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25 / 06 / 2018 | 17 vues
Denis Garnier / Membre
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Risquons la sécurité au travail avec Max Masse

Max Masse (*) est expert en matière de santé et de sécurité au travail. Par l’écriture d’articles en commun (mais pas seulement), j’ai pu apprécier ses analyses qui aiguisent les observations pour les traduire en raisonnements constructifs. Partisan acharné de la co-construction, il s’appuie sur l’intelligence des hommes et des femmes au travail pour avancer. Son livre en est la parfaite illustration. 

Rencontre avec Max Masse, auteur de Risquons la sécurité du travail !, Édilivre, 12 juin 2018, et vice-président de la Fédération des acteurs de prévention (FAP).
Quel est le sujet de votre livre ?
Cet ouvrage invite à une forme d'hérésie : remettre en cause le bien-fondé de l’évaluation des risques professionnels et du document unique, respectivement créés par la réglementation française il y a 27 et 17 ans.

C'est un essai, c'est-à-dire « un livre pour faire des livres ; il ne peut passer pour bon qu'en raison du nombre de fétus d'ouvrages qu'il renferme » (Chateaubriand).

Il se structure autour d'une question centrale : quel travail, quelle sécurité et quelle acceptabilité régissent véritablement aujourd’hui les risques dits « professionnels » quand le terrorisme, la cybercriminalité… peuvent affecter les activités de travail ?

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Cet écrit complète les riches travaux en cours avec les membres de la Fédération des acteurs de la prévention. La FAP a organisé séminaires, ateliers et conférences et a également publié des articles sur cette question de l’évaluation des risques (elle travaille actuellement sur un projet de livre blanc). J’ai été directement associé ou en soutien lors de l’ensemble de ces événements. Dans ces travaux comme dans mon essai, l’objectif est triple :

  • comprendre pourquoi l’évaluation des risques et surtout le document unique font l’objet de tant de débats et de controverses ;
  • travailler sur des pistes d’amélioration ;
  • interpeller les décideurs institutionnels.

À quels lecteurs cet essai s'adresse-t-il ?
Quand nous traversons la rue, quand nous prenons un plat très chaud ou quand nous montons sur un tabouret, nous effectuons sans y penser une évaluation des risques d’écrasement, de brûlure ou de chute. Sur le principe, tout le monde est donc concerné par le sujet et par les parties de l’ouvrage consacrées aux notions de danger, de dangerosité, de risque et de sécurité.

Mais les parties prenantes de la santé et de la sécurité au travail sont évidemment directement impliquées dans le sujet : les employeurs privés et publics, les responsables des ressources humaines, les préventeurs, les responsables syndicaux et les salariés et agents publics.

Enfin, les coûts économiques, sociaux et humains des accidents du travail, des maladies professionnelles et des risques psychosociaux (stress, épuisement professionnel…) nous concernent également en tant que citoyens, contribuables, usagers, patients et assurés sociaux.

Quel est le message central ?
Revisiter les notions fondamentales, impliquer chaque partie prenante et s’engager dans une approche individuelle et collective partagée et prospective sont les pistes proposées sans prétention dans cet essai ; au seul risque de déranger quelques repères ou certitudes et de partager quelques expériences avec les lecteurs.

Il s’agit donc moins de transmettre que d’interpeller pour aller plus loin ensemble.

Où sont puisées les références qui sous-tendent votre analyse et votre argumentaire ?
Dans mon expérience de quarante-trois années d’activités au Ministère du Travail (dont dix ans d’inspection), dans les travaux de la FAP (ses membres et les publics rencontrés) et dans de très nombreuses lectures professionnelles et scientifiques dans des champs disciplinaires très vastes.

Quels sont vos projets d'écriture ?

Un ouvrage est en cours sur les enjeux et les déterminants des dispositifs de professionnalisation en santé et sécurité du travail ; on pourrait parler de l’évaluation des risques d’apprentissage professionnel pour améliorer le développement des compétences à titre individuel et collectif.

Vous pouvez retrouver de nombreux écrits sur Andralogiques.

Ne pensez-vous pas que si la timidité de la prévention des risques professionnels est en partie due à l'autorité de l'employeur sur son développement ?
Je suis assez d’accord du point de vue du passé. C’est en partie pour cette raison que l’ouvrage se termine sur une analyse prospective de la gouvernance de la santé au travail et de la mobilisation de toute la chaîne de travail comme vous l’avez montré dans l’article sur PSA de votre blog. Toutefois, je fais le constat que le système actuel reste bloqué parce que, d’une part, il « bénéficie » aux activités de la prévention (toutes catégories confondues) et que, d’autre part, les partenaires sociaux ne semblent pas vouloir véritablement prendre les choses en main à la hauteur des problèmes quotidiens et comme vous le dites des « traumatismes du travail » (j'emploie cette expression qui caractérise mieux toutes les conséquences des accidents du travail et maladies professionnelles, reconnus ou non reconnus).


Comme vous le savez je suis partisan d’un service de santé au travail interentreprises comme interlocuteur unique des entreprises, service intégré dans un réseau de prévention. Qu’en pensez-vous ?
À première vue, les principes de gouvernance et de responsabilisation collective s’accommodent mal d’une externalisation de la partie opérationnelle de la prévention, si l’on considère que le rôle fondamental de cette dernière, pour être efficace, doit faire le lien entre les prescriptions « descendantes » et les « remontées » de terrain. À travers votre question, je vois des éléments forts du projet que vous portez à Saint-Pierre-et-Miquelon. Si cette perspective me semble totalement adaptée au contexte insulaire (taille des entreprises, effectifs, proximité des parties prenantes…),  je ne sais pas si elle peut être déployée sur l’ensemble du territoire de la métropole. La question mérite en tout cas d'y prêter une attention particulière et les résultats des travaux de la mission Lecoq-Dupuis-Forest nous donneront certainement un autre éclairage.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Comme nous le faisons à la FAP, mon essai vise à poser les problèmes sans déni et sans facilité, sans prévention et sans prétention. Nous souhaitons ouvrir le plus grand champ possible de réflexion et de proposition grâce aux rencontres, débats et controverses que nous allons organiser.

Vous êtes tous les bienvenus pour y contribuer ; les informations sur les événements à suivre se trouvent sur le site de la FAP et sur les réseaux sociaux.

(*) Professionnel, chercheur et lanceur d’idées, Max Masse œuvre aux questions de santé et sécurité au travail dans la fonction publique française depuis une dizaine d’années. Auteur de nombreuses publications professionnelles et scientifiques et conférencier dans des colloques et des salons, il pose un regard critique et parfois décalé sur le monde dit « de la prévention des risques professionnels ». Responsabilité, conviction et engagement portent son discours pour penser la gouvernance de la santé et de la sécurité au travail par, pour et avec les hommes et femmes qui socio-construisent et socio-produisent ce travail.

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