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10 / 06 / 2010 | 9 vues
Eric Yahia / Membre
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SAP France fait sa loi et pervertit le dialogue social

Faire sa loi c’est être au-dessus des lois et faire sa propre justice ; mais c’est aussi pervertir ses relations avec le monde en faisant des autres des objets. La loi républicaine fait de l’autre un sujet, et en France un égal. Mais SAP est une multinationale. SAP ne veut pas s’embarrasser de contraintes locales, légales ou réglementaires qui pourraient diminuer son taux de « profitability ».

Chez SAP France, on se paye la tête de l’administration du travail. Cela prend même des proportions étonnantes. En 2009, SAP France a inventé le package « PSE + licenciements économiques » sans catégorie professionnelle, ni critère d’ordre de licenciement. Les licenciements économiques se font ainsi à la tête du client. La direction départementale du travail laisse passer (malgré quelques communications syndicales). À sa décharge, si le service de la DDTEFP s’est contenté de lire le PV de CE, il n’y a vu que du feu. Il faut savoir que le secrétaire du CE est, suivant les instances, soit représentant des salariés, soit représentant de l’employeur. Cela se passe comme ça chez SAP France. Qu’une inspection du travail vienne à lui faire des remarques, et la somme d’agir, SAP France reste sourde et méprisante. Après un changement tactique de siège social, SAP France ira s’adresser à une autre inspection du travail en espérant un accueil plus conciliant.

Chez SAP France, le jugement d’un tribunal est soit conforme, soit non conforme. Si le jugement n’est pas conforme, SAP France « n’interjette pas appel », non ! SAP France change de tribunal et fait rejuger. Il en est ainsi de l’UES reconnue le 2 décembre 2009 par le tribunal de Puteaux sur le périmètre des deux sociétés SAP France et SAP France Holding. SAP France estime que le jugement n’est pas conforme (on appréciera la définition sapienne de la conformité quand on la connaîtra…). Quelques mois plus tard, après le changement tactique de siège social à Paris, SAP fait rejuger l’existence de l’UES par le tribunal d’Instance de Paris VIIIème. Quel intérêt ? SAP France gagne du temps et retarde l’échéance des élections de représentants du personnel. Comme le jugement du TI de Puteaux ne s’inscrit pas dans son planning, il est déclaré non conforme. Il faut donc un autre jugement pour assurer la sécurité juridique de sa démarche : choisir la date des élections professionnelles et choisir ses élus.

Choisir ses représentants du personnel

Rappelons d’abord que SAP France a acheté pour 4,5 milliard d’euros le groupe Business Objects en 2008. Fin 2009, une drôle de réorganisation juridique se déroule en France…

En 2009, Business Objects (BO, 900 salariés) est détenue à 100 % par SAP France comptant, elle, 600 salariés.

Fin 2009, SAP envisage de transférer tous ses actifs commerciaux vers BO et par là même tous ses salariés.

  • Alors que ce changement aurait dû faire perdre leurs mandats aux élus SAP, la direction continue à les reconnaître en créant chez Business Objects (BO) un nouvel établissement distinct : « les SAP historiques ». Cet établissement se différencie de l’établissement des « BO historiques ». Le slogan « One SAP » n’est plus qu’une vitrine, mais au fond du magasin SAP le sectarisme perdure.


Les « SAP historiques » ne représentent évidement pas un établissement distinct au sens de la jurisprudence. Cet établissement détermine cependant, en la structurant, la ghettoïsation sociale et les différences de traitement entre les salariés « SAP historiques » et « BO historiques ». Plusieurs organisations syndicales s’en émeuvent auprès de l’inspection du travail de Nanterre. Celle-ci réagit, demande des comptes, ne reçoit rien sauf une fin de non recevoir. SAP a les élus qui lui conviennent et entend bien en rester là.

Chez SAP France la direction gâte ses élus mais pas tous… SAP peut se féliciter de leur action constructive en 2009 :

  • un PSE + licenciements économiques, sans catégorie professionnelle, ni critère d’ordre de licenciements ;
  • un avis positif sur un transfert des 600 salariés selon une vraie fausse application de l’ex L122-12 (L1224-1) de SAP vers Business Objects ;
  • les salariés SAP perdent leur statut collectif passé (un accord RTT et un accord de protection sociale) en étant transférés dans une autre entreprise, Business Objects où tout est à reconstruire ;
  • l’éradication brutale de toute représentation du personnel au sein de SAP France Holding.

Prime exceptionnelle pour les membres du CE

SAP France entend donc remercier les anciens membres du CE SAP en leur accordant une « prime exceptionnelle » de plusieurs milliers d’euros pour bons et loyaux services en 2009. Comme l’a si bien écrit la direction, « une prime exceptionnelle accordée à l'ensemble des membres du CE SAP France historique… La règle objective de calcul a été exposée lors de la réunion du comite d’établissement SAP France Historique de février, mais ne figure pas dans le PV pour ne pas choquer les salariés ».

Après la Baladurette, la Jupette et la Sarkozette, la direction de SAP France a inventé la SAPette : prime exceptionnelle à la casse sociale, qui sème le trouble parmi les représentants du personnel.

En effet, les membres du CE « BO historique », bien qu’ayant travaillé tout autant et sur les mêmes sujets, n’ont pas eu droit à cette prime. Il faut rappeler qu’ils avaient, eux, émis un avis négatif sur le transfert des 600 salariés de SAP vers BO. Aujourd’hui les membres du CE « BO historique » et du CE « SAP historique » ne partagent plus leur déjeuner de prestige aux frais du CE…

  • Parmi les cinq syndicats représentatifs dans l’entreprise, seuls les membres CFTC et CGT du CE ont refusé cette prime qu’ils jugent contraire à l’éthique sociale.

Les représentants du personnel ne sont pas les supplétifs des ressources humaines.

Pervertir et contourner les règles. Non, le mot n’est pas trop fort. Pervertir le dialogue social, c’est bien détourner les représentants du personnel de leurs véritables prérogatives et de la normalité de leurs fonctions. Les représentants du personnel ne sont pas les supplétifs des ressources humaines, en charge de l’alibi social des décisions d’un employeur. Ils sont là pour exprimer la voix des salariés en toute indépendance.

Quand il faut donner la parole aux salariés, qui auraient certainement une expression à formuler au travers de leurs votes, SAP France fait tout pour retarder les élections et entretenir les divisions entre ses salariés. Pourtant, la reconnaissance judiciaire d’une UES en janvier 2010 impose, en principe, l’organisation immédiate de nouvelles élections professionnelles.

S’agit-il d’erreurs répétées, d’incompétence sociale et managériale locale ou d’une démarche et d’une tactique aux risques calculés (pas vus, pas pris) ? Quoi qu’il en soit, un travailleur désirant contracter avec SAP en France a intérêt à très bien connaître ses droits, voire de prévoir un budget « contentieux éventuel »… À prendre en compte dans la négociation du salaire d’entrée dans l’entreprise.

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