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25 / 02 / 2019 | 30 vues
Michel Debout / Membre
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Loi sur la santé : les recettes du XIXe siècle

Les propositions « phares » contenues dans le projet de la loi sur la santé débattue au Parlement ont un air de déjà-vu.
 

Comment ne pas évoquer la création des officiers de santé par une ordonnance de 1803 lorsqu’il s’agit de mettre en place des « assistants médicaux »  et les hôpitaux ruraux (disparus à la fin des années 1970) lorsque seront créés les hôpitaux de proximité ?
 

Prétendre répondre à la pénurie médicale par la création d’un corps nouveau de professionnels de santé, mi-secrétaires, mi-infirmiers n’est qu’une façon régressive et potentiellement dangereuse d’aborder l’avenir de la démographie médicale et des déserts médicaux.
 

Si les médecins ont trop d’obligations administratives, il faut trouver avec eux et avec les différentes instances concernées les moyens (y compris numériques) pour réduire le temps consacré à cette tâche. La médecine au rabais ne peut être une solution acceptable pour pallier le manque de médecins. Le système de santé dont le monde actuel a besoin peut se préparer par une nouvelle organisation des structures sanitaires, de leur rapport avec la médecine libérale et l’ensemble des professions de soins. Rendre accessible la réponse de soins que nécessite leur état à tous les Français reste le véritable objectif.
 

Développé dans les années 1970, le concept de médecine d'urgence a été une mauvaise réponse à un vrai problème et il a eu pour effet d’emboliser toute la demande de soins en un seul lieu, constamment dépassé. Le fait même de parler aujourd’hui d’urgence absolue ou d’urgences différées est bien le signe du caractère inopérant de ce concept. Il faut revenir au concept d’accueil, moins marqué par l’obligation d’aller vite mais davantage marqué par la qualité humaine de la prise en charge des patients car lorsque ceux-ci arrivent dans un service surchargé, cela ne fait qu’ajouter à leur angoisse et à leur sentiment d’abandon. Il faut réapprendre la gestion du temps au public et multiplier les lieux d’accueil pour permettre de trouver la réponse adéquate.


Au siècle dernier, c’est parce que les hôpitaux ruraux ne répondaient plus aux avancées fulgurantes de la pratique médicale qu’on les a progressivement abandonnés. L’hôpital est le lieu de traitement de tous les problèmes de nature médicale, chirurgicale ou obstétricale ; l’hôpital de proximité sera au mieux un centre de santé. L’hôpital d’aujourd’hui se caractérise par la technicité de plus en plus élaborée des soins, lesquels ne peuvent plus se passer d’analyses biologiques spécialisées et d’imageries médicales performantes. La médecine, la chirurgie et l’obstétrique sont et seront de plus en plus pluridisciplinaires et la connexion numérique entre les acteurs permettra de faire bénéficier les patients des meilleurs soins, même à distance des différents spécialistes.
 

Il faut promouvoir cette nouvelle organisation ; elle suppose une véritable mise en mouvement de tous les professionnels et surtout d’éviter de faire croire qu’une loi règlera les carences actuelles à elle seule. Les professions de santé ont besoin d’une nouvelle reconnaissance et de se sentir mobilisées plutôt qu'administrées.
 

La question de la formation et de la sélection pour l’ensemble des métiers de soins est une bonne chose pour en finir avec le « numerus clausus » que les gouvernements successifs mettent trop de temps à remettre en cause depuis 40 ans. En 1971, lors de sa mise en place, il s’agissait de réduire les dépenses de santé en réduisant le nombre de médecins : les dépenses de santé ont continué d’augmenter et on a obtenu la pénurie médicale en plus !
 

En partant des besoins prévisibles de la deuxième moitié de notre siècle, il faut penser la sélection professionnelle et ses modalités : le concours de fin de première année a provoqué un bachotage parfois épuisant et, surtout, la compétition entre les étudiants alors qu’l faut, au contraire, les préparer à un métier qu’ils ne pourront valablement pratiquer qu’en liaison avec les autres médecins et l’ensemble des professionnels de santé.
 

À l’instar des écoles de santé militaire, la création d'une école de santé civile permettra de former les médecins généralistes et spécialistes engagés, pendant quinze ans après leurs études, à exercer dans tous les territoires en déshérence médicale nécessitant leur présence.
 

La médecine française ne redeviendra la meilleure du monde (une étude britannique vient de la placer au 18e rang !) que si elle se fixe comme objectif premier de réduire les inégalités de santé dans notre pays. Que les couches les plus aisées de la population aient 13 ans d’espérance de vie supplémentaires par rapport aux catégories les plus démunies est une situation inacceptable dans le pays qui prône l’égalité entre les êtres humains ! Ces inégalités insupportables sont liées à des conditions de vie, d’alimentation de logement, de travail, de déplacement, d’accès aux soins et d’éducation à la santé qui demandent des réponses préventives à la hauteur de leurs méfaits. On ne peut se mobiliser pour la santé de la planète (le réchauffement climatique) si l'on ne se mobilise pas avec la même vigueur pour la santé des êtres humains qui la peuplent.

 

Le Premier Ministre a été qualifié de courageux parce qu’il a pris une mesure impopulaire en réduisant la vitesse sur les routes pour éviter des morts et des blessés. Mais pourquoi n’a-t-il pas le courage d’affronter les représentants patronaux pour reconnaître les effets morbides et mortels des risques psycho-sociaux au travail (harcèlement, épuisement professionnel, stress chronique etc.) en maladies professionnelles ? Pourquoi la Ministre de la Santé et la Ministre du Travail sont-elles indifférentes aux 15 000 chômeurs qui meurent chaque année, dont 400 par suicide, pour la seule raison qu’ils n’ont pas de travail ?

 

Il n’y a pas de santé qui vaille si les pouvoirs publics se satisfont de la dégradation sans précèdent des soins psychologiques et de la pratique psychiatrique. Quelles réponses apportent-ils aux victimes de violences, de harcèlement et de maltraitances et à tous ceux qui, frappés de désespoir, mettent leur vie et leur santé en péril ?

 

Une politique de santé digne du XXIe siècle est celle qui considère que la prévention pour tous et tout au long de la vie est la réponse première pour assurer le bien-être physique, mental et social de chaque individu (c’est ainsi que l’OMS définit la santé), que ce soit dans son habitation, à son travail ou dans ses relations humaines et sociales.

 

Il faut œuvrer pour qu’un Grenelle de la santé et des préventions se mette en place, impliquant toutes les catégories de professionnels qui concourent aux soins (de la petite enfance jusqu’aux âges les plus avancés de la vie), les ministères concernés, l’assurance-maladie, les mutuelles, les assurances et les associations de patients. C’est dans cette mobilisation que pourra se construire une France où vivre bien ne sera plus considéré comme un luxe ou un privilège mais comme le droit imprescriptible de tout citoyen, quel que soit son sexe, son origine ou ses choix personnels.

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