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20 / 09 / 2018 | 18 vues
Hugues Perrin / Membre
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L’accueil des usagers dans les centres des finances publiques à l’heure du numérique

Le développement du numérique va entraîner une réduction des flux de contribuables dans les accueils des centres des finances publiques mais aussi de nouvelles demandes. Une réorganisation est nécessaire pour optimiser les moyens, répondre aux questions nouvelles et conserver la proximité indispensable.
 
L'accueil des usagers dans les centres des finances publiques participe du service public fiscal, des produits et dépenses des collectivités locales et du secteur hospitalier. Beaucoup d’usagers s’y rendent notamment au printemps à l’occasion des campagnes de déclaration des revenus et à l’automne au moment où il faut s’acquitter du paiement des différents impôts. La fréquentation du guichet fiscal demeure importante comme en témoignent assez régulièrement les différents médias. Pourtant, cela fait plusieurs années que la DGFiP assure un service complet sur internet, via son site impots.gouv.fr. Il est donc en partie surprenant de constater que le développement de l’offre de services dématérialisés (informations, déclaration, paiement…) n’ait pas fait rapidement décroître la fréquentation des usagers aux guichets.
 
À l’inverse, d’autres administrations ont délibérément choisi de fermer leurs accueils physiques pour se concentrer exclusivement sur le net ou le téléphone. C’est notamment le cas des préfectures concernant, par exemple, l’obtention des cartes grises ou de la CAF, par exemple.
 
Sur la base de l’expérience du Calvados, il est possible de tracer des orientations sur les modalités d’accueil du public, au regard notamment des réformes fiscales à venir et du développement du numérique. 

Les facteurs qui vont conduire à faire évoluer l'accueil du public 

En 2017, les services des finances publiques du Calvados ont enregistré environ 130 000 visites d’usagers aux guichets. Même si ce décompte peut contenir des visites d’un même contribuable, il montre l’importante part de l’activité du guichet rapportée à la population du département, qui se situe à environ 700 000 habitants. Cette importante fréquentation tend néanmoins à baisser sur une longue période.
 
Sans rentrer dans les différents motifs des visites, une part croissante vient des usagers qui ne maîtrisent pas ou peu internet et qui se trouvent à présent dans l’obligation de déclarer et de payer par ce canal.
 
L’accueil des usagers va connaître encore de grandes évolutions avec :
  • le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu qui sera mis en œuvre à compter du 1er janvier 2019 ;
  • l’exonération de taxe d’habitation pour 80 % des contribuables, réforme qui débute en 2018 et s’étale sur trois ans.
Dans un premier temps, ces changements vont très certainement susciter un afflux de questions et donc de fréquentation dans les centres des finances publiques. Mais ensuite, en rythme de croisière, une fois ces réformes assimilées, les flux d’accueil au guichet, au téléphone ou par courriel vont très certainement diminuer.

En effet, une part importante de la réception du public vient des demandes de remises gracieuses de taxe d’habitation (20 % environ des déplacements au guichet) et d’impôt sur le revenu. Demain, avec l’exonération de cette taxe, les foyers modestes n’auront plus de motif pour venir, hormis le cas où ils demanderont une mesure gracieuse pour la contribution à l’audiovisuel public qui est adossée à la taxe d’habitation.
 
De même, le prélèvement à la source va supprimer le décalage d’un an entre la perception du revenu et le paiement de l’impôt. La situation de ceux qui ne pouvaient plus payer leur impôt du fait de la baisse de leur revenu et qui étaient menés à demander des remises ne devrait plus se rencontrer aussi fréquemment.
 
Malgré la diversification et la personnalisation des canaux de contact à distance, cela suppose que l’usager soit à même de maîtriser les outils numériques et de poser de manière appropriée la question ou d’emprunter la procédure adéquate. Quand c'est le cas, c’est du temps gagné, du confort également et de la sécurité dans les relations entre administration et usagers.
 
