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14 / 01 / 2011 | 56 vues
Gérard Laune / Membre
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La rupture conventionnelle : vécu de terrain d'un conseiller du salarié

Mme Parisot s’est récemment félicitée des près de 500 000 ruptures conventionnelles enregistrées depuis la création de ce mode de rupture. En dehors de nombreuses publications faites sur le sujet, il me semble intéressant de délivrer ici mon vécu de terrain en tant que conseiller du salarié.

Ce mode de rupture est souvent utilisé dans des contextes variés mais qui peuvent être classés en cinq catégories principales.

  • Le licenciement économique déguisé

On rencontre ce cas de figure notamment dans le secteur du commerce, voire de TPE dans le bâtiment. La motivation réelle de l'employeur est d'éviter une perte de notoriété de l'entreprise liée à l'aveu de difficultés rencontrées par cette dernière. Pour des salariés mal informés (ce qui est la quasi généralité des salariés des TPE), les conséquences sont catastrophiques car ils sont ainsi privés de toute possibilité de pouvoir bénéficier de la CRP ou CTP.

  • Le licenciement pour motif disciplinaire, justifié ou non, maquillé avec les fards de la rupture conventionnelle

 

En habillant la rupture du contrat de travail, l'employeur croit minimiser les risques liés à une procédure prud'homale. En fait, ce n'est pas complètement le cas mais souvent les salariés ignorent la possibilité de poursuivre leur employeur après une rupture conventionnelle. Certains avocats conseillent aux employeurs de consolider la rupture conventionnelle avec une transaction pour éliminer ce risque.

  • J'ai rencontré plusieurs cas de salariés en face d'un « choix »  proposé par l'employeur : soit licenciement pour faute grave, soit rupture conventionnelle. Mon conseil face à cette attitude est dans un premier temps d'accepter la rupture conventionnelle, puis de la dénoncer à l'intérieur du délai de rétractation. Cela prive ainsi dans les faits l'employeur de déclencher une procédure de licenciement pour faute grave. Tout au plus pourra-t-il licencier ensuite pour motif réel et sérieux.
  • Le délit de sale gueule ou d'insuffisance professionnelle, d’harcèlement moral etc.
La rupture conventionnelle est alors pour l'employeur un procédé commode et peu coûteux pour acheter le départ du salarié.
  • Le salarié a trouvé un job plus intéressant chez un autre employeur et veut monnayer son départ
Certains employeurs compréhensifs jouent le jeu, parfois d'autant plus facilement lorsque le salarié concerné est au courant de pratiques illégales au sein de l'entreprise.

  • Les deux parties reconnaissent que la poursuite du contrat de travail pose autant de problèmes à l'une qu'à l'autre. Mais en vérité, ce n'est pas le cas le plus fréquent et pourtant ce cas de figure est la vocation de la rupture conventionnelle.

La densité de rupture conventionnelle est inversement proportionnelle à la taille de l’entreprise
 

On notera que la densité de rupture conventionnelle est inversement proportionnelle à la taille de l’entreprise. Selon la Dares, « dans une TPE, un salarié présent au début du semestre 2010 avait une chance sur 100 de finir le mois de juin à la porte, avec une rupture conventionnelle dans la poche (contre une chance sur 200 en moyenne, et 1 chance sur 400 dans les entreprises de plus de 50 personnes) ».

Les raisons probables en sont les suivantes :

  • dans les entreprises d’une certaine taille, les syndicats sont bien implantées et les IRP veillent au grain, contrairement aux petites PME et TPE ;
  • en majorité, les DRH préfèrent la sécurité juridique apportée par un licenciement classique suivi d’une transaction.


Soulignons aussi que les salariés âgés sont plus exposés aux risques d’utilisation abusive de la rupture conventionnelle et ce plus particulièrement dans les grandes entreprises. Toujours selon la Dares, « dans les établissements de 50 salariés et plus, les salariés d’au moins 58 ans apparaissent néanmoins surreprésentés dans les ruptures conventionnelles. Au premier semestre 2010, ils représentent 10,3 % des sorties par rupture conventionnelle dans les établissements de 50 à 249 salariés, et 17,4 % dans les établissements de 250 salariés et plus ».

Que Mme Parisot et le Medef, les conseils des TPE et PME y prennent bien garde : l’abus  de ruptures conventionnelles pourrait bien tuer la rupture conventionnelle.

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