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23 / 03 / 2018
Didier Cozin / Membre
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Le concept inepte des compteurs individualistes de formations

La France sociale est une nation surprenante, qui prétend faire jouer la solidarité pour chacun de ses habitants que ce soit pour la maladie, la vieillesse ou la perte d'emploi (encore que pour les indépendants...) mais, en matière de formation des adultes, elle se complaît désormais dans ce concept inefficace d'épargne et de compteurs de formation.

La formation des adultes n'est ni la reproduction de l'école, ni une épargne (de précaution) ni évidemment une comptabilisation (de droits, d'heures ou d'euros) mais elle doit être une dynamique éducative.

Il n'est jamais trop tard pour apprendre. On apprend tout au long de la vie et dans un monde qui change (très vite), chacun doit développer ses capacités d'apprendre, de désapprendre et de rapprendre.

Le concept des compteurs de formation (CPF) a largement prouvé sa futilité depuis 2015 (pour les chômeurs et pour les salariés en poste).

Le compte personnel de formation (CPF) a échoué aussi bien à sécuriser les emplois et les salariés qu'à développer les compétences des travailleurs en poste.

Il fait fi de la notion d'apprentissage social en exigeant que le travailleur accumule assez d'heures (et bientôt d'euros) pour avoir le droit de se former.

Ce système de « points de fidélité » ou de « miles » est peut-être pertinent pour un commerçant ou une compagnie aérienne mais fallacieux pour ce qui concerne les apprentissages professionnels.

L'épargne de formation des adultes ne marche pas.

Le CPF ne marche pas parce qu'il confond la formation avec une entreprise de cumul de droits et de titres ou de rebouchage de trous (de compétences).

La formation n'est en rien une accumulation de droits (ou de titres ou labels officiels) mais une dynamique et une remise en question éducative tout au long de la vie.

L'an prochain, si tout va bien, je me forme.Le CPF ne marche pas parce qu'il fait miroiter aux travailleurs des budgets fantasmatiques et largement inaccessibles (32 milliards d'euros, 500 euros par personne). Ces sommes n'existent pas et sont des jeux d'écritures ou des agrégats comptables sans réalité sur le terrain des financements.

Le CPF ne marche pas parce qu'il est antinomique de la formation : la formation signifie mobilité, changement et prise de risque (cognitif) alors que le CPF est l'immobilité (7 ans avec le CPF en heures, désormais 10 années avec le futur CPF en euros) et la procrastination (« l'an prochain si tout va bien je me forme »).

Le CPF est une vaine promesse de diplôme, de reconnaissance et de labellisation alors que nous sommes confrontés à un monde changeant, exigeant, largement inconnu, à construire et à inventer chaque jour.

Au lieu de prendre acte de l'échec du concept de CPF, les pouvoirs publics tentent une nouvelle fois de le relancer (en passant des heures aux euros).

Ceux-ci auront peut-être l'idée de « doter » chaque CPF de 500 euros annuellement (il en faudrait 1 000 pour une généralisation). C'est sans doute plus porteur et positif que des compteurs d'heures virtuelles mais le CPF en euros signifie de nombreuses impasses qui empêcheront de rendre un vrai service éducatif aux adultes.

Qui paiera les 500 euros annuels pour chaque salarié ? Les actifs sont 30 millions aujourd'hui alors pourquoi ne doter que les seuls salariés, en excluant les fonctionnaires, indépendants et autres catégories sociales ?

  • Soit c'est l'État qui paie (la différence entre la collecte de 1,5 milliard et les 9 milliards promis) ; le problème, c'est que la Ministre du Travail ne l'a pas clairement dit et que même si l'État prenait effectivement à sa charge ces 7 à 8 milliards d'euros annuels, rien ne garantirait la pérennité de ces sommes, promesse financière qui s'évanouiraient sans doute à la prochaine crise économique ou financière ;
  • soit ce sont les entreprises qui paient ; on peut en douter puisque, depuis 2014, l'État a décidé de baisser les charges sociales et a trouvé cette commode variable d'ajustement financière qu'est la formation professionnelle (qui a effectivement baissé ses budgets de 1,6 % à 1 % depuis 2015).

Autres impasses du CPF : l'individualisation des formations

Une impasse organisationnelle : aucun organisme de formation ne peut planifier sur tout le territoire des stages de formation et attendre patiemment que 7 à 10 clients (salariés) s'inscrivent individuellement à ces stages. Un organisme de formation n'est pas un tour operateur.

Une impasse financière : les organismes de formation sont pour la plupart dans un état de délabrement financier très avancé, la crise de 2008 et la réforme de 2014 les ayant laissés sans ressources ni capacité d'innover ou de se projeter dans l'avenir. Ils n'auront ni le temps ni les moyens d'attendre un hypothétique démarrage du CPF et se concentreront sur le seul marché rentable : la formation en interne dans de grandes entreprises (au-delà de 500 salariés principalement).

Une impasse éducative : la formation des adultes n'est pas la reproduction de l'école avec ses programmes définis pour 10 ans et ses professeurs inamovibles. Amovible, elle est tout autant une transmission de connaissances qu'un échange entre pairs et des interactions dans un groupe (d'où le peu d'intérêt de la FOAD exclusive).

2022 : une cinquième réforme de la formation ?

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