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22 / 10 / 2018 | 27 vues
Jean-Claude Delgenes / Membre
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L'épuisement professionnel ne serait-il rien de plus qu’une fatigue passagère ?

L'épuisement professionnel (ou « burn out ») renvoie le plus souvent à des acceptions diverses, selon les interlocuteurs. Pour les uns, ce syndrome rend compte d’un malaise profond qui irrigue les sociétés modernes tandis que pour les autres, il ne s’agirait que d’une fatigue passagère sans conséquence sur la santé.

L’analyse qui suit tend à montrer que le phénomène d’épuisement professionnel s’enracine dans les nouvelles organisations du travail, dans la perte de sens et dans les conflits de valeur. En clair, que ce phénomène illustre davantage une grande lassitude au travail qu’une simple fatigue conjoncturelle.

La croissance dans tous les pays industrialisés de ces flux de personnes fortement impliquées dans leur activité et touchées par ce mal ne peut s’expliquer que par ces nouveaux paradigmes du travail.

Certaines propositions en vue de la prévention pouvant remettre en cause des intérêts importants bien établis, on assiste à la montée dans notre société de divers discours, à la naissance de rhétoriques qui cherchent à protéger ces intérêts établis. Il s’agit de rendre complexe ce qui devrait être éclairci pour défendre la dimension humaine dans le travail. Tout cela afin de demeurer dans l’immobilisme.

  • On pourrait sur ce plan établir une comparaison avec le phénomène de réchauffement de la planète et de recul de la biodiversité qui ont donné lieu à de multiples études scientifiques mais aussi à de nombreuses polémiques et controverses mémorables avec certaines personnalités qui estimaient que le réchauffement ne résultait pas de l’activité humaine et de son empreinte sur la nature mis simplement du fait de l’entrée dans une phase plus chaude de notre planète.

Une clarification aboutira après voir purgé les concepts issus de la réflexion de ceux qui défendent le statu quo ; les conservateurs de tout poil s’échinent désormais pour que rien ne change. Dans ce cadre, une caractérisation récurrente consiste à réduire l’épuisement  professionnel extrême à une simple fatigue passagère. À gommer les évolutions majeures de notre société en quelque sorte. La thèse bien connue relate que le « burn out » n’est pas un phénomène nouveau mais que la prolifération médiatique mène beaucoup de gens à caractériser une simple fatigue comme un épuisement professionnel.  

Pour éviter toute confusion, chez Technologia, nous avons décidé de retenir l’appellation « syndrome d’épuisement professionnel » (SEP) en lieu et place du terme « burn out » qui renvoie d’ailleurs chez les scientifiques à une pluralité d’approches qui, bien que convergentes, ne sont pas identiques.

De fait il n’y a pas consensus sur la définition du « burn out » au sein de la communauté scientifique. Cela ne signifie en rien que cette réalité n’existe pas. Bien au contraire, la croissance de ce fléau dans les sociétés modernes fait qu’elle appelle réflexions approfondies et propositions d’actions de prévention rapides. Pour tenter d’illustrer cette argumentation, il faut rendre compte de la réalité vécue. Comme disait Jacques Lacan, un exemple vaut parfois plus qu’une théorie.

  • Un homme de 35 ans, informaticien à Nantes, appelle son père qui vit à Paris, à 3h00 du matin. Il lui dit : « Papa, viens me chercher ! J’en peux plus. Je vais me balancer ! ». Le père, jeune retraité, raconte cette histoire la gorge nouée. Il explique les affres de son fils. Depuis des mois, ce dernier enchaîne des semaines de travail de plus de 70 heures. Sa charge de travail est forte dans cette S2II en croissance mais qui ne recrute pas. Il ne peut y répondre qu’en travaillant tard le soir et en sacrifiant la plus grande partie de son temps libre. Aussitôt, le père saute dans sa voiture. À distance, il occupe son fils au téléphone. Il redoute un passage à l’acte. Quelques heures plus tard, soulagé, il sort son fils de son bureau pour le ramener à Paris. Six mois après cette exfiltration nocturne du lieu de travail, l’informaticien est toujours en arrêt maladie et n’a pas pu reprendre le travail.

Le travail, que l’on en possède un ou pas, occupe la majorité de notre existence.

