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01 / 07 / 2013 | 11 vues
Patricia Mouysset / Membre
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Les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués

« Les malades ne sauraient être au fait des données de la science, des subtilités des méthodologies d’évaluation et de la complexité des techniques mais ils ont la conviction que leur état de maladie est la preuve des risques non acceptables des conséquences des pesticides sur leur santé. Il faut donc considérer comme nouvelles bornes de l’évaluation des risques des pesticides sur la santé, les deux exigences suivantes :
  • davantage de transparence et de volontarisme dans la mesure des effets des pesticides sur la santé humaine, la remontée des données sanitaires, leur analyse et les alertes à lancer ;
  • placer au cœur de l’évaluation des conséquences des pesticides sur la santé humaine, la santé comme première priorité.

Il s’agit là d’un renversement de la hiérarchisation existant jusqu’alors entre pesticides et santé. Ce nouveau principe doit être promu et débattu largement ».

Ainsi conclut le rapport du Sénat rendu public en octobre dernier et dans lequel s’inscrit l’expertise collective de l’INSERM publiée le 13 juin 2013 sur les effets des pesticides sur la santé. Une revue et exploitation de toute la littérature scientifique a été réalisée par un groupe d’experts sur l’implication des pesticides dans plusieurs pathologies chez des personnes exposées professionnellement à ces substances, en particulier des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction. Ces enquêtes ont également attiré l’attention sur les effets éventuels d’une exposition même à faible intensité et de l’effet cocktail lors de périodes sensibles du développement (in utero et pendant l’enfance).

Ce travail a été commandé à l’institut par la Direction générale de la santé (DGS) car la question des effets sur la santé des pesticides suscite des inquiétudes grandissantes dans l’opinion publique et constitue une préoccupation inscrite depuis plusieurs années dans l’agenda politique. Déjà en 2009, l’INSERM révèle que l’exposition aux pesticides double quasiment le risque de maladie de Parkinson parmi les agriculteurs. Face à cela, la maladie de Parkinson a été intégrée au tableau n° 58 du RG en mai 2012 (voir article de l’année dernière). C’est une avancée importante qui donne les moyens aux agriculteurs atteints d’accéder au droit de réparation au titre du tableau n° 58 du régime agricole. En octobre dernier, le Sénat a aussi publié un rapport sévère et faisant état des énormes carences dans le cadre de la gestion que représente le risque d’exposition de la population générale et des travailleurs aux pesticides…

La consommation de pesticides a doublé tous les dix ans entre 1945 et 1985

À l’heure actuelle, de grandes d’inquiétudes se posent sur les effets de tous les pesticides utilisés dans le milieu agricole et ce, depuis plusieurs décennies voire depuis des siècles. Les pesticides ont très tôt été utilisés pour protéger les cultures et la santé publique, afin de limiter la propagation de parasites et autres maladies et d'améliorer la qualité de la production alimentaire. Des traces de l'utilisation du soufre en Grèce antique sont retrouvées dès 1000 ans avant J.-C. et, Pline l'Ancien, naturaliste romain du Ier siècle, recommandait l'usage de l'arsenic comme insecticide !

Un net pas est franchi au XIXème siècle avec l'essor de la chimie minérale, qui va fournir de nombreux pesticides minéraux tirés des sels de cuivre. L'essor véritable des pesticides est à lier au développement de la chimie organique de synthèse à partir des années 1930. Le DDT est alors commercialisé et devient le premier de la famille des organochlorés, qui domineront le marché des insecticides jusqu'aux années 1970. Mais la recherche sur les armes chimiques (notamment les gaz de combat) menées durant les première et seconde guerres mondiales ont favorisé la découverte de nouveaux composés organiques comme les organophosphorés. D'autres pesticides, également efficaces et peu coûteux, ont été mis au point pour l'industrie textile (anti-moisissures, anti-acariens), l'industrie du bois (traitement contre les xylophages et les champignons des charpentes). Les pesticides se sont imposés petit à petit pour les usages domestiques (anti-moustiques, colliers antipuces), l'entretien de la voirie publique ainsi que pour une utilisation en médecine (antiseptiques et désinfectants). Par conséquent, les pesticides sont largement répandus dans le monde public et professionnel, tant au niveau agricole mais aussi dans tous les secteurs nécessitant une lutte fongique, insecticides, plantes indésirables, bactéries etc.

De manière globale, la consommation de pesticides a doublé tous les dix ans entre 1945 et 1985. Il demeure toutefois que les pesticides ont été au cœur du développement agricole des cinquante dernières années. Ils ont été au fondement de la mise en place de systèmes de production intensifs, en permettant une meilleure maîtrise des risques, une relative garantie de productivité et une réponse aux besoins conséquents des populations.

  • Le formidable succès des pesticides et la banalisation progressive de leur emploi ne doit pas faire perdre de vue leur raison même d'exister : les pesticides sont conçus pour tuer. La dangerosité de ces produits ne doit pas être perdue de vue.


