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17 / 06 / 2014 | 21 vues
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Agir en cas de présomption de harcèlement

À l’occasion de la semaine pour la qualité de vie au travail du 16 au 20 juin 2014, Secafi présente sa nouvelle collection de guides destinés à mieux appréhender les questions de santé et bien-être au travail. Aujourd’hui, publication du guide Agir en cas de présomption de harcèlement, écrit par Brigitte Mouret, sociologue d’entreprise et psychosociologue, directrice de mission chez Secafi.

Secafi publie un guide sur le harcèlement dont vous êtes l’auteur. Que recouvre cette notion au regard des situations que vous avez pu rencontrer en entreprise ?

Le « harcèlement moral » est une notion juridique et, donc, à manier avec précaution. Si le mot est parfois banalisé dans le langage courant, il constitue une accusation qui peut être grave, tant pour le présumé « harceleur » (risque de diffamation) que pour le présumé « harcelé » (risque de stigmatisation). Aussi, pour traiter le sujet, il vaut parfois mieux, dans un premier temps, parler de situation de travail dégradée.

En outre, derrière cette notion, il peut y avoir plusieurs formes de « harcèlement », reconnues aujourd’hui par la jurisprudence : le harcèlement individuel, quand quelqu’un cherche à humilier l’autre dans le seul but de valoriser son pouvoir, le harcèlement stratégique, quand un employeur ou toute autre personne met en place des pratiques pour faire partir un ou des salariés, ou le harcèlement institutionnel, quand ce sont les fonctionnements de l’organisation qui génèrent des pratiques déviantes. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une personne, elle-même soumise à un stress ou à des pressions constantes, ne parvient plus à prendre du recul sur la manière dont elle travaille avec les autres, ce qui entraîne un effet boule de neige dans le service.

En tant que cabinet expert de la santé au travail, vous arrive-t-il d’être appelée sur des questions de ce type ?

Oui, on est souvent appelés sur des conflits entre personnes ou des situations préoccupantes vécues comme du harcèlement. C’est là que nous devons être vigilants dans nos expertises. Effectivement, toute forme de « harcèlement » constitue une dérive qui passe par l’instauration de techniques relationnelles persécutives (critiques, isolement, attaques personnelles, hyper-contrôle…). Mais il faut également savoir aller au-delà et examiner si, derrière, vous êtes stricto sensu sur du harcèlement ou face à une problématique organisationnelle.

Nous commençons donc par analyser la situation de travail incriminée en essayant de comprendre quels sont les phénomènes qui ont mené à une telle dérive. Nous tentons d’aider les acteurs de l’entreprise à résoudre la situation mais aussi à éviter que de telles situations ne se reproduisent. Il faut aussi penser à protéger les personnes concernées. Enfin, si l’expertise ne permet pas de déboucher sur une résolution du problème, elle pourra, le cas échéant, alimenter un dossier juridique en dernier ressort.

Ce qu’il faut retenir, c’est que le harcèlement est véritablement une forme de violence au travail et un risque psychosocial qui peut avoir des conséquences sur la santé et le collectif de travail. Il est donc indispensable d’agir en prévention sur ces questions et de ne pas attendre qu’elles se manifestent par des effets graves sur la santé pour faire quelque chose.



Qu’en est-il du CHSCT ? Quels sont son rôle et ses moyens d’action ?


Le CHSCT n’est pas compétent pour dire s’il y a ou non harcèlement puisqu'il s’agit d’une notion juridique. En revanche, il peut repérer des indicateurs, tels que le fait de discréditer une personne par rapport à ses collègues, d’isoler une personne, de la contrôler de manière constante, de la remettre en cause systématiquement ou de chercher à la déstabiliser en permanence par des injonctions contradictoires. Ce ne sont là que des exemples. Une fois ces indicateurs assemblés, le CHSCT doit se tourner vers l’employeur pour les signaler et se faire accompagner pour analyser au mieux la situation.

Le rôle du CHSCT est donc essentiellement un rôle de veille, d’alerte et de suivi des actions de prévention mises en œuvre, mais attention, s’il y a des actions possibles, il y a aussi des choses à ne pas faire. Le CHSCT doit tracer les faits, conseiller le salarié sur ses possibilités d’action, demander à l’employeur de réguler la situation. En aucun cas, le CHSCT n’a le droit d’accuser quelqu'un de « harcèlement » ou de juger de la situation. Par ailleurs, il vaut mieux aborder progressivement ces questions et, si possible dans un premier temps, en préservant la confidentialité. Les étiquettes ont la vie dure et il est souvent difficile de s’en débarrasser.


D’où l’intérêt, nous semble-t-il, pour le CHSCT de recourir à un expert car il est très difficile de mener une enquête sur un sujet aussi épineux. D’une part, car ce sont des situations complexes et chargées d’émotions et d’autre part, car les enquêteurs peuvent, eux-mêmes, être instrumentalisés. L’expertise peut être un moyen d’objectiver une situation. Elle ne vise pas à se substituer au CHSCT mais à l’aider à analyser la situation de travail, à prendre un angle plus large pour comprendre les mécanismes institutionnels et à proposer un plan d’actions.


Quels sont les effets sur le collectif de travail ?


Les situations de « harcèlement » ont en effet un effet sur le collectif de travail. Les collègues sont directement concernés par ce qu'il se passe à côté d’eux. Cela peut conduire à une désorganisation du service. On peut très vite entrer dans un cercle vicieux, avec des effets en cascade, bien au-delà du problème de départ. Par exemple, une personne déstabilisée par une situation de ce type peut avoir des pertes de mémoire, ne plus arriver à s’organiser ou à travailler normalement, ce qui aura des incidences sur le collectif de travail. Autre exemple, des personnes confrontées à une situation de « harcèlement » vont voir leur santé visiblement dégradée (prise de poids, problèmes de peau, dépression, tristesse ou, au contraire, agressivité, malaises), ce qui peut perturber le collectif de travail qui ne sait comment agir. La difficulté, dans un collectif de travail, est d’arriver à comprendre ce qu'il se passe car les processus de « harcèlement » ne sont pas toujours perçus au début et chacun a la sensation d’être dans une situation incompréhensible. D’où la nécessité d’objectiver ces processus et d’en comprendre l’origine.

Ce n’est qu’en analysant quelle est l’origine du problème et comment les processus agissent sur la relation que l’on peut agir à la source et proposer des solutions concrètes.

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