Le travail « sain », celui qui permet à l’individu d’obtenir une rémunération censée lui permettre de vivre et de se doter d’une identité professionnelle, est en recul. Les pathologies psychiques principalement liées au travail (que l’on peut aussi parfois nommer pathologies de la surcharge- naissent dans un monde où deux grands phénomènes se sont combinés. Tout d’abord, une exigence très forte de développement de la productivité (donc de la rentabilité) et une modification des relations de communication entre les êtres humains avec l’entrée dans l’économie numérique.

Selon l’école néo-libérale de Chicago, l’entreprise se réduit à sa seule dimension financière de court terme. Elle se réduit à être un pur actif financier. Comme tout actif financier, elle doit produire le maximum de profit dans un minimum de temps. La rémunération des actionnaires est au centre de la prise de décision du « top management ». La gouvernance est assurée par des financiers pour des financiers. Exeunt les grands capitaines d’industrie et les grands commerçants.  Des méthodes de gestion très normées en découlent, en particulier la direction par objectif (DPO). Cette direction pyramidale par objectif a pour corollaire une évaluation constante des individus mis sous la pression d’un contrôle tatillon et d’une programmation des moyens. Nul ne peut contester que la pression aujourd’hui dans les entreprises s’avère nettement plus élevée qu’il y a 15 ans.

Anorexia corporate

Cette appropriation de la valeur ajoutée créée au profit des propriétaires du capital financier est aussi permise par le développement rapide de ce que je nomme l'« anorexia corporate ». Cette tendance est profonde. Elle traverse tous les collectifs humains, en passant du privé au public. De manière systématique, chaque organisation tend à réduire ses effectifs au maximum. Cette réduction et cet ajustement permanent aboutissent à une plus forte précarité, au développement des contrats à durée déterminée, à l’intérim et à l’externalisation de nombreuses fonctions, c’est-à-dire à une plus forte division du travail social. Elle se présente aussi parfois sous le vernis de concepts affutés comme le « lean management ».   

Sur ce dernier point, il n’existe désormais plus guère, dans les entreprises, de personnel accepté dans l’organisation mais peu productifs.

  • À une autre période de ma vie professionnelle, il y a 30 ans, j’étais alors directeur adjoint d’un centre de recherche. Nous avions dans notre équipe quelqu'un qui était dans les faits toujours présente mais très au ralentie ; elle était proche de la retraite, chacun la respectait et elle a pu tranquillement finir les 2 ou 3 années qui lui restaient de vie professionnelle. Cette tolérance est aujourd’hui révolue. Ainsi, les moins productifs et faiblement qualifiés accèdentau travail avec difficulté.

Selon les règles de ce nouveau productivisme, acceptées par tous, chacun n’ayant plus guère d’alternative doit s’impliquer et se rendre disponible au maximum de ses potentialités. De nombreuses études et ouvrages de réflexion montrent cet encouragement manifeste des employeurs au sur-engagement dans le travail pour leurs employés. Une étude développée par Technologia en 2013, « Vie professionnelle et vie privée », montrait bien cette nouvelle toute puissance du travail. Le travail déborde de la sphère et de l’espace professionnels en raison d’un télé-travail « massif et non régulé ». Ainsi, selon l’INSEE, environ 1 cadre sur 3 travaillait régulièrement le soir après 20 heures, en 2003. L’indicateur repris par Technologia dans son étude de 2013 montrait que ce pourcentage était passé à 1 sur 2 dix ans plus tard. Nous sommes aujourd’hui certainement à 2 sur 3.

Ce grand débordement est favorisé par l’usage des nouveaux moyens électroniques de communication.

En effet, la seconde raison du recul du travail sain est le mauvais usage social des moyens numériques de communication, qui permettent à la fois de contrôler la bonne exécution des tâches par l’individu dans le flux quotidien mais aussi de transférer des charges de travail massives vers les sphères de temps libre. Sphères sociales et humaines qui étaient, auparavant, épargnées.

