel de 15 %.

 

La loi sur le dialogue social de 2011 a limité le droit syndical en rendant impossible la syndicalisation dans les entreprises de moins de 15 salariés, qui forment la majorité du tissu économique du pays. Elle a également interdit les conventions collectives nationales, a compliqué la négociation sectorielle et presque tué la négociation en entreprise en portant le seuil de représentativité des organisations syndicales à 50 %. Les négociations collectives n’ont survécu que dans les parties fortement syndicalisées du privé, comme la métallurgie. Si le taux de chômage du pays est resté bas, c’est parce que cet ensemble de mesures a mené trois millions de personnes à émigrer, entraînant des pénuries de main d’œuvre dans de nombreux secteurs. En 2017, 34 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté…


La Grèce a, elle aussi, dû faire face à l’austérité et au démantèlement de son système de négociations collectives. Les salaires y ont diminué de 20 %, le chômage y a grimpé à 27 % et un tiers de la population a plongé dans la pauvreté, dont 12 % ont pourtant un emploi ! Simplification des licenciements, abrogation de l’extension automatique de la couverture des conventions collectives, fin du recours à l’arbitrage, fin du principe de hiérarchie des normes qui garantissait l’application aux salariés des dispositions les plus favorables ou encore flexibilisation du travail ne sont qu’une partie des mesures imposées aux salariés grecs, avec pour conséquence d’avoir fait chuter le taux de couverture des conventions d’environ 80 % avant la crise à 17,8 % en 2016. Le troisième et dernier programme de sauvetage de la Troïka a poussé jusqu’à interdire tout retour au système antérieur !


Pour l’Espagne, à la deuxième place en matière de chômage au niveau européen, ce n’est guère mieux. Les réformes structurelles imposées par la Troïka ont eu pour effet de sauvagement libéraliser le marché du travail, générant une précarité grandissante. Depuis la crise, 2,3 millions d’Espagnols ont perdu leur emploi, soit 37% du total des pertes d’emploi dans l’Europe des 28. Avant la crise, l’Espagne disposait de l’un des meilleurs systèmes de négociations collectives du vieux continent. Les conventions collectives garantissaient le pouvoir d’achat grâce à des règles d’indexation, le principe d’extension s’appliquait automatiquement aux salariés d’un même secteur, limitant le dumping social et les conventions étaient automatiquement reconduites en l’absence d’un nouveau texte, ce qui encourageait les employeurs à négocier.

 

Depuis, la priorité a été donnée aux accords d’entreprise, permettant à ces dernières de contourner les protections minimales prévues par les conventions sectorielles et les licenciements ont été facilités. Les conséquences ont été catastrophiques en termes de rémunération et de temps de travail notamment.


En Allemagne, la situation est plus nuancée. La décentralisation du système de négociations collectives est largement antérieure à la crise de 2008 puisqu’elle a pour origine les difficultés que le pays a connues suite à la réunification dans les années 1990. Face à un taux de chômage élevé et de faible performances économiques, les négociations collectives ont fait figure de bouc-émissaire et il a fallu toute la détermination d’IG Metall pour éviter, en 2004, l’introduction d’une clause d’ouverture prévoyant pour les entreprises plus de possibilités de déroger aux conventions sectorielles hors du contrôle des partenaires sociaux.

 

Après la crise de 2008, qui a durement frappé la métallurgie, le recours aux modèles de réduction temporaire du temps de travail négociés par les syndicats a permis d’absorber en partie le choc. D’une manière plus générale, les grandes centrales allemandes comme IG Metall ou IG BCE s’efforcent de renforcer la négociation collective, notamment par la syndicalisation, et y parviennent avec des bénéfices visibles pour l’ensemble de la société. Elles n’en poursuivent pas moins leurs actions pour exiger des mesures politiques en faveur de la négociation collective.


En Belgique, en Suède, en Autriche et dans bien d’autres pays, l’examen de la situation est sans appel : la négociation collective est une source d’avantages pour tous. Comme le fait remarquer Pelle Hilmersson, secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats, « les négociations collectives corrigent les inégalités et favorisent la croissance. Elles renforcent la démocratie et créent une société plus équitable ». C’est Gaby Bischoff, députée européenne (S&D, allemand), ancienne présidente du Comité économique et social européen, qui le résume le mieux : « Que l’UE soutienne ou détruise la négociation collective n’est rien d’autre qu’un choix politique. C’est une campagne qui arrive à point nommé pour réparer les torts causés. Le seul moyen de corriger les inégalités en Europe est de permettre aux travailleurs de se faire entendre ».
 

Pas de négociation collective sans un syndicalisme fort


Si le rapport « Negotiating our way up: collective bargaining in a changing world of work » montre que la négociation collective peut améliorer le fonctionnement du marché du travail en préservant les droits des salariés, il apporte un éclairage inquiétant sur l’état du syndicalisme en Europe. La part des travailleurs affiliés à un syndicat a ainsi fortement chuté dans la zone OCDE, passant de près de 30 % en moyenne en 1985 à 16 % en 2018. Il peut néanmoins varier considérablement d’un pays à l’autre, de 4,7 % en Estonie à 91 % en Islande.

