Participatif
ACCÈS PUBLIC
24 / 05 / 2022 | 133 vues
Fabien Brisard / Abonné
Articles : 41
Inscrit(e) le 23 / 03 / 2016

La RSE et la santé environnementale devraient être le cœur de la politique de santé

Dans le cadre des débats ouverts au sein du CRAPS, Olivier Toma, Fondateur de l’agence Primum Non Nocere, chargé du plaidoyer de l’association Agir pour la Santé des Générations Futures a bien voulu nous livrer ses réflexions.
 

La population évolue
 

La politique de santé est basée depuis des années sur un concept erroné, qui pour diminuer les dépenses de santé, tend à réduire l’offre de soins, moins de lits, moins de soignants ! C’est sur cette vision « comptable » que l’État gère la santé depuis plusieurs décennies. C’est bien mal connaître le sujet ! C’est ainsi qu’à l’heure où la population augmente, vieillit et « consomme » de plus en plus de soins et de technologies, que l’on ferme et concentre des lits et que l’on ne forme pas les médecins de demain en quantités suffisantes !
 

L’actuelle et prévisible pénurie de soignant est telle que les listes d’attente ne font qu’augmenter, alors que nous pourrions même développer sur tout le territoire des dynamiques de « tourisme médical » tant nos professionnels sont efficaces. Dans dix ans, cette pénurie grandissante sera un problème majeur. Peut-être faudra-t-il « choisir » les patients et opter pour « l’abandon thérapeutique ». En 50 ans, la population humaine et mondiale a doublé, les technologies ont évolué… Il faut donc une politique de santé à vingt ou trente ans si l’on veut anticiper les besoins !

On y arrive dans le secteur de l’aérospatial, pourquoi n’y arriverait-on pas dans la santé ?
 

Un contexte réglementaire foisonnant


Le contexte réglementaire est foisonnant, des centaines de textes ont été adoptés ces dix dernières années, sans se doter des moyens de les appliquer !

 

  • Économie circulaire : les filières de revalorisation des bio déchets, de verre médicamenteux, de métaux précieux ne sont pas structurées sur les territoires. Tout est détruit par incinération ! Ça n’a aucun sens. Toutes ces matières sont revalorisables. Un établissement vertueux qui fait l’effort de trier et de valoriser ses déchets est « sanctionné » par le maintien en l’état de sa taxe d’enlèvement des ordures ménagères, auquel s’ajoute le coût des filières de tri, alors qu’il devrait être en tout ou partie exonéré pour donner envie d’agir à tous.

 

  • Ecoconception des soins : on transforme l’activité de chimiothérapie qui était réalisée dans un contexte d’hospitalisation par des traitements à domicile pour réduire les dépenses. Mais à domicile, il n’y a pas de possibilité de traiter les excreta et les stations d’épuration françaises (contrairement à la Suisse) ne traitent pas ces molécules cytostatiques qu’ils contiennent. Elles sont très impactantes pour la santé et pour l’environnement. On retrouve donc des résidus médicamenteux dans l’eau de boisson ! C’est pour cette raison que les vétérinaires ont interdit la chimiothérapie en ambulatoire pour collecter et détruire les excreta à 1200°…

 

Les établissements de santé doivent réduire leur empreinte carbone de 40 % d’ici 2030 mais les fournisseurs de dispositifs médicaux et de médicaments ne fournissent pas leur propre empreinte ou leur « analyse du cycle de vie » (ACV), ce qui rend impossible la mesure et la réduction des émissions de gaz à effet serre indirectes qui représentent plus de la moitié des impacts du secteur. Les autorisations de mise sur le marché (AMM) devraient maintenant être complétées par les informations relatives à l’ACV ou le bilan carbone produit.

 

Des dispositifs médicaux, des matériaux de construction, des médicaments, des cosmétiques pour femmes enceintes contiennent encore des perturbateurs endocriniens avérés ou des nanoparticules. Sans autorisation de mise sur le marché de ces produits, les professionnels de santé sont démunis pour conseiller les patients et parturientes…

 

Des acteurs engagés et engageants
 

Les professionnels de santé sont très motivés pour être les acteurs de cette transition. En 2010, ils nous demandaient « pourquoi faut-il s’engager ? », en 2022, ils nous demandent « comment s’engager ? ». Actuellement plus de 400 établissements sont engagés sur le territoires dans des démarches à Très Haute Qualité Sanitaire Sociale et Environnementale (THQSE). La mutation est faite, il faut maintenant les accompagner.

 

L’ANAP, en partenariat avec le C2DS a pris le leadership en 2022 sur ces sujets en accompagnant les structures volontaires vers des démarches globales ou thématiques. Plus de 500 établissements français bénéficieront de leurs conseils pour « généraliser la dynamique ».

 

Le ministère de la Santé doit maintenant mettre des moyens spécifiques sur :

  • La formation initiale et continue sur la RSE et la santé environnementale pour tous les acteurs de la santé.
  • La généralisation des « achats responsables » grâce au programme PHARE de la DGOS et à la mise à disposition des établissements tant publics que privés de cahiers des charges et de critères de choix intégrant des critères RSE.
  • La mise à disposition auprès des médecins et des soignants d’un outil d’écoconception des soins pour aider les professionnels à prendre des décisions éclairées, pour ainsi réduire le gaspillage, l’empreinte carbone et la consommation de ressources.

 

Rêvons de la création d’un département santé au sein de l’ADEME, car ils se sont désengagés de ce secteur, alors qu’il doit entamer sa transition énergétique.

