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02 / 06 / 2017 | 3 vues
Didier Cozin / Membre
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L'ardente obligation de formation, une fiction sociale à la française

Depuis 1971, la formation figure dans le Code du travail : « la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale ».

La section sur la formation professionnelle en occupe plus de 200 pages, ne servant à rien ou presque ; 200 pages de complexité, de dispositifs abscons (comme cet invraisemblable CPF) et de bla-bla divers n'ayant jamais permis aux travailleurs précaires de se former, aux salariés non qualifiés de monter en compétences ou au autres travailleurs de ne bénéficier que d'un vague saupoudrage éducatif (16 heures de formation par an en France quand il faudrait y consacrer 10 fois plus de temps).

L'échec immanent du droit du travail à accompagner la formation

Depuis 1971, le droit du travail n'a ni promu, ni même accompagné, la formation et les apprentissages professionnels en France.

La dernière mouture de notre législation (2014) ne craint pas le ridicule avec un délirant système de comptage d'heures (le CPF) et la pseudo-menace d'une amende de 3 000 euros pour les employeurs ne formant pas les salariés. Trois années après le vote de cette réforme, moins de 1 % des salariés ont pu bénéficier de ces formations certifiantes « exigées » par le législateur.

Légiférer sans fin est le moyen le plus efficace de ne rien changer

Le paradoxe est que la formation et les apprentissages professionnels fonctionnaient mieux en France dans les années 1960, sans texte ni organisation, quand l'ascenseur social montait et que mobilité et sécurisation professionnelles n'étaient pas des artifices de communication.

Si la formation ne se développe pas en France, c'est pour trois raisons essentiellement liées à nos institutions à et nos « modèles » sociaux :

  • la mauvaise image d'une école publique devenue piètre répétitrice d'un catéchisme éducatif dépassé au sein de l'économie des savoirs et de la connaissance ;
  • la faible capacité de notre société a comprendre et intégrer les enjeux de la formation tout au long de la vie et de la prévention ;
  • le blocage du monde du travail dans un carcan de règlementations et de textes qui empêchent toute mobilité (verticale et horizontale) tout en fixant éternellement les gens dans des rôles assignés dès l'entrée dans la vie active.

Aucun adulte n'apprend sous la contrainte ou parce que c'est écrit dans un code. Un adulte n'apprend que :

  • s'il a confiance (dans son employeur, son travail ou le modèle social de son pays) ;
  • s'il est valorisé, responsabilisé au travail ou s'il bénéficie de marges de manœuvre, d'autonomie et de capacités d'apprendre (le « presse-bouton » a vécu) ;
  • si sa hiérarchie veut et peut l'accompagner, donner du sens à ce qu'il apprend et une valeur à son engagement ;
  • s'il doit résoudre des problèmes (avec des outils adaptés) plutôt que répondre à des injonctions (souvent paradoxales) ou à une réglementation calée sur la fabrique ou la mine du XIXème siècle ;
  • s'il existe des instances de remédiation, d'échanges de pratiques et d'amélioration permanente du travail.

Un adulte ne peut apprendre que si on lui offre la capacité de confronter ses connaissances à la réalité de son activité (cela s'appelle l'alternance ou l'apprentissage).

La formation ne peut être réduite à de la statistique, c'est une culture.

La formation n'est plus un simple enjeu statistique ou technocratique mesuré en pourcentage du PIB, en heures sur des compteurs ou en recours à des usines à gaz.

Née après la seconde guerre mondiale, la technocratie ne fait pas bon ménage avec la société post-industrielle et ses apprentissages.

  • L'effort éducatif mesuré par les statistiques est fallacieux : on peut passer 25 années à l'école (de 3 ans à l'âge adulte) sans apprendre quoi que ce soit d'utile ou de pertinent pour travailler ; on peut compter et décompter les dépenses de formation d'une organisation ou des heures virtuelles sur divers comptes (CPF, CPA, CEC et compte pénibilité) à l'infini, tout en devenant un illettré pour l'avenir.


« L'illettré du futur n'est pas celui qui ne sait pas lire mais celui qui ne sait pas apprendre, désapprendre, réapprendre » - Alvin Töffler, futurologue américain, auteur de la troisième vague.

Le Code du travail doit être simplifié à l'extrême si l'on ne veut pas qu'il devienne le linceul de ce même travail. Rien ne sert plus de créer de la complexité, des usines à gaz, des textes abscons ou des règlementations centralisées ou rigides. Le travail, l'éducation et la formation ont besoin de simplicité, de fluidité, de bienveillance (le Code du travail n'est pas bienveillant, il organise la méfiance entre l'employeur et son salarié).

« Il nous faut une société qui ne mesure pas seulement les progrès à l’aide d’indicateurs économiques tels que le produit intérieur brut, mais également d’après le nombre d’entre nous qui trouvent du sens à ce qu’ils font » - Mark-Zuckerberg, fondateur de Facebook, Havard le 25 mai 2017.

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