Participatif
ACCÈS PUBLIC
22 / 10 / 2012 | 3 vues
Eric Beynel / Membre
Articles : 12
Inscrit(e) le 29 / 03 / 2010

La moquette et les lambris dorés sont-ils utiles au syndicalisme ?

L'activité syndicale réserve parfois des journées étranges par leurs décors et où le silence feutré des salons de la République prend la place des atmosphères plus spartiates des bureaux syndicaux. Le syndicaliste de luttes qui scande dans les cortèges des manifestations : « ce n'est pas dans les salons qu'on obtiendra satisfaction », pourrait alors se trouver en décalage et beaucoup de ses camarades pourraient penser qu'il s'est vendu et joue les bureaucrates courant après les prébendes. Et pourtant...

Le bâtiment du Conseil économique, social et environnemental de la place Iéna à Paris est devenu, depuis la conférence sociale initiée par le nouveau gouvernement au début de l'été, l'incontournable du dialogue social. Pas une semaine sans que celui-ci n'y convoque un aréopage de syndicalistes pour y parler social ou environnemental, jamais fiscal, malheureusement. Pourtant, le lieu manque de convivialité et dans ses alentours, pas un café à l’horizon. Il se dit qu’il en existerait un dans un grand hôtel à un tel prix prohibitif que personne n’a osé essayer.

C'est dans ces lieux que vendredi, la fondation Copernic, quelques mois après la parution de son excellente note Répression et discrimination syndicales, aux éditions Syllepses, réunissait pour un colloque un nombre important de praticiens du droit social, politiques, économistes, inspecteurs du travail et syndicalistes. Tout cet aréopage était réuni pour débattre de cette répression souterraine et sur l'invisibilité sociale de cette délinquance patronale quasi impunie. Le faible taux de syndicalisation est souvent repris comme le symptôme d'un manque de représentativité des organisations syndicales. N’oublions pas que le nombre de syndiqués est par ailleurs beaucoup plus important que le nombre d'adhérents des partis politiques et que, par ailleurs, les élections professionnelles obtiennent le plus souvent des taux de participation très conséquents.

On oublie souvent à quel point il est difficile pour un syndicat de s’implanter dans une entreprise, petite ou grande, et que la démocratie s’arrête généralement à la porte des entreprises. Il est tout autant difficile de lutter contre les discriminations dont souffrent les militants syndicaux. Ce colloque organisé par la Fondation Copernic a été l’occasion de mettre cela en lumière et surtout de lancer la mise en place d'un observatoire de la répression et de la discrimination syndicale, pour lequel déjà cinq organisations syndicales sont actrices. Il s’agira de mettre en visibilité cette réalité sociale et d’ainsi permettre de la combattre. Son action s’articulera autour des outils suivants.

Un rapport annuel qui fournira un état des lieux de la discrimination et de la répression syndicale en France. Il sera validé par un comité scientifique issu de différentes disciplines et professions. Pour cela, il se basera sur les informations syndicales, administratives et de recherches disponibles ou qui pourront être effectuées à sa demande :

  • des notes régulières pourront être publiées afin d’intervenir dans le débat public,
  • des séminaires visant à donner une plus grande visibilité à ces problématiques,
  • un site internet afin de mettre à disposition un certain nombre d’informations (notamment juridique). Ce site permettra de recenser et de rendre public des cas de répression et de discrimination syndicales dans les entreprises.


Pas mal, se dit le syndicaliste, pour des paroles lancées dans le silence des moquettes épaisses du Conseil économique, social et environnemental. 

Hasard du calendrier, le même jour, vendredi 12 octobre, l’ANDEVA organisait dans la grande salle Clémenceau, au Sénat, un colloque scientifique consacré à l’état des connaissances et aux différences en termes de prévention et de traitement des victimes d’un pays à l’autre. Cette journée réunissait des chercheurs et associations de luttes contre de l’amiante d’une vingtaine de pays, dont des représentants des derniers pays producteurs de ce produit tueur. L’objectif principal de cette journée était d’œuvrer à une interdiction mondiale de l’amiante.

À la fin de cette journée, le syndicaliste se dit que les salons de la République peuvent être bien utilisés et peuvent permettre de lancer des projets importants et cruciaux pour la défense des travailleurs, de leurs droits ou de leur santé. Mais une inquiétude nous traverse subitement : tout au long de cette journée, nous n’avons pas croisé d’élus qui s’y soient intéressés.

Pas encore de commentaires