L’avenir sera donc marqué, d’une part, par une inflexion du nombre des personnes se rendant aux guichets et, d’autre part, par l’importance du numérique. Mais la fréquentation au guichet ne disparaîtra pas, car comme on peut le constater au quotidien, pour une partie des usagers, l’orientation sur internet reste un problème délicat. En témoigne le nombre de visites au guichet ou d’appels téléphoniques reçus dans les centres des finances publiques qui porte sur le thème de l’accès et des démarches sur internet. L’usager a essayé mais, n’y arrivant pas, il contacte les services ou se rend au guichet.
 
Du côté des administrations, il y a la nécessaire préoccupation d’optimiser les moyens alloués aux différents services dans un souci de bonne gestion.
 
La dépense publique doit répondre à des arbitrages et l’on ne peut envisager cette dépense
aux accueils sans regarder les moyens de la rendre efficace et efficiente. Le canal internet concerne toutes les administrations. C’est notamment un canal d’information mais aussi de traitement des procédures et des échanges.
 
Ce média tend à remettre l’organisation des administrations en cause sur différents points :
  • les questions qui se posent pour l’accès aux procédures sur internet sont en partie communes à toutes les administrations. Sur ce volet, il n’y a pas ou peu de spécificité pour les administrations. Le « spécifique » réside plutôt sur le fond des questions qui peuvent se poser et moins sur l’accès et la navigation, y compris la sécurité. Ces éléments tendent à se « ressembler » de plus en plus, quel que soit le site visité ;
  • les administrations se sont organisées autour de leurs missions et n’ont pas ou pas assez intégré l’aide aux usagers dans l’utilisation d’internet car cette utilisation est souvent réputée comme un acquis ou devant le devenir ;
  • les agents eux-mêmes se trouvent parfois dépourvus face à une attente des usagers qui peuvent aller jusqu’à demander la création d’une adresse internet où c’est en définitive l’agent lui-même qui va accompagner le choix de cette adresse ;
  • la maîtrise d’internet pose parfois en arrière-plan celle de l’égalité devant le service public entre ceux qui sont à même de faire aboutir leur démarche et ceux qui pourraient passer à côté de leurs droits, faute de savoir naviguer sur le net ;
  • l’accès à internet n’est pas donné à tous. Certaines zones géographiques sont encore des zones blanches sans internet ou avec un débit si faible que cela dissuade d’y recourir. 

Les propositions de réorganisation de l'accueil au niveau départemental 

L’accueil des usagers particuliers dans les centres des finances publiques repose principalement sur des services des impôts des particuliers (SIP) et trésoreries dont l’implantation géographique est le fruit de l’histoire et des récentes évolutions tendant à rationaliser les implantations dans un souci d’économies, en prenant en compte la modernisation des moyens de paiement, du développement du numérique pour les déclarations et des réorganisations territoriales (fusions des intercommunalités et des communes nouvelles).
 
Avec l’obligation progressive de recourir à internet pour l’ensemble des obligations fiscales et de paiement, les guichets se sont progressivement organisés avec :
  • la mise à disposition d’ordinateur en libre service ;
  • la présence de volontaires du service civique pour aider les usagers dans leurs démarches sur internet. Ces adaptations sont nécessaires mais vont sans doute rester insuffisantes si l’on veut pouvoir répondre à une attente d’une partie des usagers souhaitant se faire accompagner sur internet.
Cette attente n’est pas seulement dirigée vers les services des finances publiques. Elle porte sur tous les services de l’État et des différents opérateurs mais aussi des collectivités locales.
Pour la satisfaire, il est important de pouvoir le faire au plus près des usagers afin d’éviter de plus longs déplacements ayant un effet négatif sur l’environnement et sur les conditions de vie.
 
