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12 / 06 / 2014 | 11 vues
Didier Porte / Membre
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L’expert-comptable du CE peut-il saisir le juge des référés pour avoir accès aux documents nécessaires à sa mission ?

Quand il s’agit de laisser examiner les comptes de l’entreprise par un expert-comptable mandaté par le comité d’entreprise, il arrive que des employeurs mettent une certaine mauvaise volonté à communiquer des documents. Désormais, après cet arrêt de la Cour de cassation en date du 26 mars, le cabinet d’expertise-comptable, s’il ne peut obtenir toutes les pièces nécessaires à l’exercice de sa mission, pourra saisir directement un tribunal alors qu’auparavant, seul le CE concerné pouvait le faire.

C’est par un arrêt en date du 26 mars 2014 (Cass. soc., 23 mars 2014, n° 12-26964 PB) que la chambre sociale de la Cour de cassation [1] a quelque peu renforcé l’efficience de l’intervention de l’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise [2] en vertu de l’article L. 2325-35 du Code du travail.

L’article L. 2325-35 du Code du travail permet au comité d’entreprise de se faire assister par un expert-comptable [3] de son choix dans le cadre de l’examen annuel des comptes, de l’examen des orientations stratégiques de l’entreprise, de l’examen des documents comptables et financiers des sociétés commerciales, ainsi que dans le cadre d’opérations de concentration.

Le comité d’entreprise peut également être assisté dans le cadre de l’exercice du droit d’alerte économique [4], dans le cadre de la procédure de consultation pour licenciement économique d’au moins dix salariés sur une même période de trente jours et pour préparer avec les organisations syndicales certaines négociations.

En l’espèce, une société d’expertise comptable avait été désignée par un comité d’entreprise pour l’assister dans l’examen annuel des comptes de l’entreprise. La société d’expertise comptable a adressé à l’employeur une lettre de mission, une demande d’acompte ainsi qu’une liste de documents nécessaires à l’exercice de sa mission. L’employeur n’a répondu que partiellement à cette demande de documents. C’est pourquoi la société d’expertise comptable a saisi, en référé [procédure d’urgence contradictoire qui permet d’obtenir une mesure provisoire qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou afin de faire cesser un trouble illicite ou un dommage imminent], le président du tribunal de grande instance aux fins d’enjoindre l’employeur, sous astreinte, de lui faire parvenir par voie postale ou par internet les documents utiles à l’exercice de sa mission.

La demande de la société d’expertise comptable a été déclarée irrecevable ; la cour d’appel considérant que celle-ci n’avait pas qualité à agir en justice pour faire cesser un trouble manifestement subi par le comité d’entreprise. La Cour de cassation n’a pas été de cet avis.

Pour les Hauts magistrats, l’expert-comptable peut bel et bien saisir lui-même le juge des référés s’il n’obtient pas la communication des documents dont il a besoin pour l’exercice de sa mission : « […] qu’en statuant ainsi, alors que l’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise, en application de l’article L. 2325-35 du Code du travail, dispose d’un droit de communication des documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission, a qualité pour saisir le juge des référés d’une demande de communication de ces pièces, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

La Cour de cassation évoque l’existence d’un véritable « droit de communication » de l’expert-comptable dans le cadre des missions qui lui sont dévolues. Les Hauts magistrats ne semblent pas limiter la saisine du juge des référés à la seule hypothèse de l’examen annuel des comptes. Cette solution tend à s’appliquer, plus généralement, à tous les cas de recours à l’expert-comptable prévus par l’article L. 2325-35 du Code du travail.

L’importance de cet arrêt est fondamentale car il renforce l’efficacité de l’intervention de l’expert-comptable. En effet, on sait combien, en pratique, il lui est parfois très difficile d’obtenir des employeurs les documents indispensables à la remise de son rapport. Dorénavant, dans de tels cas, il dispose d’une procédure d’urgence : le référé !


[1Consacrée aux affaires sociales, c’est l’une des six chambres dont est composée la Cour de cassation, soit cinq civiles et une criminelle.

[2Institution représentative du personnel. Composé du chef d’entreprise, de représentants élus du personnel et, le cas échéant, de représentants syndicaux. Obligatoire dès 50 salariés. A pour objet d’assurer une expression collective des salariés dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

[3Spécialiste en analyse et gestion de la comptabilité. Doit obligatoirement, pour exercer sa profession, être inscrit à l’Ordre des experts-comptables, après avoir prêté serment.

[4Quand il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, droit du comité d’entreprise de saisir les organes chargés de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise.

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