Certaines personnes ne sont pas trop affectées par cette porosité, d’autres en souffrent et ne parviennent pas à trouver des repères satisfaisants pour organiser leur vie et « articuler leurs temps sociaux ». S’il est vrai que les salariés peuvent aussi régler bon nombre de problèmes d’ordre domestique dans leur sphère de travail, la densification de la charge de travail explique en grande partie la montée en puissance de ces pathologies nouvelles, parmi lesquelles l’épuisement professionnel.

La question qui se pose est celle de la quantification, donc de la maîtrise de la charge de travail. Auparavant, une régulation naturelle se réalisait. La personne travaillait sur son lieu de travail et elle débranchait de fait une fois éloignée de l’espace de travail. Bien sûr, certains rapportaient des dossiers à la maison. Mais aujourd’hui ce sont les dossiers qui viennent les chercher à  leur domicile sous forme de courriels intempestifs. Mais, aujourd’hui encore, les objectifs à atteindre conduisent à travailler de manière régulière à la maison. Désormais, les gens travaillent de plus en plus. Sur le lieu de travail mais aussi pendant leur temps de transport, le soir, les fins de semaine et pendant les vacances où seule une minorité décroche. Il y a quatre ans et demis, j’avais bataillé dur au sein d’une société électronique pour tenter d’imposer la captation des courriels à partir de 21h00 pour ne les redistribuer que le lendemain matin à 7h00. Cette proposition pourtant plébiscitée par les ingénieurs et cadres et représentants du personnel n’a pu se mettre en place. À l’époque, je n’ai manifestement pas su convaincre le haut management de ce grand groupe de défense. Ce droit à la déconnexion tendra à s’imposer car on ne peut laisser l’individu seul confronté à son employeur. Celui qui débranche est vite tricard.

Cette connexion en permanence est éprouvante pour les cadres et ingénieurs.

Les services de prévention qui peuvent encore paraître sur ce plan dans notre culture comme des « empêcheurs de travailler » sont largement démunis pour aider à quantifier et réguler la charge de travail.

Au final, la seule buttée qui reste est celle de la résistance physique et psychique. En bref, toute la difficulté dans la prévention de l’épuisement professionnel est de mettre des actions efficaces en place, sans pour autant décourager des gens très actifs mais heureux et équilibrés dans leur travail.

Pour être juste, il est vrai que ceux qui aiment leur travail et y trouvent du plaisir résistent beaucoup mieux à cette charge étendue car ils se régénèrent plus aisément en mobilisant des émotions positives. Mais avec une telle intensité, il suffit que le management ne soit pas suffisamment soutenant, qu’il ne fournisse pas une écoute attentive (c’est-à-dire avec une véritable attention dans une volonté de préservation) pour que les dérèglements apparaissent très vite. De même, quand la personne a tout donné et, qu’à tort ou raison, elle a le sentiment de ne pas être suffisamment reconnue et valorisée en retour, elle peut, là encore, se trouver exposée à des risques psychiques importants. Enfin, si la personne donne énormément à son travail et se trouve prise dans des conflits de valeur le résultat peut également être dévastateur car elle se sent doublement flouée.

Il faut aussi l’avouer, il peut être jouissif pendant un certain temps de travailler beaucoup et d’assumer l’activité de deux ou trois personnes. L’exploit au quotidien. La démonstration de l’endurance et de la résistance aux yeux de tous nourrit un narcissisme mal maîtrisé mais cette attitude ne dure généralement pas. Ce qui pousse les êtres humains à s’engager au-delà de leurs limites sur de longues périodes est le plus souvent l’angoisse de la déchéance, la peur de la précarité et la crainte du chômage. Le sur-engagement professionnel vient en raison de ces déterminants sociaux intégrés qui mènent au travail compulsif.   

Le sacrifice du temps libre et la mise en disponibilité ne peuvent se comprendre qu’à l’aune de l’angoisse et des efforts d’insertion sur le marché du travail.Cette précarité est ressentie notamment par les jeunes. Dans notre étude de 2013, 30 % des jeunes impliqués dans un univers de travail privé considéraient qu’ils devaient se tenir disponibles à 100 % de leur temps de vie, pour leur employeur. Ce bilan alarmant s’explique par la galère que les jeunes ont rencontrée pour trouver un premier emploi. Le sacrifice du temps libre et la mise en disponibilité ne peuvent se comprendre qu’à l’aune de l’angoisse et des efforts d’insertion sur le marché du travail. Ce constat m’avait d’ailleurs mené à relativiser les enseignements des études sur la « génération Y ». Lesquelles études font état d’un comportement différent des jeunes au travail mais surtout d’attentes nouvelles, plus axées sur le temps social libre. Le plus probable est que les deux tendances cohabitent désormais. Les nouvelles cohortes générationnelles se répartissent à chaque extrême, quand elles ne choisissent pas de s’exiler pour tenter une aventure professionnelle dans un autre pays.