 

Les agences de l'eau doivent aussi s’engager tant ce secteur est « hydrovore » et a besoin de soutiens et d’expertises pour réduire ses propres consommations d’eau, revaloriser toutes les eaux cachées (dialyse, autoclaves, eaux grises) et réduire leurs effluents liquides et médicamenteux.

 

Nous entrons dans la décennie de la disruption en santé, il est temps de passer de l’intention à l’action, les professionnels sont prêts, au plus grand bénéfice des patients des générations futures.

Afficher les commentaires

Le CESE appelle le nouveau Gouvernement à faire de la santé-environnement une priorité politique

 

 

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté ce mardi 24 mai son avis « Pour une politique publique nationale de santé-environnement au cœur des territoires ».

 

Les conséquences des dégradations de l’environnement sur la santé s’aggravent et sont de plus en plus documentées : 7 millions de morts prématurées dans le monde chaque année sont ainsi attribuées à la pollution de l’air selon l’OMS. En cause, les activités humaines qui contribuent à dégrader nos écosystèmes, parmi lesquelles la surexploitation des ressources naturelles, la déforestation, l’artificialisation des sols, l’étalement urbain, les activités industrielles, l’agriculture intensive ou encore le tourisme de masse.

 

Si l’ensemble de la population est touché par la pollution et par les risques sanitaires, le lien entre inégalités sociales et inégalités environnementales est fort : les populations les plus précaires sont les plus exposées aux risques environnementaux, et sont celles qui accèdent le plus difficilement aux soins et aux actions de prévention sanitaire.

 

En dépit de ces constats, il n’existe pas en France de politique de santé-environnement : l’action des pouvoirs publics reste fragmentée et sectorielle. Le CESE plaide pour dépasser l’approche de la santé fondée sur les maladies et les soins, au profit d’une action préventive globale : sanitaire, environnementale, mais aussi économique et sociale.

 

Le CESE formule ainsi 20 préconisations afin d’aller vers une politique de santé-environnement globale et cohérente, garantissant à chacun le droit à un environnement respectueux de sa santé.

  • Faire prévaloir le principe de précaution dans une approche santé-environnement :

Pour le CESE, le principe de précaution impose une nouvelle approche du risque pour la décision publique : il faut passer d’une approche substance par substance, usage par usage, à une approche générique en identifiant les dangers à éviter, les plus préoccupants pour la santé humaine ou pour les écosystèmes.

Le CESE appelle à se doter d’une stratégie coordonnée de recherche en santé-environnement par un renforcement et une pérennisation des moyens humains et financiers alloués à la recherche et à la garantie de son indépendance.

  • Faire de la santé-environnement une priorité politique, centrale et transversale des politiques publiques :

Aujourd’hui, il n’existe pas de politiques publiques ni de gouvernance cohérente de la santé-environnement.

Le CESE propose d’adopter une loi d’orientation afin de fixer les objectifs de la France en matière de santé-environnement, d’organiser sa gouvernance et de fixer les grands principes de son financement. Le CESE recommande également la création d’un délégué interministériel à la santé environnement pour définir et mener la stratégie du Gouvernement.

Le CESE propose de remettre à l’ordre du jour de l’agenda politique la question d’un financement innovant de la santé-environnement, qui pourrait prendre la forme d’une taxation des activités ayant un impact négatif sur les écosystèmes, dont le produit serait affecté à la diminution des pollutions, la restauration des écosystèmes et la compensation des inégalités induites par cette politique, en ciblant les populations les plus précaires. 

Par ailleurs, le CESE propose de créer, sur l’exemple du Défenseur des Droits, une autorité indépendante qui pourrait être saisie des atteintes au droit constitutionnel à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Enfin, pour tirer les conséquences du lien fort existant entre santé, environnement et inégalités, le CESE recommande de généraliser la mesure de l’impact des politiques sur la santé-environnement, en se fondant sur des indicateurs comme l’espérance de vie en bonne santé et les conséquences des politiques publiques sur les 20% les plus pauvres.

  • Faire des collectivités territoriales des actrices à part entière du déploiement de ces politiques :

Les différentes compétences des collectivités territoriales sont des leviers indispensables d’une politique de santé-environnement.

Le CESE recommande qu’à l’échelle des territoires, les collectivités associent les citoyens aux décisions prises, aux actions conduites en matière de santé-environnement et à leur évaluation.

Les observations du public et des associations sur l’état des écosystèmes, les conditions de vie et les expositions auxquelles le territoire est soumis doivent contribuer à enrichir les données. : il faut organiser leur capitalisation à l’échelle nationale pour consolider une politique de santé-environnement.

  • Améliorer les connaissances, l’éducation et la formation à la santé-environnement :

Pour le CESE, il faut développer une culture de la prévention et intégrer le concept de santé-environnement dans l’ensemble des programmes éducatifs, en formation initiale et continue.

C’est pourquoi, le CESE suggère de mettre en place des campagnes à destination des plus jeunes pour les sensibiliser au concept de santé-environnement. Le CESE recommande, également, d’intégrer la santé-environnement dans les cursus de formation initiale et continue des professions en interaction entre la santé et l’environnement.

Ce projet d’avis est rapporté par Isabelle Doresse (groupe des Associations) et Agnès Popelin-Desplanches (groupe Environnement et Nature) au nom de la commission affaires sociales et santé présidée par Angeline Barth (Groupe CGT). L’avis a été adopté avec 117 voix pour, 30 contre et 7 abstentions.