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29 / 03 / 2019 | 372 vues
Xavier Burot / Abonné
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Le respect de la démocratie syndicale est la seule façon d'améliorer les conditions de vie des salariés

La théorie syndicale préconise que nous ne prenions aucune décision sans en avoir préalablement débattu avec les salariés concernés via nos élus et représentants dans les entreprises, afin que les salariés nourrissent la réflexion syndicale. Ce processus doit se répéter à toutes les étapes d’une négociation : avant pour la préparer et établir notre cahier revendicatif, pour confirmer telle ou telle orientation et après pour savoir si nous devons signer ou non.
 

Force est de constater qu’il y a une différence plus ou moins importante, selon les cas, entre la théorie et la pratique.
 

Au fil des années, les syndicats se sont institutionnalisés. Les uns par la croyance qu’ils représentaient « l’avant-garde prolétarienne » et d’autres par un côté paternaliste où il est important de protéger les salariés d’eux-mêmes comme nous le faisons avec les enfants.

 

Illustration avec le « forfait jours » au rabais de la convention collective des bureaux d’études
 

Le cas de la « modalité 2 » de la convention collective des bureaux d’études est un exemple des limites de cette institutionnalisation qui nous éloigne des salariés. Cette affaire est particulière car elle représente une superbe victoire syndicale indéniable, tout en étant une défaite du modèle théorique de démocratie syndicale.
 

Rappel des faits


En 1998, la loi Aubry était votée et obligeait les branches et les entreprises à réduire leur temps de travail.


Dans ce cadre, la négociation d’un futur accord sur la durée du travail s'est ouvert, ensuite signé par la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC, le 22 juin 1999.


Dès l’ouverture de ces négociations, nous avons tenté de mobiliser les salariés sur les dangers contenus dans ce projet d’accord. Malheureusement, nous n’avons pas vraiment réussi à mobiliser au-delà de notre propre base militante. Alors que nous avions produit un nombre important d’analyses et de tracts dans lesquels nous avions pointé les risques inhérents à la modalité de « réalisation de mission sans autonomie complète » dite « modalité 2 » (article 3, chapitre 2), qui instituait la mise en place d’un forfait horaire hebdomadaire (38h30) avec une limitation annuelle du nombre de jours travaillés (219) mais qui, dans la tête des employeurs devait être un « forfait jours » au rabais.


Le futur a prouvé que nous avions raison sur cette interprétation.

 

Faute d’avoir pu suffisamment mobiliser afin de peser sur les signataires, notre fédération a entamé une bataille juridique et administrative contre cet accord, notamment la « modalité 2 ».
 

Nous avons partiellement atteint notre but car, dans un premier temps, cette modalité a été exclue de l’arrêté d’extension du 21 décembre 1999 et nous avons imposé au patronat de clarifier le statut de cette modalité (arrêté d’extension du 10 novembre 2000).
 

Malgré cela, le patronat a continué d'imposer sa vision à la très grande majorité des cadres de la branche d’une « modalité 2 » dévoyée en présentant comme un forfait jours engendrant une absence de rémunération des heures supplémentaires effectuées au-delà de 38h30 par semaine. Pour compléter le tableau, en refusant la réévaluation annuelle de la rémunération forfaitaire attachée à cette modalité dès lors que celle-ci est inférieure au plafond mensuel de la Sécurité sociale (PMSS).
 

Les salariés sont dès lors doublement floués : premièrement car ils ne perçoivent pas la rémunération forfaitaire qui leur est due et parce que les heures effectuées au-delà de leur forfait ne leur sont de surcroît pas payés, ce qui engendre une baisse importante de leur taux horaire réel.
 

En gagnant son procès sur la rémunération forfaitaire de la « modalité 2 », la CGT d'Altran a lancé un pavé dans la mare, dont le retentissement dans toutes les entreprises de la branche est considérable.
 

En cela, c’est une grande victoire syndicale.
 

Mais alors pourquoi parler de défaite du modèle théorique de démocratie syndicale ?
 

Cette victoire (qui a tout de même coûté environ 20 millions d’euros à Altran) n’a touché que 450 salariés sur les 8.000 concernés dans l’entreprise. L’absence de création d’un rapport de force avec les salariés (autres qu’une poignée dont certains ont depuis quitté l’entreprise), la direction d’Altran continue de spolier une grande partie de ses salariés. Le gain en la matière étant largement supérieur aux condamnations prononcées.
 

De plus, la résistance patronale s’organise, profitant des différentes lois dérèglementant la hiérarchie des normes (loi sur le travail, ordonnances Macron etc.). Pour éviter le désagrément d’avoir à payer les salariés au niveau du PMSS, certaines entreprises (comme Amadeus, par exemple) tentent de faire signer des accords collectifs reprenant les termes de la « modalité 2 », sans y inclure la contrepartie du PMSS.

 

Impliquer les salariés dans le processus revendicatif
 

Cet exemple démontre que l’amélioration des conditions de vie des salariés ne pourront se faire sans leur implication dans le processus revendicatif et dans les méthodes à mettre en place pour faire aboutir leurs revendications. Il est de notre rôle de leur faire comprendre cela.
 

Mais il nous faut pour cela lutter à la fois contre nos propres automatismes de facilité ou nos positions tranchées sur l’immobilisme des salariés et aussi contre le gouvernement et le patronat pour lequel la délégation de pouvoir permet de nous institutionnaliser en nous éloignant de la base et/ou en nous noyant dans des réunions qui ne laissent plus le temps de débattre avec les salariés concernés. La mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) est l’exemple typique de cette volonté de couper les syndicats des salariées.
 

Fil rouge de mon intervention à l'atelier n° 3 « SAV des accords ? » qui s'est tenu le 28 mars 2019 dans le cadre des « ateliers du dialogue social de proximité » organisé par Miroir Social.

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Petite rectification, l'accord a été signé initialement que par la CFDT et la Cef-CGC.
La CFTC a adhéré plusieurs années après.
Pour les signataires, la modalité 2 avait pour avantage le plafond de la SS. Beacoup de jeunes cadres percevaient un salaire bien en deça.
Le temps de travail était de 219 jours, 35 heures semaine et 1O% possible alimentant un compte de temps disponible. Aude-là, les cadres ne ouvaient effectuer d'heures supplélentaires, SANS DEMANDE ECRITE de la hiérarchie. Malheureusement, les cadres réalisaient ces heures supplémentaires sans ordre écrit...
Dès le lendemain de l'Accord signé, les employeurs cherchaient tous les moyens pour s'exonerer de la signature de Syntec. celui-ci me répondait vous n'avez qu'à aller devant les tribunaux pour faire valoir votre point de vue (sic)
La vraie question est " est-il possible de négocier quoi que se soit, avec des gens qui pensent vous rouler dans la farine, dès la signature".
Depuis toujours en France, l'idée directrice des entreprises est d'imaginer commrent elles pourront agir pour ne pas remplir les obligations conventionnelles.

Soumis par Carasco Jean-Claude (non vérifié) le mar 02/04/2019 - 22:09 Permalien