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25 / 05 / 2010 | 5 vues
Caroline Masson / Membre
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La Cour de Cassation comble les lacunes de la réglementation de la CRP (convention de reclassement personnalisé)

Dans deux arrêts du 14 avril 2010, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a précisé que l’employeur doit notifier au salarié ayant adhéré à la CRP (convention de reclassement personnalisé) le motif économique à l’origine de la rupture du contrat de travail, au plus tard au moment de son acceptation.

Ce faisant, la Haute juridiction met fin à certaines pratiques qui consistaient à informer le salarié du motif économique à l’origine de la rupture de son contrat de travail, après son adhésion à la CRP (c'est-à-dire le plus souvent en même temps que les salariés ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique). 

Si la position prise par la Chambre sociale de la Cour de Cassation le 14 avril dernier donne des sueurs froides à bon nombre d’employeurs ayant notifié aux salariés le motif économique après leur adhésion à la CRP, elle était pourtant prévisible.

Signaux de fumée 

Des signaux de fumée lancés par la Cour de Cassation à l’attention des employeurs étaient en effet visibles du 5, quai de l’Horloge à Paris depuis plus de 2 ans.

  • En 2008, la Haute juridiction a commencé par énoncer que l’adhésion d’un salarié à la CRP ne privait pas ce dernier de contester le caractère réel et sérieux du motif économique à l’origine de la rupture de son contrat de travail.
  • Puis, la Haute juridiction a précisé que la rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’une CRP devait reposer sur une cause économique dont le caractère réel et sérieux ne pouvait s’apprécier qu’au regard des motifs énoncés par l’employeur par écrit. 

Cependant, le message de la Cour de Cassation demeurait obscur s’agissant du support et du moment de cette notification. En l’absence de précision de la part de la Cour de Cassation, certaines entreprises ont considéré que la notification au salarié ayant adhéré à la CRP du motif économique pouvait intervenir lors de la rupture du contrat de travail (c'est-à-dire à l’issue du délai de réflexion de 21 jours). Cette pratique n’est plus. 

Interaction des délais

Dans ses arrêts du 14 avril dernier, la Cour de Cassation y a en effet mis fin en affirmant que l’employeur doit notifier au salarié le motif économique :

  • soit dans « le document écrit d’information sur la convention de reclassement personnalisé » ;
  • soit dans « la lettre [que l’employeur] est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse [pour accepter la CRP] expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement ».


La Cour de Cassation a ainsi tenu compte de l’interaction des délais en matière de procédure de licenciement pour motif économique. Ainsi, l’employeur ne peut notifier au salarié son licenciement qu’à l’issue d’un certain délai, dont le point de départ et la durée varient en fonction de l’ampleur du licenciement.

De son côté, le salarié dispose d’un délai de réflexion de 21 jours pour accepter la CRP qui court à compter de la remise de la documentation relative à ce mécanisme. Aussi, il n’est pas rare en pratique que l’employeur notifie à un salarié, dont le délai pour accepter la CRP n’a pas encore expiré, son licenciement pour motif économique. Naturellement, il s’agira là d’un licenciement « conservatoire » qui deviendra effectif en cas de refus du salarié d’accepter la CRP constaté à l’issue du délai de réflexion. 

En cas d’acceptation de la CRP par le salarié, l’employeur aura respecté son obligation de lui notifier le motif économique à l’origine de la rupture du contrat de travail puisque celui-ci figurait dans la lettre de licenciement conservatoire.

Contentieux

Mais quid du cas où le salarié a adhéré à la CRP : sans que l’employeur lui ait notifié le motif économique à l’origine de la procédure de licenciement pour motif économique, à l’occasion de la remise de la documentation relative à la CRP, et avant que ce dernier ne lui ait adressé sa lettre de licenciement conservatoire ?

Dans cette hypothèse, le salarié ayant adhéré à la CRP n’aura pas été préalablement informé par écrit du motif économique à l’origine de la rupture de son contrat de travail. La Chambre sociale de la Cour de Cassation a répondu à cette problématique, en précisant dans les arrêts du 14 avril 2010 que la notification au salarié du motif économique à l’origine de la rupture du contrat de travail devait, en tout état de cause, intervenir au plus tard au moment de son adhésion à la CRP.

