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13 / 07 / 2011
Didier Cozin / Membre
Articles : 59
Inscrit(e) le 05 / 08 / 2010

La discussion sociale n'a-t-elle pas trop duré en matière de formation ?

Comment ne plus prendre de décisions en entreprise ? Entamer des négociations !

Le travail à la française est largement une affaire de contournements et de stratégies pour ne pas mettre en œuvre les lois de la République. Il en est ainsi de ce malheureux droit individuel à la formation (DIF) qui, depuis des années, piétine dans l’univers professionnel alors que la crise économique fait rage et qu'il n'a jamais été plus vital qu’aujourd’hui de se former, d’être accompagné, de se reconstruire professionnellement et socialement.

  • Parmi les multiples stratégies mises en œuvre dans le monde du travail pour ne pas prendre de décisions  et surtout ne pas assumer ses responsabilités sociales, la négociation avec les partenaires sociaux (ou dans la branche professionnelle) tient une place de choix.

Prenons un seul exemple pour la formation : un « grand » de la distribution (9 000 salariés et une activité en forte expansion). Depuis 2008, l’entreprise tergiverse, piétine et attend des financements providentiels pour mettre en œuvre le DIF de ses salariés. La demande est pourtant potentiellement très forte (il suffit d’interroger la première caissière ou le premier vendeur à l’horizon pour comprendre que le problème ne vient pas d’eux).

Cette entreprise donc (dont nous nous contenterons de dire qu’elle conserve une image sociale forte) ne met en œuvre le droit individuel à la formation qu’à dose homéopathique. Il s’agit évidemment d’une décision prise par la direction, ni par la DRH, ni par le (maigre) service de la formation (un responsable et son assistante pour 9 000 salariés !).

Alors que nous proposions une médiation entre les partenaires sociaux pour sortir  de ce face à face perdant/perdant, engagé depuis 2009 dans l’entreprise (avec une année sociale très agitée en 2010) le responsable de la formation nous fait savoir en ce début juillet que tout est gelé (une fois de plus) car la branche professionnelle va négocier sur le DIF (qui, c’est vrai, n'a que 7 années d’existence).

  • Cette « négociation » permettra de ne pas bouger pendant encore une année supplémentaire, tout en prétendant jouer le jeu de l’employabilité. Discuter ne coûte pas cher, permet de noyer le poisson et de gagner du temps. Cette tactique a été éprouvée dès le lancement du DIF en 2004, alors que tout l’univers professionnel a « négocié » des accords de branche (qui ont surtout permis d'attendre 2005).

Désormais, la marmite sociale hexagonale est prête à exploser : le travail fuit de partout, des milliers de salariés peu qualifiés perdent leur emploi tous les mois (mais les départs sont désormais discrets), les pouvoirs publics jouent à rassurer les Français en produisant de miraculeuses statistiques (les chiffres du chômage serait stables !) et nos concitoyens se demandent avec angoisse dans quel genre d’activité ils vont bien pouvoir poursuivre leur travail. 

Pourquoi une telle situation sociale ? La réponse nous semble assez simple à trouver et tient en un mot : la déresponsabilisation du corps social.

Dans une société où l’État était censé tout faire (l’État providence), où l’assistance permettait d’écarter du travail une fraction importante de travailleurs (les jeunes englués dans le système scolaire, les seniors rejetés vers la retraite, les handicapés, les travailleurs sans qualification…) le corps social entier est déresponsabilisé.

  • Les employeurs estiment très nombreux que face à un coût du travail élevé (désormais plus élevé qu’en Allemagne), ils n’ont à assumer aucune responsabilité sociale (ni la pénibilité, ni le stress, ni les seniors, ni la formation, ni l’apprentissage…).
  • Les salariés ne se préoccupent souvent de leur employabilité que lors d’un PSE ou d’une rupture professionnelle (pourtant la formation c’est l’anticipation).
  • Les partenaires sociaux sans réelle représentativité (5 % de syndiqués dans le secteur privé en France) souhaitent que leur modèle économique ne soit pas trop perturbé par les nouvelles règlementations (et si les OPCA sont déstabilisés quid du financement du paritarisme ?).

Bref, comme l’écrivait un chef d’entreprise, la France est comme une vieille guimbarde dont les freins sont usés, la direction ne répond plus et le conducteur endormi. Elle dévale une route longue et de plus en plus pentue.

Waren Buffet l'écrivait après la crise de 2008 : « C’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus ». Désormais, des millions de salariés sont mis à nus par la crise économique. Le rôle d’un grand pays, au-delà de l’assistance, ne peut-il être de leur réapprendre à nager ?
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