À l’inverse, les nouvelles technologies permettent de se rapprocher des usagers à la condition de disposer d’une bonne couverture des réseaux. L’une des solutions envisageables pour relever le défi de cette attente est de créer un partenariat entre les différentes administrations afin d’offrir un accueil internet à l’ensemble de la population.
 
C’est ce qui a été réalisé dans le Calvados, depuis le printemps 2017, avec notamment un partenariat entre le Conseil départemental et différentes administrations, dont les finances publiques.
 
Afin de conjuguer la nécessité d’offrir à la fois un accès à internet et un traitement sur les questions de fond, l’expérience du Calvados est la suivante :
 
1) Les maisons de services aux publics (Points info 14) au nombre de 33 assurent l’accueil de premier niveau consistant en l’aide d’un facilitateur à :
  • orienter l’usager vers le bon guichet/site internet ;
  • fournir la possibilité d’accéder aux sites internet des administrations et opérateurs ;
  • aider l’usager à naviguer et, si besoin, ouvrir un compte en ligne ;
  • l’aider à créer son adresse électronique ;
  • effectuer des paiements en ligne ;
  • prendre des rendez-vous en ligne auprès des administrations et opérateurs ;
  • assurer un service de visio-conférence entre l’usager et les administrations et opérateurs.
Ce service doit pouvoir être assuré dans le respect des règles de confidentialité par des agents de confiance soumis à des règles de déontologie.
 
Les maisons de services publics couvrent le département du Calvados de manière à être accessibles en moins de 15 mn. En 2017, ces maisons ont accueilli environ 1 000 usagers sur des questions relatives à la navigation sur internet sur impots.gouv.fr. Sur les premiers mois de 2018, cette fréquentation a plus que doublé.
 
2) Les administrations et opérateurs assurent la réception de second niveau pour les questions de fond :
  • renseignements complexes,
  • et traitement au fond de la demande.
Elles peuvent alors assurer un accueil sur rendez-vous, ce qui facilite les démarches de l’usager en optimisant son temps.
 
Les services peuvent alors être moins nombreux sur le territoire du fait du traitement assuré en premier niveau d’accueil.
 
Pour assurer l’accueil de premier niveau, il est nécessaire d’offrir un maillage resserré de points de contact et d’être accessible en limitant les déplacements. Seules les collectivités locales sont en mesure de le faire, étant donné leur présence sur le territoire et leur lien de proximité avec la population.
 
Les administrations et opérateurs doivent alors s’organiser pour être un interlocuteur de second niveau accessible par différents canaux, y compris le guichet physique si besoin.
 
Pour réaliser cette offre de service, il est aussi important que :
  • la coordination soit assurée entre le premier et le second niveaux d’accueil. Un protocole entre le Conseil départemental du Calvados et les administrations et opérateurs précise notamment cette coordination qui passe également par des réunions d’information entre les parties ;
  • la communication vers les publics soit assurée efficacement afin que les usagers intègrent cette nouvelle approche du service public.
Pour les finances publiques du Calvados, le partenariat permet de créer une synergie entre,
d’une part, les 33 MSAP/Point info et, d’autre part, les 9 services des impôts des particuliers et 11 trésoreries impôts.

En synthèse...

L’accueil des services publics reposerait sur :
 
1) un service numérique minimum assuré par les collectivités et l’État, via notamment les MSAP ;
2) les collectivités seraient plus particulièrement en charge de ce service pour l’accueil de premier niveau étant donné leur proximité avec la population. La mairie est déjà très souvent le lieu où les gens cherchent une information d’orientation. Ce rôle des collectivités dans la prise en charge de l’aide pour un accès des usagers au numérique serait reconnu par la loi ;
3) les administrations et opérateurs resteront en charge de l’accueil de second niveau ;
4) des partenariats seront conclus dans chaque département entre l’État et les collectivités et opérateurs afin de tenir compte des spécificités des territoires. 
 
Réflexions publiées dans la revue Gestion et finances publiques, la revue de référence des professionnels des finances publiques.
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