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04 / 04 / 2016 | 138 vues
Denis Garnier / Membre
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La loi El Khomri sacrifie la médecine du travail et la santé des travailleurs

Le premier est directeur de recherche en santé publique à l’INSERM et le second médecin universitaire, professeur de pathologie professionnelle.

Dans un texte qu’ils viennent de publier (ici) ils expriment leurs très grandes inquiétudes face à la mise en danger de toutes les institutions garantes du droit à la santé des travailleurs.

Pour eux, « le projet de loi El Khomri visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs constitue en réalité une remise en cause radicale des droits à la vie, à la santé, à la dignité dans le travail ».

Dans les textes fondateurs du Code du travail, « la liberté de l'employeur finit là où commence le droit fondamental du travailleur salarié à ne pas risquer sa santé, voire sa vie, en travaillant ».

Pour ces deux chercheurs, l'objectif de la réforme El Khomri a pour but d'affranchir les employeurs de cette obligation et de soumettre les droits fondamentaux des travailleurs à la liberté souveraine des entreprises.

Pour comprendre, il faut reprendre au moins trois points contenus dans ce projet de loi :

  1. la disparition de la visite médicale d’embauche au profit d’une visite dite d’information et de prévention ;
  2. la disparition de la visite médicale biennale obligatoire auprès du médecin du travail ;
  3. en cas de difficulté ou de désaccord du salarié ou de l’employeur avec le médecin du travail, la saisine en premier ressort du Conseil de prud’hommes, avec désignation d’un médecin-expert dont l’avis se substituera à celui du médecin du travail.

Cette dernière disposition est gravissime, puisqu'il s'agit de substituer à l'inspecteur du travail qui exerce une « mission de contrôle de l'ordre public social », une expertise médicale façonnée aux normes patronales dont le conseil de l'ordre des médecins s'érige de plus en plus en défenseur.

Ensuite, les deux chercheurs s’inquiètent des autres dispositions qui sont reliées à ce projet de loi, visant à terme de remettre en cause l’obligation des employeurs d’indemniser les victimes des accidents du travail.

La santé au travail dilapidée par le gouvernement

Pour Force Ouvrière, comment pourrait-on réaliser de la médecine sans médecin ?  C’est absurde et c’est pourtant ce qu’organise le gouvernement avec la loi El Khomri, qui suit la loi Rebsamen et le rapport Issindou. Autant de documents qui condamnent la médecine du travail (et donc la protection des salariés) en érigeant la pénurie des médecins du travail comme justification première à ces réformes (article confédération FO : « Santé des salariés, une autre victime de la loi sur le travail »).

Pour FO, il faut augmenter le nombre de postes ouverts pour former des médecins du travail. Le ministère de la Santé s’y refuse car la volonté de ce gouvernement est bien de tuer la médecine du travail, qui gène la liberté de l’entreprise revendiquée par le MEDEF.

Rappel : par exemple, sur 94 médecins en exercice à Paris qui postulaient pour devenir médecins du travail, seuls 21 ont été retenus.

Dans le cadre de débats au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), les partenaires sociaux ont adressé une note à la ministre le 17 mars. Force Ouvrière s’est opposée seule à deux dispositions qui vont encore aggraver la protection de la santé des travailleurs (communiqué FO).

La fréquence des visites au médecin du travail est à proportionner en fonction des risques professionnels…

FO s’est opposée seule à cette vision comptable de la médecine du travail, approuvée par toutes les autres organisations syndicales et patronales. Nous sommes totalement opposés à l’idée selon laquelle « les partenaires sociaux estiment qu’il convient de proportionner le suivi médical aux risques professionnels ». Force Ouvrière continue de revendiquer un suivi médical régulier pour l’ensemble des travailleurs et pas seulement pour une partie d’entre eux.

Conditionner la périodicité des examens médicaux à l’âge, à l’état de santé et aux conditions de travail constitue donc un recul majeur dans la surveillance médicale des salariés.

« L’alignement des procédures d’inaptitude est souhaitable entre les motifs liés à un accident du travail ou une maladie professionnelle et ceux liés à d’autres circonstances extraprofessionnelles ».

L’ensemble des interlocuteurs sociaux, hormis FO, a signé un texte qui demande le rapprochement des deux procédures d’inaptitude, que cette dernière soit d’origine professionnelle ou non. Il ne faut pas s’y tromper : l’harmonisation des termes vise à la confusion des situations en entreprise. Or, qui pourrait nier l’importance de l’origine de l’inaptitude et donc le plus souvent du licenciement, quand celle-ci est due à une faute de l’employeur, qui n’a pas pris les mesures pour protéger les travailleurs des expositions chimiques, physiques ou psychiques ?

Il est clair que l’ensemble de ces dispositions vise à dilapider la médecine du travail qui protège au profit d’une médecine qui contrôle sous les ordres de l’employeur (voir article FO : « Médecine du travail : le gouvernement veut soigner le mal par le mal »).

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