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19 / 04 / 2012 | 8 vues
Eric Yahia / Membre
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Pourquoi SAP France craint-elle les infirmières ?

SAP France a toujours eu peur des infirmières… Depuis novembre 2005, l’inspection du travail de Paris ne cesse d’enjoindre à SAP France de respecter l’article R 241.35 du Code du travail (aujourd’hui R.4623-51, mais futur R.4623-32 à compter du 1er juillet 2012…). Ce texte dit que toute entreprise ou établissement non industriel d’au moins 500 personnes doit disposer d’un infirmier. Sa mission est d’assurer une action médicale au sein de l’entreprise, une surveillance médicale des travailleurs, des soins d’urgence, un service de garde et l’assistance des médecins dans le cadre du tiers temps.

  • Depuis cette date, SAP France fait tout pour échapper à cette obligation légale ; demandant même une dérogation en 2006 qui lui est refusée.

En 2007, SAP France installe en son sein un local d’infirmerie mais le laisse vide, en s’abritant derrière les propos d’un médecin de travail qui « ne voit pas l’utilité d’avoir une infirmière pour donner 2 dolipranes et 2 pansements ». D’ailleurs, « l’immeuble dispose d’une équipe de pompiers et de secouristes qui interviennent pour prendre le relai de l’infirmière en cas de d’incidents ». Le CHSCT reste neutre sur le sujet.

En 2008, SAP achète BObj. On découvre alors que BObj compte à Levallois une infirmière qui participe régulièrement aux réunions du CHSCT. Qu’à cela ne tienne, SAP France résiste et la bonne pratique de Bobj ne se transmet pas aux autres sites parisiens. SAP n’obéira pas à l’inspection du travail pour le site de La Défense, et « gérera » l’infirmière de Levallois…

Témoin gênant

En 2010, SAP France impose aux équipes de développement issues de BObj un nouveau mode d’organisation (dit « lean & scrum »). La mise en place de cette organisation crée de fortes tensions psychologiques en interne. L’infirmière Bobj apporte alors un premier soutien moral aux salariés et témoigne des problèmes et des souffrances en CHSCT.

Jusqu'en mai 2011, l’infirmière participe aux réunions CHSCT. Ce n’est plus le cas depuis. Certains élus minoritaires s’en émeuvent. Le président du CHSCT n’hésite pas à déclarer en réunion : « l’infirmière n’est pas élue et ne représente pas la direction ; elle peut être considérée, dans le meilleur des cas, comme un intervenant extérieur et n’apporte aucune plus-value sur de nombreux sujets à l’ordre du jour du CHSCT ».

  • Il ajoute « ne pas vouloir maintenir les pratiques antérieures, c'est-à-dire convoquer l’infirmière pour une journée entière et partager avec elle des informations qui ne la concernent pas. En revanche, si des points inscrits à l’ordre du jour relèvent de sa compétence, elle sera invitée par la direction exclusivement au moment où seront traités ces points » (PV du CHSCT du 8 mars 2012 ).


Circulez, il n’y a plus rien à voir… Dans le même temps, SAP France cherche à déstabiliser son unique infirmière. Suite au départ de son responsable hiérarchique (directeur général délégué, excusez du peu), l’infirmière est isolée. Elle ne connaît pas son responsable pendant plusieurs mois. SAP revient même sur la promesse qui lui a été faite d’un avenant à son contrat de travail. SAP ira même jusqu’à l’accuser en réunion de CHSCT d’indiscipline pour ne pas avoir transmis des indicateurs maladie que la RH aurait dû demander directement à la CRAMIF !

Pourquoi un tel acharnement ? Pourquoi vouloir à tout prix se priver d’infirmiers dans l’entreprise ? Certains esprits cyniques y verront juste une mesquinerie financière : SAP France, société ultra profitable, n’a pas envie de payer un ou plusieurs salaires d’infirmiers. Mais la réalité est plus sordide : une infirmière est un témoin neutre et professionnel de la souffrance en entreprise dès qu’elle existe.

Organisation pathogène de SAP

Les premiers signes morbides de stress et d’épuisement chez SAP France sont apparus en 2003. Les syndicalistes ont souvent été confrontés à des personnes en pleurs dans leurs bureaux. Les médecins du travail l'ont également constaté au cours de leurs visites médicales.

De 2004 à 2008, certains élus du CHSCT ont demandé un audit sur le stress. Peine perdue. Il aura fallu passer par le décès de deux salariés très connus et appréciés dans l’entreprise pour qu’enfin le CHSCT obtienne de la direction un audit sur le stress en 2009.

C’est le cabinet Technologia qui a mené l’enquête. Le résultat est édifiant. Les travers de l’organisation de l’entreprise ont été identifiés. Le cabinet a préconisé quelques pistes d’action. En réponse, la direction a mis en place avec quelques élus « représentatifs » et triés sur le volet un « comité de pilotage des risques psychosociaux ». Elle a formé les managers à la gestion des risques, organisé des pots de convivialité, des tournois de babyfoot…

  • Mais un an plus tard, une nouvelle alerte pour risque grave a été déclenchée suite à de très sérieux problèmes psychologiques subis par les salariés d’un service commercial. Nouvel audit, même constat.


Faut-il s’en étonner ? Les constats majeurs des audits se répètent : surcharge de travail, absence de moyens, libertés sous contraintes inopérantes, injonctions paradoxales, perte de sens du travail, manque de reconnaissance, dénis des uns et des autres, illusions orchestrées…

  • Il faut souligner que jamais la direction générale de SAP France n’est présente aux réunions de restitution de ces audits.

Seuls d’obscurs représentants, dont l’arrogance et le mépris se constatent plus souvent qu’à leur tour assistent à ces réunions. Et encore attendent-ils que cela se passe. La santé psychologique des travailleurs n’intéressent pas les décideurs de l’organisation.

Dans ce contexte de déni des dangers et de refus d’assumer ses responsabilités sociales, la direction fait comme s’il fallait maîtriser les témoins gênants. Parmi ceux-ci, les représentants du personnel. Un travail régulier et permanent de clientélisme syndical permet de « positiver » la représentation du personnel. Les plus indépendants demeureront minoritaires et leurs discours discrédités. Il reste ensuite à réduire l’influence des témoins externes contrariants. Le personnel médical en fait partie : médecins du travail et infirmières animés par un souci de santé au travail sont des plus importuns.

Voilà pourquoi SAP France a toujours résisté à l’implantation d’infirmiers dans l’entreprise. Le discours managérial déborde de bonnes intentions, mais les actes restent bien dissimulés par le discours. La nouvelle direction évite de recevoir dans son bureau la personne neutre qui voit converger vers elle la souffrance au travail dès qu’elle existe. Enfin, elle ne convoquera l’infirmière aux réunions du CHSCT que « si des points inscrits à l’ordre du jour relèvent de sa compétence ».

  • Les dernières réunions ayant traité des risques psychosociaux, la direction a estimé que le sujet sortait du champ de compétence de l’infirmière. Quant à la médecine du travail, elle doit se contenter d’une lettre de convocation une semaine avant la réunion et sans les documents. Et tant pis si le jour choisi pour la réunion ne lui convient pas, c’est à elle à s’adapter !

Dis moi comment tu considères ton infirmier ou ton médecin du travail et je te dirai quel dirigeant « psycho-social » tu es...

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