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12 / 02 / 2020 | 132 vues
Jean Meyronneinc / Abonné
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Chronique de la mesure des discriminations à l'embauche

La question des discriminations à l'embauche est régulièrement évoquée et bien des acteurs se sont penchée sur le sujet pour essayer de mesurer l'ampleur du phénomène au mieux. Pour ne citer que les initiatives les plus récentes, on peut rappeler, entre autres :
 

  • la mise en place dès le début d'année 2014 d'un groupe de travail sur la « lutte contre les discriminations » par le Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social de l'époque, avec pour principales orientations :
     
    • l’identification des voies de progrès pour lutter contre les discriminations collectives dans le monde du travail ;
    • l’examen des mesures nécessaires pour promouvoir les méthodes de recrutement non discriminantes ;

       
  • l'étude réalisée par la DARES en 2016 (1) sur la discrimination à l’embauche selon « l’origine » et les enseignements à tirer d'un testing auprès des grandes entreprises.



Afin de mesurer les risques discriminatoires liés à « l’origine », les recrutements d’une quarantaine de grandes entreprises avaient été testés. Il s’agissait de répondre à des offres d’emploi, en proposant à chaque fois deux candidatures rigoureusement équivalentes au niveau de leurs compétences professionnelles et qui ne variaient qu’en raison de l’origine évoquée par la consonance de leurs noms et prénoms. Ainsi, 3 000 CV avaient  été envoyés pour des postes de niveau « employé » et « manager »


Les résultats globaux montraient que les recruteurs s'intéressaient le plus souvent aux candidatures « hexagonales » qu'aux candidatures « maghrébines » : le taux de réponses positives est respectivement de 47 % et 36 % des candidatures envoyées, soit un écart moyen de 11 points (tant pour les hommes que pour les femmes), quel que soit le poste.

 

En était sorti un guide des bonne pratiques en mars 2017 (2)

 

Il y a quelques semaines, la presse a largement rapportées de nouvelles études sur le sujet menées par une équipe de chercheurs de l’Université Paris-Est Créteil à la demande du gouvernement et réalisées entre octobre 2018 et janvier 2019, auprès de 103 grandes entreprises parmi les 250 plus grandes capitalisations de la bourse de Paris (à partir de  plus de 8 500 tests, en combinant des candidatures et des demandes d’information, à la fois en réponse à des offres d’emploi ou de façon spontanée). Il en ressort que plusieurs grandes entreprises françaises (entre 5 et 15 à des degrés divers) pratiquent « une discrimination significative selon le critère de l’origine à l’encontre du candidat présumé maghrébin », lequel obtiendrait près de 20 % de réponses en moins que les autres candidats.
 

Le rapport du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) de mars 2019 (3) a finalement été rendu public, la ministre étant soucieuse de « la mise en lumière des présomptions de discriminations ». Néanmoins, elle a indiqué dans un communiqué que :

  • les processus de recrutement de 40 grandes entreprises tirées au sort parmi le SBF120 (société des bourses françaises) avaient été testés selon deux critères de discrimination : le lieu de résidence (adresse dans et hors quartier prioritaire) et l’origine ;
  • la discrimination avait été mesurée par la différence des taux de réponses positives entre le candidat de référence et le candidat potentiellement victime de discrimination.
     

Sur l’ensemble des entreprises testées, il est estimé que le taux de succès du candidat dont le nom a une consonance maghrébine est de 9,3 %, contre 12,5 % pour le candidat avec un nom à consonance européenne.
 

S’agissant du critère du lieu de résidence, le différentiel entre les candidats est moins significatif.
 

Limites méthodologiques
 

Par ailleurs, la ministre a tenu à préciser que deux limites méthodologiques ont été soulignées par les auteurs du test eux-mêmes et lors des échanges avec les entreprises :

  • les tests ont majoritairement reposé sur des canaux (candidatures spontanées) peu ou plus représentatifs du recrutement des grandes entreprises selon elles ;
  • pour certaines entreprises, les postes testés ne sont pas dans leur cœur de cible (technicien de maintenance et hôtesse d’accueil).


De ce fait, les résultats mettant l’existence de présomption de discrimination en évidence ne sont pas transposables à l’ensemble des canaux et processus de recrutement des entreprises concernées, pas plus qu’ils ne révèlent une volonté délibérée de discriminer certains publics. Pour la ministre, la méthode scientifique retenue, qui repose sur des candidatures fictives, ne peut servir à caractériser des infractions pénales. Sur la base de cette étude, les entreprises ont été contactées pour échanger sur les tests menés et leurs politiques de RH en matière de lutte contre les discriminations. Les limites méthodologiques de ce type de testing ne doivent pas en occulter la conclusion générale : volontaires ou non, les discriminations peuvent exister dans notre pays, y compris au sein des plus grandes entreprises.
 

Lancement d'une nouvelle vague de testing
 

C’est pourquoi Muriel Penicaud (Ministre du Travail), Julien Denormandie (Ministre chargé de la Ville et du Logement) et Marlène Schiappa (Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre hommes et femmes et de la Lutte contre les discriminations), qui avaient décidé de mettre cette étude en ligne dans un souci de transparence, ont annoncé le lancement d'une nouvelle vague de testing corrigeant les biais méthodologiques de la première vague, en associant les parties prenantes à l’élaboration du cahier des charges, afin d’obtenir des résultats reflétant mieux les pratiques réelles des entreprises testées. Cette nouvelle étude devrait permettre  de consolider les résultats et d’étudier les marges de progrès réalisés depuis par les entreprises. Elle couvrira l’ensemble des entreprises du SBF 120 sur deux ans. Le cahier des charges du testing sera élaboré en ce sens, en concertation avec des associations engagées sur le sujet. Les résultats seront communiqués à l’automne dès que les analyses auront été produites par l’équipe en charge de les réaliser.
 

(1) L'étude de la DARES : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2016-076.pdf.

(2) Le guide des bonnes pratiques : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/gbp.pdf.

(3) Le contenu du rapport : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_-_discrimination_dans_le_recrutement_des_grandes_entreprises-2.pdf.

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