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21 / 11 / 2019 | 132 vues
Jean Louis Cabrespines / Membre
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ESS : montrons la nécessité des associations et défendons leurs valeurs humaines plutôt que de calculer les gains financiers qu’elles représentent

Au retour de Tunis où nous étions pour un conseil d’administration du CIRIEC International et un séminaire en vue de la création du CIRIEC-Tunisie, porté par l’Union générale tunisienne du travail, des chercheurs tunisiens et des partenaires de plusieurs pays membres du CIRIEC International, je me faisais un plaisir de communiquer sur la richesse des échanges que nous avons eus, sur notre vision partagée de l’économie sociale et solidaire (ESS) entre les 15 pays membres du CIRIEC International et sur la qualité des recherches et des actions menées dans les différents pays.
 

Le fossé se creuse...
 

Mais la réalité nous rattrape et nous montre le fossé croissant entre ce que nous partageons avec de nombreux pays et les dérives existant en France sur ce qu’est l’ESS et le succédané de celle-ci que promeut le Haut-Commissariat à l’ESS et à l’innovation sociale.

 

C’est d’ailleurs ce que souligne Jean Gatel, ancien Secrétaire d’État à l’économie sociale, dans deux textes empreints d’espoir sur ce qu'il se passe sur le continent africain en matière d’ESS et plein de colère, amertume et énervement face à la situation française : « Ceux qui trahissent l'ESS en la réduisant au seul entrepreneuriat social vont à contre-courant de l'histoire et portent une lourde responsabilité face aux enjeux réels de la période. Certes, ce n'est qu'un changement de paradigme limité face à l'ampleur du problème mondial mais nous sommes dans l'absolue nécessité de proposer une autre façon de consommer et produire... Le modèle français de l'économie sociale n'est en rien archaïque ; c'est le capitalisme qui est dépassé par l'évolution du monde. Pourquoi ne pas croire en notre capacité de proposer une réponse solidaire et écologique... Nous aurons au moins tenté quelque chose ! » (texte du 6 octobre), ajoutant : « Je pars de Dakar à 2h00 du matin. Ravi parce que ce salon m’a confirmé l’engagement de nombreux pays africains sur la voie d’un développement solidaire et écologique porté par les entreprises de l’économie sociale et solidaire, mutuelles coopératives associations et entrepreneurs sociaux (des vrais)... Le continent africain massacré par la colonisation n’a pas envie d’en connaître une autre via le libéralisme triomphant. Priorité aussi à l’éducation à ces sujets. Mais infiniment triste et même écœuré car, pendant ce temps, le gouvernement Macron massacre l’économie sociale et solidaire, en particulier les associations » (texte du 31 octobre).

 

Car là est bien le constat : en plus de complètement dévoyer ce qu’est l’ESS, l’asphyxie progressive des entreprises de l’ESS, partenaires des pouvoirs publics pour contribuer au mieux vivre ensemble, lutter contre la pauvreté etc. est en cours.

 

Économie individuelle ou économie collective ?

 

On privilégie les start-ups, ces activités individuelles qui seraient censées sauver notre économie alors qu’elles ne sont que des berniques collées sur le dos des autres entreprises, se revendiquant pour certaines le nec plus ultra de la nouvelle ESS.

 

Ainsi, comment ne pas faire le parallèle entre l’annonce, le 7 septembre 2019, par Gabriel Attal, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Éducation et de la Jeunesse, d’une enveloppe de 28 millions d’euros en faveur du secteur associatif (pour 1,4 millions d’associations) tandis que, dix jours plus tard, le Président de la République a annoncé une levée de 5 milliards d’euros pour financer « 25 start-ups » [prétendument] à haut potentiel [dénommées « les licornes » dans le jargon de LRM], dont 1 milliard d’euros venant de la seule Banque Publique d’Investissement, cette filiale de la Caisse des dépôts qui précisément devait servir à financer l’ESS !

 

Après avoir annoncé un plan pour le secteur associatif, qui aujourd’hui encore tarde à voir le jour, Gabriel Attal exhortait les associations à « aller chercher davantage de financements privés » (article de Colas Amblard sur site ISBL).

 

Le cynisme avec lequel les associations sont considérées reflète bien cette volonté de décrédibiliser leur action et de regarder ce qu’elles font par le prisme économique porté par l’économie capitaliste.