Cela signifie-t-il que si la notification intervenait après l’adhésion du salarié à la CRP, ce dernier pourrait, en cas de contentieux, demander au juge prud’homal la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts ?

À notre sens, la réponse doit être positive dans la mesure où la motivation de la rupture du contrat de travail ne saurait intervenir a posteriori. Dans la deuxième espèce du 14 avril 2010, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a cependant admis que l’employeur puisse procéder à la notification au salarié du motif économique concomitamment à son acceptation de la CRP.

En l’espèce, après que le salarié ait adhéré à la CRP, son employeur lui avait remis, le même jour, un document écrit intitulé « protocole portant accord de rupture par acceptation d’une convention de reclassement personnalisé ».

  • Outre les dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse, l’employeur devra également verser au salarié l’indemnité compensatrice de préavis non effectué, comme l’a récemment indiqué la Cour de Cassation.

S’agissant du support de cette notification, la Cour de Cassation n’exige pas un document écrit particulier. Ainsi, elle admet que le motif économique puisse être valablement notifié au salarié :

  • dans une lettre de convocation à l’entretien préalable ;
  • dans un document écrit constatant l’adhésion du salarié à la CRP.


En pratique, il convient, selon nous, de notifier le motif économique à l’origine de la rupture du contrat de travail :

  • soit dans un document annexé à la lettre de convocation à l’entretien préalable, adressée par lettre recommandée avec avis de réception, ou remise en mains propres contre décharge ;
  • soit par le biais d’une lettre remise au salarié en mains propres contre décharge à l’occasion de la remise de la documentation relative à la CRP.

En revanche, malgré la faculté offerte à l’employeur par la Cour de Cassation de notifier au salarié le motif économique au plus tard au moment de son acceptation de la CRP, nous estimons qu’il est imprudent de repousser la date de notification au-delà de la remise de la documentation relative à la CRP.

La nature de la rupture du contrat de travail

Selon nous, il n’est pas du tout exclu que la Cour de Cassation se concentre à l’avenir sur un aspect de la réglementation relative à la CRP, qu’elle semble avoir négligé jusque là : la nature de la rupture du contrat de travail résultant de l’adhésion du salarié à la CRP.

En effet, dans la mesure où l’adhésion du salarié à la CRP a pour effet de rompre le contrat de travail d’un commun accord, cela devrait conduire la Cour de Cassation à subordonner la validité du consentement du salarié à une notification à ce dernier du motif économique suffisamment à l’avance. 

  • En cas de notification jugée tardive par les tribunaux, ce dernier pourrait se prévaloir de l’absence de consentement éclairé de sa part, et, en conséquence, solliciter la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse. 

Afin d’éviter un afflux de contentieux portant sur la notification tardive, il est donc opportun de procéder à la notification au salarié du motif économique à l’origine du déclenchement de la procédure de licenciement pour motif économique, au plus tard lors de la remise au salarié de la documentation relative à la CRP.

Le 14 avril 2010, la Cour de Cassation a manifesté la volonté de renforcer les droits du salarié ayant adhéré au mécanisme de la CRP en imposant à l’employeur de lui notifier le motif économique à l’origine de la rupture du contrat de travail, au plus tard concomitamment à son acceptation. Du même coup, elle a également renforcé les droits des salariés ayant refusé d’adhérer à la CRP puisque ces derniers seront doublement informés (voire triplement s’ils ont bénéficié d’un entretien préalable) du motif économique à l’origine de la rupture de leurs contrats de travail !

En effet, l’employeur n’est pas dispensé de leur notifier à nouveau le motif économique dans la lettre de licenciement, sous peine de courir le risque d’être condamné à leur verser des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse !

  • Et gare à l’employeur qui aurait la mauvaise idée de ne pas reprendre le même motif économique dans sa lettre de licenciement !

La Cour de Cassation ne va pourtant pas s’arrêter là puisqu’elle entend combler les lacunes de la réglementation de la CRP et ce, bien souvent au détriment de la sécurité juridique de l’employeur.

Caroline Masson et Fernando Lima Teixeira > ReedSmith

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