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31 / 10 / 2017 | 7 vues
Yann Doyen / Membre
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L'Agence France Locale : un financement bancaire responsable, solidaire et performant pour les collectivités locales

La création en 2014 de l’Agence France Locale est l’aboutissement d’un long processus. Il a permis de mettre en place un instrument innovant de financement des investissements qui répond aux besoins des collectivités territoriales.
 
En quelques années, le paysage du financement des collectivités locales a profondément changé. Avant même l’apparition de la crise financière de 2008, les collectivités se sont mobilisées afin de diversifier les sources de financement (tant en termes d’acteurs que de maturité), de sécuriser l’accès à la liquidité et d’optimiser les coûts de financement.
 
Dès 2004, conscientes de la nécessité d’outiller leur mission d’intérêt général avec des instruments permettant un accès au marché de capitaux, les collectivités françaises ont donc groupé leurs forces pour se doter d’un véhicule leur permettant de mutualiser leurs recours à l’emprunt.
 
La principale innovation dans la recomposition du paysage bancaire née de la dernière crise
financière est l’émergence de l’Agence France Locale, banque créée par et pour les collectivités territoriales et leurs groupements à fiscalité propre.

L’aboutissement d’une démarche de long terme

La création de l’Agence France Locale, en octobre 2013, a marqué l’aboutissement d’un long processus. Dès 2004, conscientes de la fragilité de leur modèle de financement, certaines collectivités avaient souhaité réfléchir à de nouvelles sources de financement, dans une démarche de responsabilisation et d’autonomie renforcées.

La dette publique locale ne représente qu’environ 10 % de la dette publique totale. 

Le premier postulat était un constat : S’élevant à environ 50 milliards d'euros par an, les dépenses d’investissement des collectivités locales représentent plus de la moitié des dépenses d’équipement engagées par les administrations publiques. Pour autant, la dette publique locale ne représente qu’environ 10 % de la dette publique totale. Les collectivités investissent au service de leur territoire mais aussi de la croissance nationale. Elles permettent par leur action de maintenir (voire de créer) de l’emploi non délocalisable et donc solidaire.
 
Le deuxième postulat était une conviction : les collectivités locales, du fait de la règle d’or qui leur est imposée, de la qualité de leur gestion et de leur mission d’intérêt général, devaient pouvoir prétendre à des conditions de financement plus intéressantes que celles que leur proposaient les acteurs bancaires.
 
Le troisième postulat était une inquiétude : les conditions d’accès aux marchés, dans une période où la liquidité était pourtant abondante, étaient largement dépendantes d’un faible nombre d’acteurs bancaires, eux-mêmes dépendants des cycles financiers ou, pire, de leur propre modèle de fonctionnement.
 
En l’absence d’un véhicule spécifique, d’aucuns estimaient que les collectivités agissant seules ne seraient plus en mesure, en cas de durcissement des conditions de marché, d’assurer
leur mission d’investissement au service de la relance et de l’emploi. Rappelons que la raréfaction du crédit et la tension sur les taux de financement qui s’est produite étaient considérées à cette époque comme des cas d’école et des menaces lointaines qui jamais ne se réaliseraient.

Identifier un besoin commun

À partir de ces trois piliers, l’idée de mutualiser l’accès des collectivités aux marchés financiers a germé puis s’est renforcée au sein du réseau des directeurs financiers des communautés urbaines de France, très attentifs aux expériences similaires (les local government funding agencies) mises en place (parfois depuis plus d’un siècle) dans les pays d’Europe du Nord (notamment en Suède avec Kommuninvest).
 
C’est ainsi que, de 2004 à 2007, les premières émissions obligataires groupées des communautés urbaines ont eu lieu. Elles ont fait la preuve non seulement de la pertinence du dispositif mais également de la forte attente des investisseurs pour le risque quasi souverain des collectivités locales françaises.
 
Cette démonstration faite, plusieurs collectivités ont alors souhaité rejoindre le dispositif : en 2008, une nouvelle émission obligataire a alors été ouverte aux autres niveaux de collectivités. En 2012, dans un contexte de raréfaction du crédit et de tensions fortes sur les marchés, une dernière émission, intitulée « en attendant l’agence », a permis à 44 collectivités de lever 610 millions d’euros sur les marchés.
 
