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14 / 04 / 2023 | 157 vues
Jean-Philippe Milesy / Membre
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Si on reparlait vraiment des cotisations sociales !

Le mouvement social contre la soi-disant « réforme » des retraites nous amène à nous interroger sur les fondements mêmes de notre protection sociale, et donc de ce dispositif essentiel qu’est le système de Sécurité sociale mis en place à la Libération selon le programme du Conseil National de la Résistance, mais aussi des institutions de notre Économie sociale et solidaire que sont les mutuelles, ou encore les structures du paritarisme.

 

Selon Ambroise Croizat et Pierre Laroque, la Sécu dans ses différentes branches, santé, vieillesse, famille, devait être financée par des cotisations sociales qui représentaient un salaire différé et donc la chose des cotisants, le fruit de leur travail.

 

Les cotisations fondaient la nature profondément révolutionnaire de la "Sociale".

 

D’une part une solidarité universelle imposait la règle "de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins". D’autre part elle impliquait la gestion « ouvrière » des Caisses ainsi crées.

 

Progressivement, les pouvoirs successifs vont remettre en cause ces principes notamment en imposant un paritarisme dans la gestion des caisses puis la fin des élections des représentants syndicaux aux instances de celles-ci.

 

Cela s’est appuyé sur un escamotage.

 

On a assisté à l’imposition, dans le langage et donc dans l’opinion, de l’appellation "charges sociales" à la place de celle de cotisations, ce qui change la conscience que l’on peut avoir du salaire différé tel qu’il est pensé à l’origine.

 

Ce mouvement progressif va connaître avec l’essor des pensées néolibérales une accélération alors que Denis Kessler, vice-président et idéologue du Medef revendique l’anéantissement de toutes les institutions nées du Conseil national de la Résistance. Notamment du fait des politiques de limitations salariales et de montée concertée du chômage que décrivent Benoît Collombat et Damien Cuvellier dans leur BD très politique "Le Choix du Chômage", est mise en place une fiscalisation croissante des ressources de la protection sociale, avec notamment la CSG, voulue par Michel Rocard, tandis que les gouvernements cherchent à mettre la main sur les grandes caisses paritaires de retraite complémentaire.

 

Cette fiscalisation, cette étatisation qui trouvent leur expression dans le vote par le Parlement du PLFSS font reposer, toutes les études le montrent, l’essentiel de l’effort national ainsi demandé, l’essentiel du "pognon de dingue" évoqué par le président de la République, sur les ménages, notamment des classes moyennes, tandis que les possédants sont pour une large part épargnés.

 

Ces politiques s’inscrivent dans la financiarisation à outrance promue par Milton Friedman qui implique une réduction de la part de la rémunération du travail (salaires et salaires différés) dans la valeur ajoutée, et ce n’est pas le maigre accord national interprofessionnel du 10 février qui changera la situation.

 

Depuis des décades, le soutien aux entreprises dans l’optique, non de l’investissement et de l’emploi mais du développement des dividendes, passe par des exonérations de "charges" qui fonctionnent, dans une spirale baissière, comme des trappes à bas salaires. Il faut bien considérer que, selon la notion créatrice de la Sécu de salaire différé, toute exonération de charge représente un transfert du travail vers le capital ; d’aucuns parlent même de hold-up.

 

  • Depuis 2020, ces exonérations ne sont plus compensées dans les comptes des Caisses de Sécurité Sociale

 

Dès lors, au nom des équilibres budgétaires, les gouvernements successifs procèdent à une dislocation progressive du système de Sécurité sociale tel qu’il fondait pour une large part la démocratie sociale dans notre pays. C’est en manipulant les rapports du COR, en refusant les propositions syndicales que le pouvoir a ainsi cherché à justifier l’urgence absolue de cette "mère des réformes" en abusant qui plus est d’un cumul des procédures de limitation des débats parlementaires.

 

Des propositions existent pourtant.

 

Je ne prendrai ici qu’un exemple. Alors que l’on tient discours sur discours sur l’égalité homme/femme dans la société, cette priorité nationale semble s’arrêter à la porte des entreprises, comme la République ainsi que le dénonçait JAURÈS en son temps. La CGT a fait procéder à des études qui montrent que l’égalité des salaires entre femmes et hommes constituerait une hausse sensible des cotisations qui participeraient grandement aux équilibres des comptes sociaux, à condition bien sûr que le gouvernement ne procède pas à de nouvelles exonérations de cotisations.

 

On voit ainsi que les cotisations sociales participent pleinement de la démocratie sociale à laquelle nous aspirons, et à laquelle le mouvement contre la soi-disant réforme des retraites montre que des millions d’habitants de ce pays, dans la rue ou dans l’expression de leurs convictions, aspirent aussi.

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