 

Un regard financier sur les associations
 

Le dernier avatar en la matière, qui en dit long sur la relation entre le gouvernement et le monde associatif, est le texte laissé par Gabriel Attal concernant les Restos du Cœur : « Gabriel Attal @GabrielAttal : « Si l’État gérait ce que font les 70 000 bénévoles des restos du cœur, cela coûterait 200 millions d’€ par an. Les associations ne sont pas un coût mais une chance. Pour notre pays et pour notre économie. Elles représentent aussi des « coûts évités » pour l’État. #DirectAN ».

 

Même en essayant de considérer cela comme une maladresse et comme une interprétation de la part des vieux militants au cuir sensible, on ne peut que s’interroger sur la manière avec laquelle ce gouvernement considère les associations : pour lui, elles sont un moyen de faire des économies.

 

Or, est-il besoin de rappeler le rôle essentiel joué par les associations dans tout ce qui touche à la vie des gens et du territoire ? La solidarité, la recherche de solutions innovantes, la prise en compte des besoins des populations, la pertinence des réponses aux problèmes sociétaux et humains, la réalité de la cohésion sociale dont elles sont le ciment, l’apprentissage du vivre ensemble et de la citoyenneté, l’éducation (populaire) etc. sont quelques exemples de ce que sont et font les associations. Les réduire uniquement à ce qu’elles représentent d’économie pour le budget de l’État, c’est avoir sinon une vision étriquée du moins une déformation gestionnaire qui ne sait pas ce qu’humain veut dire.
 

Casser le thermomètre

 

Au moment où l’on a une faible considération pour les associations, on casse le thermomètre pour éviter de mesurer la fièvre en supprimant l’observatoire de la pauvreté : « Il est scandaleux que, quelques jours après la journée internationale du 17 octobre et la publication du rapport ADT-Quart Monde, le Premier Ministre Édouard Philippe annonce la suppression pure et simple de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) mis en place par la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, loi fondatrice des politiques publiques françaises en matière de lutte contre la pauvreté (...) l’association ATD-Quart monde (a publié) le 17 octobre dernier un important rapport sur la pauvreté élaboré en partenariat avec des chercheurs, des travailleurs sociaux et des personnes pauvres. Ce rapport rappelle qu’en France, d’après l’INSEE, 9,3 millions de personnes étaient encore en situation de pauvreté en 2018, vivant avec moins de 855 euros par mois » (Le Monde, 22 octobre 2019).
 

La mobilisation commence sur cette question et plusieurs personnalités se mobilisent : « Dans une tribune publiée dans Libération, plusieurs personnalités et chercheurs (parmi lesquels Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre, Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité, Serge Paugam sociologue, directeur d’études à l’EHESS et Philippe Warin, cofondateur de l’Observatoire des non-recours aux droits et services) s’interrogent sur la volonté du gouvernement : « L’objectif recherché est-il de « casser le thermomètre » pour ne plus voir le malade ? », les 9 millions de pauvres qui font tâche dans le bilan présidentiel… » (Le Monde, 22 octobre 2019). Faisons de même.
 

Pour une défense du monde associatif

 

Il faut donc sans cesse rappeler combien les associations sont nécessaires et le budget de l’État devrait être la traduction de cette prise en considération de leur action.

 

Le projet de loi de finances 2020 est loin du compte.

 

Ainsi que le rappelle le Mouvement Associatif : « ... les associations sont sur tous les fronts, dans toute la France, des zones les plus isolées aux zones très urbaines, et à l’international. Elles sont une réalité quotidienne pour chacun d'entre nous. Elles font vivre les territoires, créent du lien social et jouent un rôle économique clef. Crèches, maisons de retraite, associations de parents d’élèves, clubs sportifs, lieux culturels, collectifs de mobilisation militante etc., les associations développent des activités pour tous, créent de nouvelles façons de faire et permettent l’implication du plus grand nombre pour transformer le quotidien. Les pouvoirs publics reconnaissent certes l’importance de la vie associative. Mais les déclarations ne suffisent pas, il faut des actes ! Mobilisons-nous ensemble pour des moyens à la hauteur de ce que représentent les associations dans notre pays, dès le projet de loi de finances 2020, actuellement en débat ». Nous sommes invités à interpeller nos parlementaires (https://lemouvementassociatif.org/interpellez-vos parlementaires/).

 

Montrons la force et la vivacité des associations, montrons leur nécessité et défendons leurs valeurs humaines plutôt que de calculer les gains financiers qu’elles représentent.

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