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12 / 11 / 2015 | 6 vues
Denis Garnier / Membre
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Le salaire au mérite ou le paradis des rampants

Emmanuel Macron n’en manque pas une pour vilipender les fonctionnaires à travers leurs positions statutaires qu’il souhaiterait, en grand libéral qu’il est, voir disparaître ou flexibiliser.

En essorant les emplois, en baissant les salaires, les dirigeants de ce monde se sont accordés pour placer les salariés en état de servitude. Le chômage, la précarité et les salaires misérables sont des outils formidables pour cela. Mais ce n’est pas suffisant. Quelques personnes réfléchissent encore et protestent. L’évaluation du travailleur (et pas du travail) est alors inventée, assortie d’un contrat d’objectifs individualisé. Tout le monde doit rentrer dans le moule de la modernité et de la réforme.

Les grands patrons sont grassement payés pour remplir les objectifs fixés par les banques et les fonds de pension (que soutient Emmanuel Macron) afin d’atteindre les rendements imposés par les actionnaires et les bénéficiaires d’une retraite par capitalisation [1]. Pour cela, ils recrutent une ribambelle de cadres, d’ingénieurs et de contrôleurs. « Des pourfendeurs du gaspillage, des optimisateurs de la marge… ».  Ils motivent les troupes : « Chez nous, on veut des impliqués, pas des compliqués… Putain les mecs, vous n’avez rien entre les cuisses ! Le client, faut le violer ! Mettons les tripes sur la table ». Belles allégories du libéralisme. C’est la dictature de la « positive attitude » [2].

Des centaines de salariés se suicident, d’autres sont victimes d'épuisement professionnel et sont exclus du travail pour de longs mois. Les traumatismes du travail se multiplient. Que ce soit par les contraintes des organisations ou par les mauvais rapports sociaux, le travail devient insupportable mais ce n’est pas grave. Les banques et fonds de pension accumulent les profits pendant que les entreprises et les salariés sont réduits à l’état de matière jetable et interchangeable. Une fois impliqués, pressurisés, essorés, il n’y a plus qu’à magnifier l’autorité du chef par le salaire au mérite !

Abrutis par le discours lénifiant du chef, les rampants se mettent à l’œuvre sans même se rendre compte qu’ils sont tout aussi méprisés par celui qui les utilise. Ces parasites du monde du travail ont la particularité de ne se soucier que d’eux-mêmes et donc, des privilèges qu’ils pourront tirer sur le dos des autres. Inutile de s’inquiéter pour eux. Ils auront le meilleur salaire au mérite en participant à l’évaluation de ceux qui produisent. Ils n’ont pas besoin de connaître le travail. Il s’agit simplement pour eux de surveiller le degré de servitude du salarié. Respect des ordres donnés, des référentiels, des procédures, etc. Pire que des robots, ils jouissent du malheur des autres, ce qu’aucun animal n’est capable de ressentir. Ils sont bercés par l’ignorance qu’ils servent comme vérité absolue pour se protéger des connaissances qui viendraient perturber leurs certitudes

Les résultats sont édifiants

Pour avoir atteint ces objectifs, ils ont dû toucher un bon salaire au mérite.
« Des ingénieurs de Volkswagen avouent avoir triché pour atteindre les objectifs fixés concernant le niveau d'émission de CO2. Plusieurs salariés ont reconnu avoir manipulé des données sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2) de voitures du groupe en expliquant que les objectifs fixés par l'ancien président du directoire, Martin Winterkorn, étaient trop difficiles à atteindre » [3].


Chez Volkswagen, on fabrique des pièces mécaniques. Dans la fonction publique, ce sont des services rendus à la population, aux malades, aux élèves et aux retraités.

Mais valent-ils plus que des pièces mécaniques ? Les partisans du salaire au mérite n’en sont pas convaincus...

[1] La retraite par capitalisation est une solution individuelle qui dépend de l’épargne investi par le bénéficiaire. La retraite par répartition, système français, repose sur des cotisations payées par le salarié et par l’employeur. Elle assure une solidarité intergénérationnelle des actifs vers les retraités. Elle ne dépend pas des cours de la bourse ou des profits à générer sur le dos des entreprises et des travailleurs. Prendre une retraite par capitalisation, c’est accepter d’imposer des objectifs de rendements financiers toujours plus importants aux entreprises et à leurs sous-traitants ainsi que des sacrifices aux salariés qui les emploient.

[2] L'open space m’a tuer, Alexandre des Isnards et Thomas Zuber, deux cadres supérieurs qui ont décidé d’ôter le masque, éditions Le livre de poche, Hachette littératures, 2008

[3] « Volkswagen : des ingénieurs avouent avoir triché pour atteindre les objectifs fixés », La Tribune, 9 novembre 2015.

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