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17 / 08 / 2015 | 2 vues
Didier Cozin / Membre
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Bientôt quatre ministres du travail pour une piètre réforme de la formation (I)

Les ministres se succèdent et les problèmes s'aggravent 

Quand dans une entreprise l’équipe dirigeante est sans cesse renouvelée, quand aucun cap ne peut plus être fixé, ni l'organisation ni le personnel ne peut avoir confiance, le bateau paraît ivre, le capitaine est un intérimaire et l’organisation, ballotée par les flots, est à la merci de la prochaine vague.

L’instabilité d'une organisation est toujours synonyme d’indécisions, d'imprécisions et de mauvaises décisions.

Pas de quoi rassurer les travailleurs, les organisations, ni le pays lui-même quand chacun doit se projeter dans l’avenir.

La formation dérive en France depuis 2013

Nous en serons, au milieu de cet été, au quatrième ministre en charge de la formation en trois années, quatrième « pilote » d'une réforme de la formation dont on ne se souvient plus guère du point de départ (l’ANI de janvier 2013 censé « sécuriser l'emploi ») mais dont chacun déplore désormais les conséquences (car aucune entreprise ne comprend ni n’approuve une réforme qui fait tomber la formation à des niveaux d’étiage jamais atteints dans notre pays).

Les ministres se succèdent donc, reprenant péniblement le flambeau d'un texte de loi voté en quatrième vitesse (procédure d'urgence), un texte fort mal inspiré car collant à des négociations sociales dont l’enjeu était bien autre que la formation.

Un texte donc voté dans la précipitation mais qui a ensuite dû attendre près d’un an et demi pour que ses innombrables décrets paraissent (75 décrets, modes d’emploi parfois plus obscurs et ambigus encore que le texte de loi auxquels ils se réfèrent).

Le dernier décret, sur la qualité de la formation et qui fait mine d’expliquer comment la qualité peut être estimée, a été publié le 30 juin 2015, soit 17 mois après le vote de la loi en février 2014 ! Un record d’atermoiements, d’impuissances et d’attentismes conjugués, qui ont semé le doute dans toutes les organisations.

Une formation et une éducation devenues aujourd’hui les premiers handicaps du pays

Au tournant du millénaire, la France avait raté les objectifs de la stratégie de Lisbonne (mars 2000 : « faire de l’Union européenne l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici 2010 »).

Non seulement la formation tout au long de la vie n'avait pas pris en France (du fait, en premier lieu, de l'incapacité de notre pays à remettre sur les rails son éducation nationale) mais l'effort financier en faveur de la formation a encore considérablement régressé depuis la crise financière de  2008.

L’objectif de 15 % de départs mensuels en formation est inatteignable

Pour 2020, l’objectif de l’UE est d’un départ en formation pour 15 % des salariés chaque mois. En 2010, nous étions à moins de 6 % et ce taux va sans doute encore baisser du fait de la nouvelle règlementation.

Une loi brouillonne et confuse qui organise l’insécurité du monde éducatif

La loi organise l’insécurité pour tous : les salariés qui ne comprennent pas comment ni pourquoi ils ont perdu leur droit à la formation (DIF) au profit d’un compteur formation quasi-inutilisable ; les entreprises qui découvrent qu’on leur a retiré l’essentiel de leurs budgets mutualisés (-80 % de budgets accessibles pour les TPE/PMPE selon la Cour des Comptes), les organismes collecteurs (OPCA) qui ne comprennent pas qu’on leur octroie d’innombrables et invraisemblables tâches (comme celle de garantir la qualité des formations) tout en diminuant fortement leurs moyens.

L'équipement professionnel aujourd'hui n'est plus tant matériel mais en premier lieu conceptuel et éducatif

Ce que chacun pressentait depuis très longtemps, ce que bien des études et des rapports  prédisaient depuis les années 1990 (rapport Jacques Delors en 1998 : « l'éducation est un trésor ») c'est-à-dire que le savoir, la culture, la connaissance et les compétences deviendraient les seules « matières premières » indispensables pour le travail dans les économies postindustrielles, ces mises en garde n'ont pas été entendues. Ou plutôt d’une oreille tellement distraite que rien n’a changé depuis 30 ans.

Depuis les années 1990, notre pays a donc refusé d'entendre raison. Par conformisme et par manque de courage social et politique, on a refusé la remise en cause d'un système économique, social et éducatif bâti à la fin du XIXème siècle, performant dans la première moitié du XXème siècle mais devenu obsolète au XXIème pour une société de la connaissance et de l'information.

Notre pays s’est laissé aller à la pente la plus facile et naturelle 

  • Laissant dériver (après 1968) une éducation nationale transformée désormais en une gigantesque (et ruineuse) garderie sociale.
  • Instituant une véritable apartheid entre l’école et le monde du travail (l’entreprise étant globalement considérée comme un ennemi de classe par le monde enseignant).
  • Niant et dévalorisant l’efficacité de l'apprentissage en entreprise, oubliant de revaloriser le travail manuel.
  • Considérant la formation comme un service luxueux (on forme les 5 % de salariés les plus qualifiés), humanitaire (on forme les déclassés du travail) ou exceptionnel (la fameuse progression d’un niveau de qualification durant 42 années, au cours d’une vie professionnelle !). En France, un homme ouvrier non qualifié ne passe en moyenne que 6 heures par an (1 minute par jour !) à sa formation.

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Bonjour, Effectivement, la mise en œuvre de la réforme de la formation soulève aujourd'hui un grand nombre de questions. Les centres de formation sont notamment les premiers à tirer la sonnette d'alarme. La mise en place du CPF ne s'est pas réalisée comme prévu et on remarque aujourd'hui un marché de la formation fortement en baisse. Une pétition a même été créée par les centres de formation. Espérons que des changements viendront rectifier le tir afin de pouvoir redonner à la formation l'élan qui lui était promis. Nous rédigeons sur notre blog de nombreux articles sur ce sujet, le dernier en date : Réforme de la formation : ce qu’en pensent les centres de formation (http://www.formaltis.fr/reforme-de-la-formation-ce-quen-pensent-les-centres-de-formation/)