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30 / 05 / 2013 | 42 vues
Angela Accaoui / Membre
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Que font les représentants des salariés et les DRH face à la précarisation du salariat ?

Il en va de la responsabilité des représentants des salariés et des directions des ressources humaines de coordonner leurs actions pour agir contre une précarisation susceptible de toucher de plus en plus de salariés. À la confluence des CE et des DRH au travers de son offre, le groupe Chèque Déjeuner parrainait le café social organisé par Miroir Social le 24 avril, en témoignant de sa propre expérience à l’égard de ses salariés en situation de précarité. Car la précarisation des salariés concerne aussi les entreprises qui se portent bien et qui s’efforcent d’avoir une politique salariale équilibrée avec une majorité de salariés en CDI. Les facteurs de précarisation extraprofessionnels pèsent en effet de plus en plus lourd entre les difficultés liées au logement, la garde des enfants, l’augmentation des divorces et les coûts exponentiels de certains frais de santé comme le dentaire…

Intervenants au Café Social du 24 avril
©Marie-Noëlle Auberger

Les intervenants, à partir du premier plan

  • Aurélien Pérol, DRH France du groupe Chèque Déjeuner
  • Thomas Delpech, secrétaire de l’inter-CE du groupe Chèque Déjeuner
  • Bruno Largillière, délégué syndical central CFDT membre de la commission d’insertion et solidarité de Danone Produits Frais France
  • Marc Kazmierczak, élu CE CFE-CGC d'Ineris
  • Louisette Calmin, responsable bénévole du comité d’entraide de Bouygues énergies & services

« Privilégier le collectif sur l’individuel fait partie des leviers d’une politique RH susceptible de limiter le nombre de salariés en situation de précarité. C’est le sens de notre politique salariale mais aussi celui de notre dispositif de prévoyance, qui ne fait aucune distinction entre les non-cadres et les cadres dans le niveau des prestations », considère Aurélien Pérol, DRH France du groupe Chèque Déjeuner. Une logique égalitaire que l’on retrouve sur la complémentaire de santé avec une part de prise en charge par l’employeur identique quelle que soit la situation de famille du salarié. En septembre prochain, les salariés du groupe recevront un bilan social individualisé qui leur permettra de mesurer le poids du collectif dans les différents éléments de leur rémunération directe et indirecte. Sans surprise, le comité inter-entreprise du pôle titre (600 salariés) du groupe alimenté par un budget représentant 3 % de la masse salariale joue aussi la carte collective. Entre 7 et 10 week-ends ou voyages sont ainsi au programme chaque année. « Il y a un budget dédié à ces activités qui renforcent le collectif », explique Thomas Delpech, secrétaire de l’inter-CE. Si le niveau de prise en charge du CE dépend exclusivement du niveau de salaire, chaque salarié bénéficie d’une enveloppe égalitaire correspondant à 600 euros qu’il peut utiliser à sa guise. « Il est par exemple possible de compléter les CESU avec cette enveloppe pour financer les frais de garde à la crèche inter-entreprise », illustre le secrétaire de l’inter-CE.

Mais quand la précarité se dévoile, la caisse de solidarité du groupe est là pour accorder des aides financières. Alimentée par 3 % du résultat du groupe, cette caisse, gérée par des coopérateurs choisis par leurs pairs, se trouve inscrite dans les statuts de la coopérative.

Diversité des approches

  • Ce café social a été l’occasion de découvrir la diversité des approches en matière d’entraide grâce aux témoignages des représentants des salariés de Danone Produits Frais, Ineris et Bouygues énergie.

