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04 / 09 / 2012 | 228 vues
Philippe Charry / Abonné
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Travail en centre d'appels: stress, précarité, licenciement...

La première décennie du XXIème siècle a vu l’activité des centres d’appels téléphoniques se développer de façon considérable dans de nombreux secteurs économiques. Ainsi, 3 500 centres emploient 250 000 personnes en France. Implantés dans l’entreprise même, souvent externalisés ou encore délocalisés à l’étranger, les plateaux téléphoniques existent dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Toujours plus de clients « servis sur un plateau »


France Télécom-Orange et les autres opérateurs de télécommunications emploient en interne du personnel dans des centres d’appels mais font également appel à des sociétés prestataires de service ou sous-traitantes.

Beaucoup de salariés, en particulier dans les entreprises sous-traitantes des grands opérateurs, connaissent la précarité de l’emploi et travaillent en permanence sous la menace d’un rachat par une autre société ou d’une éventuelle délocalisation.

Dans chaque métier de La Poste (courrier, enseigne, colis, services financiers), des agents travaillent sous le casque, sur écran et par téléphone.

Sur toutes ces plateformes téléphoniques, les salariés sont soumis à de fortes contraintes physiques et psychologiques :

  • charge de travail et cadences excessives,
  • environnement bruyant,
  • manque d’autonomie,
  • tâches répétitives.


Dans cet environnement difficile et oppressant, l’organisation du travail mise en place frise le stakhanovisme. Le contrôle de la hiérarchie est permanent et les objectifs sont ambitieux, la productivité dicte sa loi.


À France Télécom-Orange, quid du « nouveau contrat social » ?


Après la crise sociale sans précédent vécue par le personnel en 2008-2009, le nouveau contrat social s’engage à revoir les conditions de travail dans le groupe.

Qu’en est-il en réalité sur les plateaux du service après-vente ou d’assistance technique *, ou encore des  RH ?

  • Si, en interne, les effectifs s’élèvent à 15 000 personnes, il y a 12 000 emplois externalisés, dont 3 000 délocalisés.


Sur ces positions de travail, le malaise persiste et le personnel n’a pas constaté de réel changement dans son quotidien. Les améliorations concrètes se comptent sur les doigts d’une main… Et encore ! Les salariés ont par exemple obtenu 10 minutes sur leur temps de travail pour se connecter sur leur position, et 10 minutes en fin de vacation pour se déconnecter.

« Globalement, c’est toujours la mutualisation imposée et la polyvalence obligatoire ! Le régime des pauses n’a pas évolué. Il faut une attention constante et soutenue, connaître de multiples produits. Au premier dysfonctionnement informatique, les réseaux saturent etle stress grandit », nous confie Sabine Sire, déléguée du personnel sur un plateau à Orange business service.

Pourtant, le nouveau contrat social promet une « organisation du travail efficace, transparente et coopérative. L’amélioration des outils informatiques est une priorité stratégique pour le groupe, pour faciliter les processus et permettre un meilleur confort de travail ».

Sur des plateaux comme le 1014, il faut répéter le même texte, l’activité est minutée, monotone, stéréotypée.

Difficile aussi de rester motivé car il n’y a guère de perspective d’évolution professionnelle. À tel point qu’Orange a de plus en plus de mal à recruter et qu’on fait appel temporairement aux CDD. Dire que le métier reste peu attractif relève de l’euphémisme !

Pour gérer une partie de ces flux d’appels sortants à faible valeur ajoutée, rappelons qu’Orange a déjà délocalisé depuis quelques années un certain nombre de centres d’appels au Maroc et en Tunisie. Cela pour la simple raison du prix de revient. Il est vrai que, dans un centre d’appels marocain par exemple, une heure travaillée coûte 14 euros contre près de 30 euros en France...

  • Une plateforme revendicative commune aux « plateaux » de La Poste


Depuis 2003, l’entreprise publique a développé dans ses différents métiers des plateformes téléphoniques affectées de missions distinctes (centre d’appels, centre de relations clientèles, centre multicanal de vente…).