  • Sur un autre plan, l’insertion des salariés handicapés montre bien que l’entreprise a largement perdu en humanité et gagné en efficacité froide. Il a fallu mettre des pénalités importantes pour contraintes les employeurs du privé et maintenant du public au maintien dans l’emploi ou à l’insertion d'handicapés. Dans ce contexte, on ne peut que louer cette discrimination positive au profit des plus faibles.    

Les organisations du travail tendent à s’atrophier de leurs effectifs de manière systématique. À ’exception de certains profils qui représentent environ 15 à 20 % de la population active,  l’être humain, pourtant au cœur du processus de production de richesse, n’est plus pensé que comme un coût. Désormais, le salarié n'est qu'un pion ou un numéro méconnu dont on ne s’embarrasse plus dès que les indicateurs économiques marquent le pas. Autrefois, il y a encore peu, les propriétaires d’usines se donnaient encore la peine de cette connaissance humaine et sociale. Que l’on se souvienne de dirigeants comme François Michelin qui connaissait tous ses salariés, pas simplement leurs prénoms et noms mais aussi leur histoire personnelle. Je ne plaide pas pour un retour au management paternaliste ; je pointe simplement du doigt les évolutions. D’ailleurs, chacun a constaté un phénomène hallucinant.

Quand une grande entreprise annonce une réduction significative de ses effectifs, son cours de bourse flambe. Les personnes averties savent pourtant combien un plan social est destructeur de valeur, même s’il favorise une baisse de charges immédiate. Par ailleurs, la saignée des effectifs s’accompagne très souvent d’une phase de recrutements à une hauteur quasi équivalente six mois plus tard. Sauf, il est vrai, pour les firmes ayant décidé d’organiser leur déclin en France, en planifiant le retrait de leurs activités sur plusieurs années. Je ne réfute pas la nécessité de parfois réduire les effectifs quand la conjoncture économique est très éprouvante, afin de sauver ce qui doit l’être, mais je pense qu’un nombre de plans dits « sociaux » auraient sans doute pu être évités par une plus grande anticipation et par la recherche permanente de la qualification des salariés, afin de leur éviter ce dur traumatisme.  

Cette « maigreur » organisationnelle recherchée par les financiers aboutit à une forte intensification du travail. Le toujours plus d’exigences quantitatives et qualitatives se combine à une raréfaction des moyens humains et matériels, ce qui tend normalement à décupler la productivité individuelle.

Du moins à court terme car le surplus de tensions peut générer des effets non envisagés et très dommageables sur le plan humain mais aussi qualitatif donc financier. J'ai connu cette expérience à de multiples reprises. Rappelons la purge des effectifs imposée par l’ancienne direction de cette grande entreprise des télécoms qui a débouché sur une crise humaine et sociale peu propice au commerce et à la conquête ou au maintien des clients. Le verrouillage du recrutement et le non-remplacement des départs peuvent déboucher sur des situations extrêmes.