 

Le taux de syndicalisation est encore plus faible parmi les travailleurs occupant des emplois atypiques, comme ceux qui ont un CDD, sont intérimaires ou indépendants et ont moitié moins de chances d’être syndiqués que les travailleurs en CDI. La proportion de travailleurs couverts par une convention collective a également diminué. Elle est passée de 46 % en moyenne dans la zone OCDE en 1985 à 32 % aujourd’hui. Toutefois, les auteurs du rapport font valoir que la négociation collective est essentielle pour aider travailleurs et entreprises à s’adapter aux évolutions du marché du travail. Selon eux, les nouvelles tendances qui influent sur le monde du travail, comme la fragmentation de la production et « l’économie des petits boulots », devraient même offrir aux partenaires sociaux la possibilité d’imprimer un nouvel élan à la représentation et aux actions collectives.

 

Le rapport note aussi que, « par rapport aux systèmes entièrement décentralisés, les systèmes de négociations qui se distinguent par une forte coordination salariale entre les différentes unités participantes sont associés à des taux d’emploi plus élevés et des taux de chômage plus faibles pour tous les travailleurs ». Il confirme également l’importance des branches dans la lutte contre le dumping social et souligne le lien entre une négociation collective forte et la qualité de l’environnement de travail, qui contribue aux performances des salariés.


Pour tirer le meilleur profit de la négociation collective dans le monde du travail de demain, une action des pouvoirs publics sera nécessaire, notamment afin d’étendre les droits à la négociation collective aux formes d’emploi atypiques, affirme l'étude. « Le rapport de l'OCDE est à la fois une confirmation et une incitation à l'action », a déclaré Björn Böhning, Secrétaire d’État au Ministère fédéral allemand du Travail et des Affaires sociales. « Sur de nombreux points, cela confirme notre prise de conscience de l'ampleur des pressions qui s'exercent sur les négociations collectives allemandes et de l'importance de la nécessité politique d'agir. En outre, le rapport nous incite à rapidement mettre des mesures concrètes en œuvre afin de renforcer la négociation collective ». En France, les réactions se font attendre. L’action, en particulier dans le dossier de la réforme des retraites, ne laisse que peu de doutes sur la philosophie gouvernementale en la matière : les partenaires sociaux et le syndicalisme font l’objet d’attaques sans précédent et de manœuvres menaçant jusqu’à leur existence.


Notre organisation l’a depuis longtemps intégré : la capacité à défendre et à faire vivre la négociation collective ne dépend pas seulement d’une volonté politique mais aussi de la force des mouvements syndicaux, laquelle repose sur l’importance de leurs effectifs.
 

La situation actuelle ne fait que conforter cette analyse, alors que les obstacles à la négociation collective, comme les lettres de cadrage, sont toujours plus nombreux. « Pour négocier, il faut une volonté partagée. Néanmoins, si ce type de pratique réduit fortement le champ de négociation, nous négocions pour les salariés que nous représentons. Cela permet aussi d’exposer nos positions, la viabilité et le sérieux de nos propositions, de faire vivre nos valeurs et notre conception du syndicalisme et également de montrer les responsabilités de chacun dans l’issue des discussions. Le récent dossier UNEDIC et celui de la formation professionnelle illustrent bien les dangers des lettres de cadrage qui, au final, ont fait capoter la négociation et ont donné prétexte aux politiques pour trancher seuls et imposer leur décision », souligne Paul Ribeiro.
 

La situation ne date pourtant pas d’hier.
 

Si l’inversion de la hiérarchie des normes ne concerne que le champ conventionnel, elle s’est intensifiée le 4 mai 2004 avec la loi Fillon qui autorisait l’accord d’entreprise à déroger à la convention de branche (sous réserve que la convention de branche le prévoie expressément). Depuis, les ordonnances Macron ont élargi la priorité donnée à l’accord d’entreprise. Aujourd’hui, si ce mouvement devait se poursuivre, la prochaine étape serait le retour au contrat de gré à gré entre l’employeur et le salarié sans la protection des accords de branche. Le discours pointant une attitude très individualiste des jeunes générations pose question en ce sens et rend d’autant plus nécessaire leur intégration aux mouvements syndicaux pour perpétuer la défense collective des intérêts des salariés.


Érigée au premier rang des priorités de notre organisation, la syndicalisation est donc le meilleur moyen de défendre la négociation collective. Le rapport établit d’ailleurs également un lien entre le taux de syndicalisation et le taux de couverture par les conventions collectives.
 

Plus les syndicats sont forts, plus la négociation collective est efficace, plus les droits des salariés sont défendus et étendus, plus la représentation des salariés fait la preuve de son efficacité et renforce son attractivité.
 

Pour placer notre réformisme dans ce cercle vertueux, notre fédération ne lésine pas sur les moyens : formations, matériels de propagande, outils de communication, assistance juridique mais aussi, au quotidien, des actions et une présence incontournable dans les entreprises et toutes les instances de discussion pour défendre l’industrie et les emplois qui y sont attachés. Car l’affaiblissement du syndicalisme fait peser un risque commun à l’ensemble des pays : celui de se retrouver sans institutions représentatives adaptées leur permettant de surmonter les problèmes de coordination et de trouver un équilibre entre les intérêts des salariés et ceux des entreprises sur le marché du travail.
 

Le risque est à prendre d’autant plus au sérieux que les conflits et les objectifs auxquels les systèmes de négociation collectives et les syndicats se proposaient de répondre pourraient bien s’intensifier à l’avenir.
 

L’émergence et la croissance des formes d’emplois atypiques (temporaire, à temps partiel, indépendant…) constituent un enjeu majeur pour la négociation collective en même temps qu’elles bouleversent la représentation syndicale, qui se sont toutes les deux constituées autour des salariés occupant des emplois traditionnels (CDI).


* IndustriALL Europe est une fédération syndicale européenne de salariés des secteurs de la métallurgie, de la chimie et du textile, de l'énergie et des mines.

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