Mais cette nouvelle activité a pris son essor en 2008. À ce jour, plus de 2 200 agents exercent une activité sur des « plateaux » téléphoniques, répartis sur une vingtaine de sites. Ils peuvent recevoir des appels (appels entrants), comme au courrier : 3634 (entreprises) et 3631 (particuliers).

Ou comme à La Banque Postale, avec le 3639. Mais les appels peuvent aussi être sortants, comme pour les plateaux de télévente du courrier ou la prise de rendez-vous pour la Banque Postale.

Ces différences entre les métiers et les activités engendrent des disparités entre les agents, au niveau des grades (du II.1 au II.3) comme des salaires. Toutefois, les fortes  contraintes inhérentes au travail sur un plateau téléphonique sont communes à tous et constituent de réelles sources de risques psychiques et physiques pour la santé du personnel. Efforts soutenus de l’attention, position statique, stress face à un système informatique parfois inadapté voire défaillant, incivilités… La liste est hélas très longue des facteurs qui peuvent conduire à l’épuisement mental.

  • « L’amélioration des conditions de travail passe notamment par la refonte du système informatique de La Poste, par une intégration globale des modèles informatiques conçus dans son coin par chaque métier », affirme Raymond Moya, responsable FO-com  de l’enseigne.


Les agents qui travaillent en plateforme téléphonique sont tous soumis à des cadences (nombre d’appels, durée des  appels…) et à des objectifs de rendement fixés individuellement et/ou collectivement  (obligation de résultats, respect des procédures téléphoniques…).

  • C’est pourquoi FO communication a décidé de mettre en place un groupe de travail sur le sujet. Dans le même temps, il est nécessaire de s’organiser pour définir rapidement des revendications communes avec pour objectif de combattre les risques psychosociaux et de préserver la santé des agents.

 

Chez les sous-traitants, le pire du management


Le recours à la sous-traitance de la relation client est devenu courant dans le secteur des télécommunications.

Dans ces sociétés prestataires de service des grands opérateurs, la logique financière prime. Productivité, rentabilité sont les maîtres-mots. Selon la convention collective et l’entreprise à laquelle on appartient, les inégalités sont nombreuses. Il n’y a pas de réglementation spécifique aux centres d’appels téléphoniques. C’est le règne de la précarité et le salarié doit être « flexible » ! Les salaires sont excessivement bas, les conditions de travail déplorables, les horaires décalés et atypiques.

Le flicage est permanent : la durée de chaque appel est comptabilisée, le temps de pause chronométré. En fait, le téléopérateur est un salarié « téléguidé », il lit au mot près le même argumentaire (le script) à chaque appel. Ses « performances » sont mesurées en direct avec l’affichage des appels. Le temps c’est de l’argent !

Sur ces plateaux, l’adage n’a jamais été aussi vrai. C’est la course  au chronomètre, à la minute et bientôt à la seconde. Les injustices et l’arbitraire sont criants, pour la prise des congés par exemple. Pour les jours fériés (notamment le 25 décembre et le 1er janvier), la présence au travail est  obligatoire. Tout ça pour des salaires dérisoires : tout juste le SMIC et parfois moins !

L’individualisation est la règle et le salarié est complètement isolé. Il est évalué en permanence, des écoutes sont réalisées régulièrement. Le salarié est parfois averti à l’avance, parfois non. Il peut donc être espionné à tout moment. Il subit des entretiens individuels, pudiquement appelés « recadrages » avec le superviseur, manager ou responsable de groupe, qui encadre dix à quinze personnes selon les entreprises.

Tout est mis en œuvre pour empêcher toute manifestation de solidarité entre les salariés, pour bloquer toute tentative de syndicalisation.

Les salariés n’ont pas la moindre visibilité sur leur avenir, sur leur poste de travail. Ils vivent au rythme des annonces de restructurations, de fusions d’établissements, des rumeurs de rachat de telle ou telle société et des délocalisations à l’étranger avec à chaque fois son lot de suppressions d’emplois.

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