Une étude récente a montré que le travail récurrent au-delà de 55 heures par semaine était susceptible d’exposer à un risque d'AVC plus élevé de 30 %. Au début de l’année 2008, j’ai eu à connaître une situation paradoxale dans une filiale française de R&D d’un grand groupe informatique. La crise des subprimes, qui venait d’éclater, modifiait fortement le comportement des clients. Ces derniers exigeaient des propositions « moutons à 5 pattes » avant de se décider à acheter et la filiale, pour aider les forces de vente, devait répondre à tous ces besoins en forte croissance du fait de la conjoncture et cela de manière rapide. Les besoins de recrutement étaient évidents. La direction générale éloignée du terrain français (le siège étant situé dans un  autre pays européen) avait interdit tout recrutement pour laisser passer la crise. Travail très intensif donc. Travail en urgence pour ce collectif de 60 personnes. Puis plusieurs événements sont survenus. Un infarctus invalidant et deux accidents vasculaires cérébraux (AVC) très sérieux dont un mortel en  moins de six mois. Le collectif en a été très affecté et il a bien fallu se résigner à recruter pour répondre à cette charge intense de travail où les 60 heures de chaque personne très impliquéé ne permettaient pas d’écluser les demandes des clients. Recrutement il y eut mais le mal était fait. On dira que je refais l’histoire après coup mais je dois souligner que le directeur et la DRH de cette filiale étaient tous les deux très conscients de la lourdeur de cette surcharge du travail ; chacun à sa manière expliquait à la fois la peine immense ressentie et leur désarroi devant les refus répétés de la hiérarchie de renforcer les équipes. Personne n’évacuait alors systématiquement le facteur professionnel dans la survenance des drames. Depuis lors, une étude récente a montré que le travail récurrent au-delà de 55 heures par semaine était susceptible d’exposer à un risque d'AVC plus élevé de 30 %.    

Sur un autre plan, des études réalisées aux États-Unis ont montré que la raréfaction des moyens humains dans les établissements de soin avaient été contre-productives. En effet, les économies réalisées sur une dizaine d’années ont été largement englouties dans les coûts directs et indirects induits par ce que certains ont nommé « chasse à l’homme ». Les effets de l’intensification du travail ont contribué à l’augmentation de l’absentéisme et au recul de la qualité des soins. Aux États--Unis, la culture sur ce dernier point n’est pas la même que dans notre pays. Quand ça se passe mal, les avocats s’en mêlent. En effet, les « lawyers » se font rémunérer par un pourcentage des sommes obtenues à la suite des poursuites judiciaires donc quand un patient estime qu’il a été mal pris en charge, il peut assez rapidement trouver oreille compatissante et intéressée pour lancer une action. Quand il obtient gain de cause, les sommes peuvent se chiffrer à des dizaines de millions. À ce sujet, une question va se poser dans les dix ans à venir avec la mondialisation, les dérives judiciaires bien connues aux États-Unis vont s’étendre à tous les pays, avec l’offensive des grands cabinets juridiques d’origine anglo-saxonne.

Redonner du « bon gras » aux organisations du travail

La prévention du syndrome d’épuisement professionnel passe par des actions résolues contre le sur-engagement au travail. Ce sur-engagement ne doit pas être incité par le management. Bien au contraire, chacun doit considérer que travailler beaucoup très longtemps revient à prendre un risque sur sa longévité professionnelle. À travailler trop, même avec plaisir, on tend à mal travailler. À ne plus avoir de discernement. À ne plus faire preuve de créativité. Pour l’entreprise, le dérèglement engendré n’est pas anodin. Les gens qui sombrent dans le « burn out » sont souvent des esprits très impliqués, avec une forte aspiration à une réalisation professionnelle, ayant une volonté de réussite.

Perdre ces gens-là en les laissant dans cette spirale négative est souvent un petit désastre, même si ce dernier ne débouche pas encore sur une reconnaissance en maladie professionnelle automatique. Les entreprises doivent se préparer à cette échéance car des évolutions viendront. Aussi, l'une des priorités est de redonner du « bon gras » aux organisations du travail (il convient de changer le curseur charge/effectif pour se redonner une respiration collective). La lutte contre l’anorexia corporate ne fait que commencer. Elle consiste à mettre en place les équipes suffisantes pour éviter la surchauffe. À favoriser le collectif, particulièrement dans l’approche des performances. À mieux répartir la charge de travail sur des équipes plus fournies. À transmettre les qualifications donc l’emploi opérationnel aux jeunes générations. À limiter les contrôles tatillons et bureaucratiques et sans doute à mieux redistribuer les responsabilités en direction des femmes et des gens ayant démontré leur valeur même s'ils n’ont pas fait la bonne école à vingt ans. N'oublions pas que ces pathologies psychiques sur le plan professionnel sont souvent le lot d’une mauvaise reconnaissance et d’une négation de l’ascension sociale. Là aussi, l’idée est de redonner du sens à des salariés qui ne voient plus le bout du tunnel.

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