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17 / 05 / 2019 | 192 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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« La déclaration de performances extra-financières mène les entreprises à un profond travail d’introspection » - Nicolas Thery, Crédit Mutuel

Entretien avec Nicolas Thery, président de la confédération nationale du Crédit Mutuel.
 

La déclaration de performances extra-financières (1) va se mettre en place : quel en sera le contenu ?
 

Les entreprises de plus de 500 salariés se préparent à publier leurs premières déclarations de performances extra-financières en application de la directive 2014/95/UE sur la publication d'informations non financières en lieu et place du traditionnel rapport RSE.
 

Cette évolution va au-delà d’un simple changement de dénomination puisqu’il s’agit désormais d’approcher la responsabilité sociétale, y compris environnementale, en termes de risques et en cohérence avec le modèle d’affaire et la stratégie de l’entreprise. Bien que largement inspirée de la règlementation française, cette transposition de la directive mène néanmoins les entreprises à un profond travail d’introspection.
 

Dorénavant, ces informations sont rassemblées dans une « déclaration de performances extra-financières » insérée dans le rapport de gestion de la société concernée.


Quelles en sont les principales conséquences ?


Il va s’agir pour l’ensemble des entreprises de mettre le cœur de leur activité encore plus au centre de leur réflexion extra-financière. Il ne s’agit pas de mécénat, de sponsoring ou de simples « éco-gestes » mais de prendre en compte l’ensemble de la chaîne de production de valeur et de s’engager à être encore plus responsable dans chacune de ses composantes. 


De plus, pour les établissements financiers, l’accord politique entre la présidence et le Parlement européen sur des règles de transparence applicables à la finance durable et l’importance prise par les enjeux climatiques expriment un renforcement des exigences d’informations laissant présager d’importants travaux de normalisation méthodologique. Sur ces travaux, deux constats s’imposent :
 

  • ils porteront sur l’ensemble du monde des entreprises ;
  • ils s’étendront au-delà de la priorité climatique.
     

Comment se traduiront ces nouvelles orientations ?
 

Les publications du premier trimestre des institutions européennes, visant à produire des lignes directrices indiquent que celles-ci aideront les entreprises à mieux comprendre comment publier des informations climatiques conformes d’une part, aux recommandations du groupe de travail sur le reporting financier des risques climatiques (TCFD) du Conseil de stabilité financière et, d’autre part, aux indicateurs climatiques qui seront intégrés dans le nouveau système de classification des activités durables (taxonomie). Par la suite, les lignes directrices seront encore modifiées pour tenir compte d’autres facteurs environnementaux et sociaux.

 
Ces orientations étaient déjà pleinement présentes dans l’avis du CESE du 23 janvier 2019. « Demain, la finance durable : comment accélérer la mutation du secteur financier vers plus de responsabilité sociale et environnementale ? » et également dans la mission confiée le 15 janvier par le Ministre de l’Économie et des Finances au président de l’Autorité des normes comptables (ANC) en lui demandant de dresser un état des lieux des différents référentiels et initiatives existants ; d’évaluer leur pertinence et de fournir des orientations pour une initiative dans le cadre du G20.

 
Les réponses à ces  questions et la publication de la déclaration de performances extra-financières sur le site internet de la société auront des conséquences sur l’ouverture au dialogue avec les parties prenantes que sont les agences de notation, les tiers indépendants certificateurs ou vérificateurs, les ONG…

                                               
Quels constats en tirer ?
 

Pour le moment, il est difficile de dégager un bilan car les déclarations des entreprises sont encore en cours de publication, cependant pour le groupe du Crédit Mutuel, l’expérience et le bilan de ce premier rapport de performances extra-financières sont déjà très positifs.

 
Cette nouvelle approche a permis de renouveler l’interrogation permanente de nos valeurs, de nos ambitions et de nos pratiques. Elle a également mené à une plus grande transversalité dans la perception des enjeux de responsabilité sociétale des entreprises. Elle nourrit aussi la relation avec nos partenaires et, bien sûr, avec nos sociétaires. 
 

Quels enseignements en tirer pour les entreprises de l'ESS ?


Les entreprises de l’ESS ne sont bien évidemment pas écartées de ce mouvement de redevabilité et si la pression normalisatrice qui s’impose aux grandes entreprises est grande, elle ne doit pas occulter la nécessité pour les entreprises du monde de l’économie sociale de mettre en avant et de défendre l’originalité de leur modèle y compris l’organisation de sa gouvernance.

 
La déclaration de performances extra-financières est même une précieuse occasion de mettre en valeur l’originalité du modèle d'économie sociale reposant sur la démocratie, l’engagement d’administrateurs compétents, un ancrage territorial et un engagement social forts, au profit de bénéficiaires qui sont davantage que des clients.

 
Les coopératives et les mutuelles auront à cœur de détailler notamment leurs modalités de gouvernance de représentativité des sociétaires et membres, la transparence des prises de décision, l'ensemble des dispositifs de formation permettant la construction de compétences individuelles et collectives et les conséquences sociétales de l’adhésion aux sept principes coopératifs qui fondent leur différence comme celle du Crédit Mutuel.

 

(1) Cette déclaration de performances extra-financières doit présenter des informations concernant :               

  • la manière dont l’entreprise prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ;
  • les conséquences sur le changement climatique de l’activité de la société et de l’usage des biens et services qu’elle produit ;
  • les engagements sociétaux de la société en faveur du développement durable jusqu’à l’économie circulaire et la lutte contre le gaspillage alimentaire ;
  • les accords collectifs conclus dans l’entreprise et leurs effets sur les performances économiques de l’entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés ;
  • les actions de la société visant à lutter contre les discriminations et à promouvoir les diversités.
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