Les émissions obligataires groupées ont prouvé la validité de ces postulats : les craintes des collectivités n’étaient pas théoriques mais leur qualité de signature et une mobilisation collective pouvaient permettre d’y répondre. Mais elles ont également témoigné de leurs limites : d’une grande lourdeur administrative, elles ne pouvaient concerner qu’un nombre restreint de collectivités et, par conséquent, des volumes modestes (de l’ordre de 100 millions d’euros) pour des investisseurs habitués à des émissions beaucoup plus importantes.
 
Enfin, elles présentaient l’inconvénient de n’offrir aucun mécanisme de garantie aux souscripteurs. Pérenniser ce dispositif supposait donc de transposer le modèle des agences nordiques en droit français, et de convaincre (techniquement et politiquement) l’État, les administrations et les acteurs de marché de la pertinence du dispositif.

Élaborer une solution

Les associations nationales d’élus locaux se sont alors dotées d’un outil leur permettant d’élaborer une réponse technique et surtout collaborative à ce défi.
 
C’est dans ce but qu’en avril 2010, l’Association d’étude pour l’agence de financement des collectivités locales (AEAFCL) a été créée. Sa mission était de constituer la structure juridique permettant de mandater les travaux préparatoires de création afin d’identifier les conditions de faisabilité d’un tel projet.
 
Tant dans la définition technique du véhicule que dans sa mise en œuvre juridique, l’espace d’échanges qu’a constitué l’AEAFCL a permis de rassembler autour de la table (autour de propositions techniques concrètes) l’ensemble des parties prenantes. Elle a permis d’instaurer une relation de confiance et de lever les obstacles juridiques.
 
La création de l’Agence France Locale s’est donc avant tout élaborée à partir d’un besoin, formalisé puis partagé et qui a pu se structurer grâce à la mise en place d’espaces de dialogue, d’échanges et de confrontations techniques.
 
À l’heure où les débats se multiplient autour des modalités de rénovation de l’action publique et de mise en œuvre de l’innovation, cette méthode (fondée sur la co-appropriation, la co-définition et la co-construction d’un projet commun à partir d’un besoin identifié) sera sans doute reproductible à l’avenir sur un certain nombre de projets d’envergure. Le succès de l’Agence France Locale réside avant tout dans la capacité qui a été la sienne de créer des espaces de construction d’un projet partagé, avant sa mise en œuvre opérationnelle par l’engagement de tous les acteurs.

Une structuration qui reflète certaines valeurs

La création de l’Agence France Locale est avant tout un acte majeur de décentralisation. Sans garantie de l’État, elle est la propriété exclusive des collectivités locales et groupements à fiscalité propre qui en sont membres. Elle n’a d’autre but que de leur permettre un accès au crédit diversifié, sécurisé et performant, sans logique de profit.
 
Pour cette raison, sa structuration juridique doit lui permettre d’être la plus performante sur les marchés, tout en fournissant les éléments de sécurisation nécessaire à une gestion saine et transparente
 
A. Un impératif de responsabilité
Le versement du ticket en capital n’équivaut par conséquent pas à un droit de tirage.

L’Agence France Locale est la propriété exclusive de ses membres. Le montant du capital social à rassembler a été calculé de façon à respecter, tout au long de la vie de l’agence, les ratios prudentiels dits « Bâle III » ainsi que l’équilibre financier de la structure. Le montant de l’apport en capital initial (ACI) de chaque adhérent est calculé à partir de son stock de dette. Il rend la collectivité propriétaire de parts de l’Agence France Locale et constitue un investissement.
 
Par ailleurs, le respect de certaines conditions de bonne santé financière est le prérequis indispensable à toute adhésion à l’agence. Elles sont indépendantes de la taille de la collectivité, permettant à toutes, y compris les plus petites communes, de profiter de ce nouvel outil d’autonomie.
 
