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29 / 03 / 2019 | 115 vues
Theuret Johan / Membre
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Mieux vaut poser la question de la fonction publique que nous voulons pour demain que la façon de supprimer 120 000 postes

Le gouvernement termine les différentes consultations relatives au projet de loi de transformation de la fonction publique et vient de déposer la version définitive en conseil des ministres le 27 mars. Initialement annoncé comme une nouvelle grande loi en faveur de la fonction publique, l’actuel projet constitue avant tout une loi technique mais qui a le mérite d’amorcer des simplifications véritables et concrètes.
 

On nous annonçait un vent de modernisation en faveur d’une fonction publique rénovée. Pourtant, seule une trentaine d’articles techniques va être soumise aux parlementaires.

 

Cependant, ayons l’honnêteté de relever l’audace de véritables mesures de simplification contenues dans le projet de loi, comme la fusion des comités techniques et des comités d’hygiène, de santé et de conditions de travail (CHSCT), le recentrage des commissions administratives paritaires, la création d’un contrat à durée déterminé (CDD) de projet, l’instauration d’un mécanisme encadré de rupture conventionnelle, la transposition du protocole d’accord en faveur de l’égalité hommes-femmes qui crée de véritables droits et protections.

 

Des outils adaptés aux réalités

 

Pour autant, toutes ces mesures utiles, attendues et portées depuis plusieurs années par de nombreux acteurs, ne constituent pas une loi porteuse de sens et n’offrent pas à la fonction publique toutes les possibilités dont celle-ci a besoin pour se moderniser.

 

Sortira-t-on de la simple gestion administrative des ressources humaines pour aller vers une véritable gestion des compétences dont les employeurs publics ont cruellement besoin ? Sans doute pas si on n’allège pas toutes les dispositions administratives qui se sédimentent au fur et à mesure des réformes successives et qui contribuent à rendre le statut, les déroulements de carrière et les conditions de rémunération de plus en plus opaques et incompréhensibles par les non-initiés.

 

Est-il crédible de parler d’une loi ambitieuse en ne soumettant au débat parlementaire que des mesures techniques et en renvoyant à de multiples ordonnances sur des sujets aussi cruciaux que la santé et les conditions de travail, tandis que le taux d’absentéisme est de 7,85 % dans le versant territorial par exemple ? Est-il envisageable aujourd’hui de parler de réforme de la fonction publique et d’occulter la question de l’ouverture de la fonction publique afin qu’elle soit plus représentative de la diversité de la société française, alors que de nombreux rapports déplorent les inégalités d’accès et les limites des concours académiques ?

 

Est-il pertinent de réformer la fonction publique sans se soucier des problématiques d’attractivité qui dépassent les questions de rémunération et de recours aux contractuels ? Peut-on encore occulter les enjeux de mobilité à l’échelle des bassins de vie, alors que moins de 3 % des fonctionnaires font une mobilité géographique, ou évincer les épineuses questions des lourdeurs administratives qui entourent les prises de sanctions disciplinaires et le licenciement pour insuffisance professionnelle ? Le management moderne et de proximité nécessite l’adoption d’outils adaptés aux réalités.

 

Un accès plus large à la formation

 

Enfin, peut-on envisager une fonction publique modernisée sans financièrement garantir un accès plus large à la formation, notamment la prise en charge des agents en reclassement et du compte personnel de formation ?

 

Si plusieurs mesures du projet de loi méritent d’être saluées en raison de leur caractère très opérationnel, le texte laisse un sentiment d’inachevé. Inachevé en raison d’une vision tronquée des besoins, notamment sur le rôle du contrat insuffisamment encadré en matière de déontologie, inachevé en raison d’une concertation insuffisante avec tous les acteurs. Inachevé sans doute parce qu’une réforme de la fonction publique ne doit pas répondre à la question « comment supprimer 120 000 postes ? » mais « quelle fonction publique voulons-nous demain ? ».

 

Alors que le temps du débat parlementaire ouvre une nouvelle séquence, misons sur l’esprit d’écoute et les envies d’évolution, pour que cette loi de transformation de la fonction publique emporte un vent de modernisation en faveur de la gestion des compétences et l’adaptabilité de nos administrations tant attendue par les usagers.

 

Tribune parue dans le journal Le Monde en début de semaine.

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