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08 / 12 / 2017 | 132 vues
Sébastien Crozier / Abonné
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Contestation des élues CFE-CGC Orange par la CFDT : lettre ouverte à Laurent Berger

Alors que les élections professionnelles viennent de se terminer chez Orange, plusieurs dizaines d’élues CFE-CGC, déléguées du personnel ou élues dans les comités d’établissement, viennent de recevoir des assignations en justice émanant de la CFDT, demandant l’annulation de leur élection, sous prétexte que les listes de la CFE-CGC Orange comportaient trop de femmes. Au total et à date, nous sommes attaqués par la CFDT via 25 procédures judiciaires.

Vous vous êtes personnellement impliqué dans cette élection en venant soutenir les équipes locales de la CFDT à Orange Gardens, dans l’établissement consacré à l’innovation (IMTW) et où la proportion de femmes est l’une des plus faibles de l’entreprise, comme c’est malheureusement le cas dans nombre d’entreprises du secteur numérique. Dans le comité de cet établissement (CE IMTW), la procédure lancée par la CFDT pourrait aboutir à l’élimination de toutes les femmes élues sur les listes CFE-CGC.

Consternation générale

Pour les élues mises en cause, le choc est évidemment d’une violence inouïe. Ironie du calendrier, les assignations sont arrivées au beau milieu de la semaine de lutte contre les violences faites aux femmes… Mais la démarche choque également tous les militants, très au-delà du périmètre de notre seule organisation (jusqu’au sein même de la CFDT), ainsi que nombre de salariés soucieux de la diversité chez Orange, qui ont beaucoup de mal à comprendre la logique de cette attaque ainsi que l’intérêt à agir de la CFDT.

L’esprit de la loi

Il s’agissait chez Orange de la première élection comportant application de la loi dite « Rebsamen » pour une représentation équilibrée hommes-femmes dans les instances représentatives du personnel (IRP). Cette loi s’inscrit dans une série de mesures et d’initiatives visant à faire progresser la société dans son ensemble vers la parité, que toutes les organisations syndicales, notamment la CFDT, déclarent appeler de leurs vœux depuis de nombreuses années.

Depuis plusieurs mois, cette loi suscite interrogations et débats, sa mise en œuvre pouvant s’avérer très complexe (d’autant qu’il n’y a quasiment aucune jurisprudence) notamment dans de grands groupes comme Orange, comportant plusieurs centaines de périmètres électoraux, avec des variations sensibles de la proportion hommes/femmes par rapport à la réalité globale de l’entreprise en la matière. Beaucoup s’interrogent sur l’opportunité de ramener la mesure de l’équilibre au périmètre global de l’entreprise, ce qui en faciliterait grandement l’application concrète.

Pacte de non-agression

Compte tenu de la difficulté à constituer les listes, il avait été verbalement convenu entre les différentes organisations syndicales présentes chez Orange qu’aucune action en justice ne serait entreprise à l’encontre des candidats comme des élus sur la thématique de la représentation équilibrée hommes-femmes.
Nous croyions et étions tous d’accord sur la nécessité d’améliorer la présence des femmes dans nos instances représentatives du personnel et déterminés à faire nos meilleurs effort pour y parvenir.

Coup de tonnerre

Mais patatras ! À peine les résultats promulgués, voilà que la CFDT attaque en justice les élues de la CFE-CGC Orange.

Jamais nous n’aurions pensé que l’organisation ayant porté Nicole Notat comme première femme à la tête d’une confédération syndicale française en 1992 demanderait l’annulation de l’élection de plusieurs dizaines de femmes.

Élimination d’élues, contre les objectifs mêmes de la loi

En effet, si les tribunaux donnaient raison à votre interprétation de la loi, cela aurait pour conséquence la disparition pure et simple de ces femmes, voire de toutes les femmes dans certains CE et délégations du personnel d’Orange, jusqu’à la fin de la mandature.

Cela ferait reculer d’autant la représentation syndicale féminine dans l’entreprise à l’encontre même des objectifs de la loi, que votre organisation avait pourtant saluée et ce, dans une entreprise où la proportion de femmes tend à diminuer ces dernières années, renforçant la nécessité d’avoir des femmes parmi les représentants du personnel, pour contribuer, symboliquement et activement, à l’accélération des recrutements féminins dans notre groupe.

Seules les listes CFE-CGC Orange sont attaquées

Il est vrai que les femmes sont globalement plus présentes au sein de la CFE-CGC que dans les autres organisations syndicales d’Orange. Ces femmes sont-elles attaquées pour les punir d’avoir rejoint nos listes ? Nous ne pouvons le croire.

Notons également qu’aucune autre organisation syndicale n’a vu ses élus des deux sexes ainsi attaqués par la CFDT suite à cette élection, bien que l’analyse démontre qu’elles n’ont pas respecté la parité relative partout. Il est vrai que c’est la CFE-CGC qui, au cours de la même séquence électorale, a obtenu le poste de représentant du personnel cadre au conseil d’administration d’Orange, précédemment détenu par la CFDT. Nous ne saurions croire que votre organisation syndicale, qui défend la démocratie, puisse seulement envisager de se venger du résultat des urnes.

Cette action en justice nous paraît si contraire à toutes les valeurs défendues haut et fort par la CFDT que nous ne pouvons croire qu’elle soit soutenue par votre confédération.

Nous espérons donc pouvoir compter sur votre intervention pour obtenir un apaisement de la situation, afin que l’ensemble des représentants du personnel d’Orange puisse rapidement s’attacher à leurs vraies missions, la défense des intérêts collectifs du personnel, plutôt que de perdre du temps, de l'énergie et de l'argent à courir les tribunaux, au risque supplémentaire de ridiculiser les organisations syndicales.
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