Actuellement, l’Europe est le premier consommateur de pesticides et la France le premier au niveau européen avec les chiffres de marchés où dominent la vente des herbicides et des fongicides (UIPP).

Depuis une vingtaine d’années maintenant, une prise de conscience se réalise au niveau de la société tant dans le milieu public que professionnel sur les conséquences générées par l’industrie chimique depuis les années 1940-1950 face aux mutations observables sur notre environnement, les méfaits sur notre santé. La pollution par les pesticides est très large et touche toutes les strates de notre environnement : air (air extérieur et intérieur, poussières), eau (souterraines, de surface, littoral…), le sol et les denrées alimentaires (y compris certaines eaux de consommation). La prise de conscience politique a amené le sénat le 23 octobre 2012 a lancer et publier un rapport avec des recommandations faisant état de la sous-évaluation des dangers et risques présentés par les pesticides.

Catalogue des risques accrus

La voie de pénétration par prédiction des pesticides en milieu professionnel se fait par voie cutanée et respiratoire.

L’expertise collective de l’INSERM publié le 13 juin dernier a ciblé 8 zones de cancérisation : 4 cancers hématopoïétiques (centre formateur du sang), de la prostate, du testicule, les tumeurs cérébrales et les mélanomes. Concernant le cancer de la prostate, un risque accru chez les agriculteurs, les ouvriers d’usines de production de pesticides et les populations rurales est remarqué. Pour les populations professionnelles, on retrouve les matières actives incriminées suivantes : carbofuran, coumaphos, fonofos, perméthrine. Toutes sont actuellement interdites d’usage.

Concernant les cancers du centre formateur du sang ou les tissus hématopoïétiques, le risque accru est posé pour les lymphomes non hodgkiniens et de myélomes multiples, tous secteurs confondus. Par ailleurs, un excès de risque de leucémies ne peut être écarté face aux expositions passées aux organochlorés et phosphorés pour le groupe d’experts. Pour les autres organes cibles (cancer du testicule, tumeurs du cerveau et maladie de Hodgkin), les rapporteurs restent circonspects face à l’ensemble des études disponibles et face à la présence de facteurs confondants comme les UV.

L’étude collective a confirmé certains liens causaux déjà établis entre les pesticides et maladies neurodégénératives (comme la maladie de Parkinson) observées chez les personnes professionnellement exposées aux insecticides et herbicides. Pour la maladie d’Alzheimer, les résultats des études révèlent un excès de risque. Quant à la sclérose latérale amyotrophique, trop peu d’études sont disponibles pour conclure.

De nombreuses études épidémiologiques suggèrent une augmentation significative du risque de morts fœtales (fausses-couches) ainsi qu’une augmentation du risque de malformations congénitales lors d’une exposition professionnelle maternelle aux pesticides. Des répercussions dans la motricité et sur les capacités intellectuelles de l’enfant sont décrites sans compter une augmentation significative du risque de leucémie et de tumeurs cérébrales. Pour les femmes enceintes exposées par voisinage aux pesticides, une augmentation du risque de malformations congénitales chez les enfants (malformations cardiaques, du tube neural, hypospadias, diminution du poids de naissance, atteintes neuro-développementales, risque de leucémie) est observée.

L’effet des pesticides sur la fertilité masculine est clairement établi apar le groupe d’experts mais un manque d’étude concernant les éventuels effets sur la fertilité féminine a été reconnu.

Cinq constats, une centaine de recommandations

En octobre dernier, le Sénat a fait 5 constats face aux expositions aux pesticides :

  • les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués ;
  • le suivi des produits, après mise sur le marché, n'est qu'imparfaitement assuré au regard de leurs conséquences sanitaires réelles et les effets des perturbateurs endocriniens sont mal pris en compte ;
  • les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques ;
  • les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles n’intègrent pas toujours suffisamment la préoccupation de l'innocuité pour la santé du recours aux pesticides ;
  • face au plan éco-phyto réclamant une réduction d’utilisation de 50 % des pesticides, une augmentation de 2 % d’utilisation des phytosanitaires est hélas remarquée.


Une centaine de recommandations a été énoncée par le Sénat, dont voici les axes principaux de travail :

  • la procédure d’autorisation de mise sur le marché,
  • la connaissance des risques,
  • la reconnaissance des maladies professionnelles,
  • les pratiques agricoles et agro-alimentaires,
  • le développement de méthodes alternatives,
  • l’information et la sensibilisation du public face aux dangers pour la santé,
  • la formation des professionnels,
  • le statut de l’expertise et de l’alerte,
  • la recherche,
  • la prévention des risques d’exposition professionnelle pour les salariés de l’industrie, les agriculteurs…
  • les équipements de protection individuelle et collective,
  • la vente aux professionnels et aux particuliers,
  • le matériel d’épandage,
  • la gestion des déchets.

Le rapport du Sénat reconnaît que « certaines de ces recommandations peuvent être mises en œuvre rapidement. Elles permettront de changer les pratiques et les mentalités, même si le chemin est encore long… ».

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