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08 / 11 / 2012 | 1 vue
Didier Cozin / Membre
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Le rapport Gallois et le DIF

Coup sur coup en l’espace de quelques jours, une étude du CAS (Centre d’analyse stratégique), étude portant sur l’individualisation de la formation dans les politiques d’emploi dans huit pays. et le rapport Gallois sur la compétitivité (remis officiellement lundi 5 novembre) prônent le recours massif à la formation et remettent en selle le droit individuel à la formation, dispositif de formation lié à l’individu et plus à son statut professionnel.

Le droit individuel à la formation (DIF) a été inventé en 2003 par les partenaires sociaux, puis inscrit dans le Code du Travail en 2004. Malheureusement, seule une faible minorité de salariés parvient à le mettre en œuvre depuis cette date.

Le DIF est donc restauré par moult études et rapports sur le travail et l’emploi. Dans les prochains mois, il pourrait devenir inestimable (un trésor comme qualifié par Jacques Delors) car notre pays traverse une crise sociale, économique et professionnelle exceptionnelle, dont beaucoup pourraient ne pas se remettre (depuis la rentrée de septembre les emplois disparaissent au rythme de 40 000 par mois soit 0,5 million en tendance annuelle).

Rappelons brièvement ce qu’est le DIF.

Constatant année après année que la formation allait aux plus qualifiés et engagés auprès de nos partenaires européens en mars 2000 (sommet européen de Lisbonne pour une économie de la connaissance et de l’information), les partenaires sociaux en 2003 (ANI de septembre 2003) et les pouvoirs publics en 2004 (loi du 4 mai 2004) ont doté tous les salariés d’un droit individuel à la formation.

Il s’agissait de permettre à chaque salarié de se former à hauteur de 20 heures et ceci tous les ans. Ces heures de DIF pouvaient être cumulées durant six années pour un projet de formation plus conséquent (120 heures, soit presque 18 jours de formation).

Les objectifs assignés à ce DIF original (comme la société industrielle avait accouché en 1936 du droit aux congés payés) étaient doubles :

  • rendre la formation plus équitable avec un droit égal pour tous (cadre supérieur comme O.S) de 20 heures annuelles de formation,
  • responsabiliser les salariés sur leur avenir professionnel afin qu’ils anticipent, avec leur employeur, leurs futurs besoins en compétences et en qualifications.

Si ce droit nouveau a semblé faire l’unanimité en 2003 et 2004, le bel édifice social cachait pourtant quelques ambiguïtés et futures difficultés d’application.

  • Le financement du DIF n’était en rien certain. Le DIF peut en effet être financé en direct par l’employeur sur ses dépenses formation, il peut l’être via son OPCA au titre des financements mutualisés (professionnalisation) et enfin payés par les FONGECIF en cas de désaccords répétés (durant deux années) de l’employeur.
  • Cette possibilité de ne pas être d’accord sur le choix de la formation DIF a souvent été détournée par les employeurs. Pour les partenaires sociaux (et le Code du travail est sans ambiguïté), il s’agissait de permettre d’initier un dialogue entre les besoins individuels du salarié et ceux collectifs de l’entreprise. Las, de nombreux employeurs ont estimé que le « refus » DIF rendait ce droit conditionnel à leur bon vouloir. S’ils n’en avaient pas les moyens (mais un employeur peut-il s’exonérer de payer pour les congés payés ?) s’ils n’en avaient pas le temps ou l’envie etc., ils pensaient être en droit de pouvoir refuser l’exercice du DIF de leurs salariés.

 

  • Les salariés eux-mêmes n'ont pas fait un accueil enthousiaste au DIF. En 2005, première année où il était réalisable, moins de 2 % des salariés l’ont utilisé, cinq ans plus tard ils étaient 5 % et aujourd’hui, en 2012, on peut estimer que le DIF plafonne à moins de 10 % de réalisations annuelles toutes branches professionnelles confondues.

Pourquoi ce modeste accueil fait au DIF dans les entreprises ?

De nombreuses raisons sont avancées pour expliquer ce laborieux démarrage.
D’abord, la formation est un temps long et dans l’éducation initiale comme dans la formation tout au long de la vie, on ne se lance pas dans une formation comme on « consomme » un séjour à l’hôtel ou un téléphone portable.

La formation n’est donc pas de la consommation, il faut y consacrer du temps, de l’énergie, persévérer et s’impliquer durablement (on parle toujours de l’effort formation, effort financier pour l’employeur et effort éducatif pour l’adulte).

Ces impératifs éducatifs laissent souvent de côté les salariés les moins qualifiés car ceux-ci n’ont guère confiance dans leurs capacités à apprendre, ils n’ont pas non plus les bons arguments pour convaincre leur employeur, ils sont sur le terrain, éloignés des bureaux et des services RH. Au final, il leur faut souvent une énergie et une persévérance considérables pour obtenir leurs 20 heures de DIF.

La formation est considérée en France comme un coût dans beaucoup de sociétés. Les PME paient une faible cotisation de formation et elles s’en désintéressent (le nez dans le guidon). Quant aux grandes entreprises, elles chassent les coûts avec leurs contrôleurs de gestion (qui ont trouvé dans la formation un formidable gisement d’économies à réaliser).
 

Que faire aujourd’hui et comment utiliser le DIF ?

 

Au niveau des pouvoirs publics, la fenêtre de tir se réduit de jour en jour si ceux-ci veulent relancer la machine formation. À la fin de l’année, il sera trop tard pour changer la donne pour 2013 (les OPCA auront déjà décidé de l’affectation des budgets et de leurs priorités, les entreprises auront déjà construit leur plan et leur budget formation et les organismes de formation n’auront pas préparé d’offres adaptées au DIF).
Il faut donc faire vite, profiter de l’état de surprise du monde professionnel et des partenaires sociaux pour imposer :

  • un financement annuel du DIF en rendant la dépense certaine donc provisionnable ;
  • le versement obligatoire et annuel d’une somme fixe (sur une base de 15 euros par heure, par exemple) sur un compte individuel de formation géré par un organisme national de type URSSAF ;
  • obliger chaque employeur à répondre favorablement à une demande de DIF ou le contraindre à organiser dans le mois un entretien professionnel avec à la clef une formation compatible avec le développement des compétences du salarié ;
  • organiser simplement la transférabilité du DIF et la commande de formation tout au long de la vie professionnelle ;
  • ouvrir le DIF à tous les travailleurs et aux mêmes conditions (indépendants, auto-entrepreneurs, intérimaires, CDD, saisonniers…).

Le DIF n’est donc pas ce gadget que d’aucuns raillaient en 2004 lors de sa mise en œuvre. Un milliard d’heures de DIF ont été capitalisés par 15 millions de travailleurs du privé qui y ont droit. Ce capital de formation est précieux individuellement pour remettre à niveau ou reconvertir les travailleurs dont l’emploi est en jeu mais il est précieux aussi pour le pays qui ne peut se permettre de rater plus longtemps son entrée dans l’économie de la connaissance et de l’information.

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j'avais publié un article en date du 12 octobre 2009, suite à la mise en place de la portabilité du DIF. Il me semble que le souhait du législateur était de permettre aux salariés de pouvoir changer de voie en cours de carrière, mais dès lors qu'un salarié demande une formation dans le cadre du DIF, l'employeur la refuse si elle n'a pas d'intérêt pour l'entreprise. Le droit individuel, c'est le droit de demander pour le salarié mais surtout le droit pour l'employeur d'accepter ou de refuser quel qu'en soit le motif. je suis donc en ligne avec votre proposition : il faut que le dispositif soit mieux encadré et plus contraignant pour les entreprises.