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17 / 02 / 2020 | 100 vues
Etienne Dhuit / Membre
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La taxe GAFAM, un véritable camouflet pour la France

Sous la pression des États-Unis, qui menacent de surtaxer les produits tricolores, le gouvernement français a annoncé qu'il envisageait de suspendre la taxe de 3 % sur les entreprises du numérique. Un véritable revers démocratique.

 

C'est reparti pour un tour. Entre la France et les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), ces géants américains du numérique qui bénéficient de largesses fiscales indues, en ces temps de disette généralisée, c'est plus que jamais les montagnes russes. Un jour l'exécutif annonce qu'il va mettre une taxe spéciale en place pour les faire participer à l'effort fiscal du pays ; le lendemain, il revient sur sa promesse sous prétexte que la chose n'a pas été bien réfléchie. C'est à n'y rien comprendre et surtout à y perdre des voix, la mesure étant souvent bien perçue parmi l'électorat.

 

Le 11 juillet dernier, soit une semaine après l'Assemblée nationale, le Sénat a donné son approbation au projet de loi sur la taxe GAFAM, malgré les gesticulations du président américain, Donald Trump, qui annonçait au même moment l'ouverture d'une enquête censée déterminer les effets de la mesure sur les géants américains. « La France est un État souverain, elle décide souverainement de ses dispositions fiscales et elle continuera de décider souverainement de ses décisions fiscales », lui a rétorqué Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie. Un point pour la volonté et la détermination tricolores.

 

Rétroactive au 1er janvier 2019, la taxe de 3 % concerne alors les entreprises qui réalisent plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le monde et 25 millions sur le sol français, parmi celles qui proposent de la publicité en ligne, de la vente de biens ou des activités de plates-formes d'intermédiation (typiquement Amazon). Pour 2019, 400 millions d'euros devaient ainsi garnir les caisses de l'État, selon Bercy. Une somme assez modique, eu égard aux 60 milliards d'euros issus de l'impôt sur les sociétés. Mais dont la portée symbolique (donc politique) est grande.

 

Pourtant, patatras ! Le gouvernement français envisage d'abandonner la taxe GAFAM cette année. Le lobbying du chef de l'État américain, toujours prompt à la mesure, qui menaçait de surtaxer « jusqu'à 100 % » l'équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits tricolores, a-t-il eu raison de cette (belle) avancée politique ? En tout cas, depuis que la France a annoncé son intention de taxer les géants du numérique, Washington milite pour négocier un impôt au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et a même posé des conditions rejetées par Paris en décembre dernier.

 

Escalade

 

Entre les deux capitales, ce n'est donc pas le parfait amour. Les deux ministres de l'Économie devaient se rencontrer lors du forum économique de Davos, en Suisse. « Cela reste une négociation difficile. Le diable est dans les détails ; il faut régler un certain nombre de détails mais je crois que nous allons dans la bonne direction », affirmait Bruno Le Maire qui partageait en même temps son espoir de trouver une solution avant la fin de l'année. « Macron et Trump ont eu une discussion très constructive […] et ils ont convenu d'éviter toute escalade entre les États-Unis et la France sur cette question de la taxation numérique », a-t-il par ailleurs ajouté.

 

Éviter toute escalade entre Washington et Paris, peut-être. Mais en France, il en est autrement. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer ce faux pas en avant, une promesse en fin de compte un peu molle qui continue de faire de la France le vassal économique de son voisin d'outre-Atlantique. « Nous avions suffisamment soutenu Emmanuel Macron dans ces colonnes lorsqu'il avait tenté son va-tout et unilatéralement imposé une taxe pour ne pas souligner aujourd'hui combien cette suspension est une capitulation en rase campagne », écrit ainsi Natacha Polony dans Marianne, raillant au passage le « multilatéralisme » version OCDE.

 

Pour la directrice de la rédaction du magazine, « ce rétropédalage français […] est un fait majeur. Ce qui se joue sous nos yeux est la survie ou non de la démocratie, c'est-à-dire de la possibilité, à l'échelle d'une nation, d'une entité nationale ou d'une gouvernance mondiale, de faire valoir la volonté souveraine des citoyens face à des intérêts privés ». « Le monde vit un bouleversement majeur marqué par la toute-puissance d'entreprises du numérique échappant à toute forme de régulation. Ne pas en anticiper les conséquences relève d'un aveuglement crasse dicté par des préjugés archaïques qui se résument peu ou prou à ‘‘la mondialisation, c'est bien ; le protectionnisme, c'est mal’’ », tire-t-elle à boulets rouges.

 

Ce qui fonde les démocraties, « la participation de tous à l'effort commun » selon elle, vole en éclats depuis quelques décennies. Depuis que les multinationales refusent de payer une dîme largement due, au nom des saints principes néolibéraux qui dérèglent totalement l'économie, la politique et la cohésion sociale.

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