En revanche, une collectivité qui ne respecte pas ces critères de bonne gestion ne peut adhérer à l’agence. Si elle est adhérente mais que ses ratios financiers se dégradent au-delà d’un certain seuil, elle verra son accès au crédit suspendu, le temps de revenir à un meilleur équilibre financier.
 
Le versement du ticket en capital n’équivaut par conséquent pas à un droit de tirage.
 
B. Un impératif de solidarité
 
Ce point a constitué la principale difficulté de transposition du modèle scandinave en droit français, puisque tout mécanisme de solidarité illimitée entre les membres est interdit par le principe de libre administration des collectivités. Des aménagements devaient donc être trouvés.
 
Afin de bénéficier de bonnes conditions de financement sur les marchés, l’agence a été constituée autour d’un mécanisme de double garantie solidaire et limitée. 

Premier niveau : l’agence est suffisamment capitalisée pour pouvoir répondre à toutes les règles issues de Bâle III, comme la capacité d’être toujours en mesure d’honorer ses engagements pendant une durée d’un an, y compris en cas de fermeture totale du marché. Des coussins de liquidité renforcent cette exigence réglementaire.
 
Second niveau : en cas de défaut de paiement structurel du secteur local français et dans l’hypothèse où un grand nombre de collectivités ne pourraient honorer leurs dettes, un mécanisme de garantie solidaire limitée est mis en place.
 
Chaque collectivité apportera sa garantie au système dans la limite de son propre encours vis-à-vis de l’agence.
 
La rigueur des conditions d’adhésion à l’AFL, le suivi régulier de la situation financière de ses membres et ses règles de gestion strictes prémunissent ses membres contre le risque de mise en jeu de cette garantie.
 
C. Un impératif d’indépendance
 
Le choix a été fait de scinder l’agence en « deux étages », ce qui reflète la volonté des collectivités membres de distinguer la définition de la stratégie générale et des principes de l’agence, qui relève de la gouvernance politique, de la mise en œuvre technique de ces règles, qui relève de l’expertise financière.
 
L’Agence France Locale « société territoriale »
 
C’est la structure de pilotage stratégique de l’agence. Chaque collectivité membre de l’agence détient des parts de l’AFL société territoriale et siège à son assemblée générale. Son conseil d’administration est composé exclusivement de collectivités membres qui décident des orientations stratégiques de l’agence. Il s’appuie sur un conseil d’orientation qui rassemble les premières collectivités adhérentes, ayant pour la plupart participé à l’élaboration du projet au sein de l’AEAFCL.
 
L’Agence France Locale
 
C’est la structure de mise en œuvre opérationnelle de l’agence. Détenue par la société territoriale, elle intervient sur les marchés pour lever de la ressource au meilleur prix. Composée de professionnels de la finance, elle assure le volet opérationnel de l’activité de l’agence. Un conseil de surveillance, composé de membres du conseil d’administration
de la société territoriale et, majoritairement, de personnalités qualifiées, est chargé de
contrôler l’activité de la société financière. Il est le garant du respect par le directoire des choix stratégiques édictés par la société territoriale.
 
D. Un impératif de performances
 
L’intérêt économique d’une agence de financement réside dans la diminution a minima des frais de structure et de fonctionnement. N’agissant pas dans une logique de profit, l’agence ne s’est pas dotée de services commerciaux régionalisés. Les demandes de crédit s’effectuent sur le portail internet de l’Agence France Locale, de la manière la plus automatisée possible. Ses effectifs sont par conséquent restreints, diminuant d’autant les frais de fonctionnement.
 
Conjuguée à l’extrême solidité des membres et des mécanismes de garantie qui les lient, elle peut donc se financer à des taux structurellement compétitifs voire inférieurs sur les marchés. Cette légèreté et cette rigueur de gestion permettent une optimisation des coûts d’accès à la ressource financière.
 
Il est plus que jamais nécessaire que les collectivités locales puissent sécuriser et optimiser leur recours à l’emprunt. L’Agence France Locale a pour vocation d'y contribuer en introduisant une concurrence nouvelle et une transparence renforcée dans le financement public local. 

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