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27 / 04 / 2021 | 278 vues
Didier Forno / Membre
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Deliveroo : salarié ou pas salarié, un enjeu de société

Le statut des livreurs des plates-formes de livraison donne actuellement lieu à de nombreuses décisions de justice. Le statut de salarié est au cœur du débat. La jurisprudence est en cours d'élaboration, d’où les positions des tribunaux parfois totalement contradictoires…

 

La Cour d’appel de Paris rejette le lien de subordination.
 

Une récente décision de la Cour d’appel de Paris (CA Paris du 7 avril 2021) jette un peu plus le trouble sur un sujet polémique.


Le 8 janvier 2016, un salarié a signé un contrat de prestation de service avec la société Deliveroo. Le livreur a vu son contrat résilié le 30 mars 2017. Il a saisi le Conseil des prud’hommes afin d’obtenir une requalification de son contrat de prestations en contrat de travail. Il a argumenté sa demande : il travaillait dans le cadre d’un service organisé, soumis à des instructions strictes (tarifs, tenue vestimentaire et horaires de travail) et contrôlé par géolocalisation. Il en a conclu qu’il était bien dans un lien de subordination vis-à-vis de la plate-forme, ce qui constitue l’élément essentiel permettant de distinguer le contrat de travail des autres contrats. Le livreur a été débouté en première instance. Il n’a pas obtenu plus de résultat devant la Cour d’appel de Paris.


La Cour d’appel a conclu à l’absence de lien de subordination et a développé son argumentation : la tenue vestimentaire ne comportait pas de logo de la société, le livreur pouvait accepter ou refuser la prestation (en fonction de la rétribution proposée), le système de géolocalisation était « inhérent » au service et ne pouvait pas être assimilé à un système de contrôle hiérarchique.

 

Des décisions de justice différentes pour la même plate-forme !
 

Dans une affaire identique, concernant la même plate-forme de livraison, les prud’hommes avaient requalifié le contrat d’un livreur en contrat de travail (décision du 4 février 2020). L’appréciation des tribunaux est donc très fluctuante…


La Cour de cassation n’a pas encore livré son analyse sur la requalification des contrats liant la plate-forme Deliveroo à ses livreurs. À n’en pas douter, son analyse est attendue avec impatience.

 

Un enjeu de société…
 

Au-delà du cas « Deliveroo », c’est un enjeu de société important qui se joue : la remise en cause ou non du statut de salarié et de ses avantages. Les dirigeants des plates-formes numériques rêvent d’un monde « ubérisé », constitué de livreurs auto-entrepreneurs corvéables et sans protection sociale et juridique. Un monde sans solidarité ni garde-fou.

 

…qui concerne tous les pays.
 

Le statut juridique des travailleurs exerçant via des plates-formes numériques est aussi très présent chez nos voisins européens dont certains (Allemagne, Royaume-Uni, Italie et Espagne) ont su intégrer des formes de travail intermédiaires entre le salariat et les indépendants sur le plan législatif.

 

Vers une harmonisation européenne ?
 

Le 24 février 2021, la Commission européenne a lancé la première phase de consultation des partenaires sociaux européens sur « une éventuelle action visant à relever les défis liés aux conditions de travail dans le cadre du travail via des plates-formes ». Cette initiative pourra déboucher sur l'adoption d'une directive européenne.
 

Deux possibilités semblent possibles pour reconnaître le statut des travailleurs des plates-formes : soit le salariat, soit la reconnaissance de la qualité de « travailleur », avec des droits significatifs (rémunération, durée du travail, droits syndicaux etc.), conformes au minimum aux engagements internationaux et européens (conventions de l'OIT, charte sociale européenne etc.).


Ainsi, le droit du travail s'appliquerait à tous les travailleurs, y compris les non-salariés.

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