« L’augmentation de la précarité parmi les salariés nous a conduits à réorienter une partie des aides vers l’interne. Notamment au niveau de nos bases logistiques », souligne Bruno Largillière, délégué syndical central CFDT membre de la commission d’insertion et solidarité de Danone Produits Frais France, qui finançait à l’origine en priorité des projets externes de création d’entreprise portés par des chômeurs de longue durée ou encore d’ex-CDD et intérimaires de Danone. Désormais, 40 % du budget, qui se trouve alimenté par une partie de l’intéressement, bénéficient à des salariés en poste chez Danone. Toutes les demandes sont recevables par les 12 membres bénévoles de la commission dans laquelle on retrouve les syndicats et la DRH qui siègent tous les trimestres avec une douzaine de demandes de salariés à examiner lors de chaque cession. Cela va de la prise en charge des frais de réparation d’une voiture, du règlement des frais d’inscription à une grande école pour l’enfant d’un salarié pour éviter la souscription d’un crédit. « Nous avons un principe, celui de ne jamais agir seul pour coordonner nos actions avec un réseau de partenaires tant internes au niveau de la DRH par exemple ou à l’externe avec les réseaux d’assistantes sociales », précise Bruno Largillière.

Chez Ineris, un EPIC employant 600 salariés, c’est aussi la carte du réseau de proximité que l’on met en avant au sein du réseau d’entraide mis en place à l’initiative du comité d’entreprise. « Les quatre personnes qui composent le comité d’entraide ne sont pas des élus et ils jouent en cela une fonction de sas avec les représentants de la commission d'œuvres sociale et logement du comité d’entreprise », explique Marc Kazmierczak, élu CE CFE-CGC à l’initiative en 2007 d’un groupe « maison de la crèche et des services » au sein du CE auquel participent des salariés, non élus. Un réseau qui ne dispose pas d’un budget dédié mais qui s’efforce de mettre les salariés en situation difficile en relation avec les bons contacts, y compris les dispositifs d'aide existant hors CE et entreprise. Mais au moins deux tiers des salariés d’Ineris en situation financière très délicate ne font pas appel au réseau d’entraide ou aux commissions du CE. C’est du moins ce qui paraît au regard du nombre de salariés concernés par des saisies sur salaire ou qui demandent régulièrement des avances, selon les données sur 3 ans fournies par la DRH de l'Ineris. Des indicateurs de précarité dont les DRH sont les premiers observateurs, tout en devant respecter la vie privée et la confidentialité qui va avec. Il faut donc évoluer vers une meilleure communication conjuguée des DRH et des CE pour une meilleure efficacité de ces dispositifs solidaires existants.

Ne pas attendre le dernier moment

« Les salariés attendent trop souvent le dernier moment pour venir frapper à notre porte. C’est dommage. Malgré la situation économique, on ne note pas pour le moment une augmentation des demandes », témoigne Louisette Calmin, retraitée de Bouygues énergies & services et responsable bénévole du comité d’entraide de la filiale qui traite environ 150 dossiers par an et accorde des aides pouvant atteindre 5 000 €. Les demandes, souvent préalablement validées par des assistantes sociales, sont rarement refusées même si quelques personnes ont tendance à revenir chaque année. « Il ne s’agit pas d’assistanat », insiste Louisette Calmin qui précise que beaucoup de demandes font suite à des divorces.

  • Contrairement à la caisse de solidarité du groupe Chèque Déjeuner ou de la commission d’insertion et de solidarité de Danone Produits Frais, le comité d’entraide n’est pas exclusivement alimenté par l’employeur. C’est d’abord aux salariés de cotiser pour que la direction abonde.

Chaque mois, sur les 10 000 salariés de la filiale, 6 500 versent 1,30 euro auquel la direction ajoute 1,70 euro. En toute logique, pour escompter bénéficier de l’aide du comité, mieux vaut cotiser… Pour Louisette Calmin, « ce mode de financement renforce la solidarité. Beaucoup de cadres cotisent alors qu’ils ne feront jamais appel au comité ». La direction a fixé un objectif de 80 % de cotisants pour consolider le collectif. Paradoxalement, c’est essentiellement au mérite que se font les augmentations de salaire chez Bouygues énergies & services. Et Aurélien Pérol de conclure en affirmant que « le premier préalable à la prévention de la précarisation consiste à ce que les salariés gardent confiance dans la capacité de leur entreprise à se projeter dans l’avenir en développant l’emploi ».

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