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22 / 03 / 2024 | 41 vues
Alain Arnaud / Abonné
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Services publics, Économie sociale et solidaire : Les propositions du Conseil économique et social européen)

La Présidence belge du Conseil de l’Union européenne (1er semestre 2024) a demandé au Conseil économique et social européen (CESE) son avis sur la refonte du marché intérieur à la lumière de l'accélération de la double transition de l'Union vers une économie verte et numérique et sur l'élaboration d'une stratégie industrielle européenne qui fasse de l'industrie l'épine dorsale de l'économie européenne.

 

Cet avis exploratoire du CESE, élaboré avec comme Rapporteure Sandra PARTHIE et Corapporteur Alain COHEUR (président d'ESS Forum International) a été adopté le 17 janvier 2024 sous le titre « Nouvelle stratégie européenne pour le marché intérieur : aider nos entreprises à relever les défis technologiques, sociaux, environnementaux et de concurrence ». https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/elaborer-unenouvelle-strategie-europeenne-pour-le-marche-interieur-aider-nos-entreprises-relever-les-defis

 

Pour le CESE, « une stratégie pour l’avenir du marché intérieur devrait se concentrer sur plusieurs éléments : une politique industrielle européenne, un environnement propice aux entreprises et notamment aux PME, les entreprises de l’économie sociale, le soutien public au projet européen, des services d’intérêt général convenablement organisés et efficaces et des mesures visant à préserver et développer notre modèle social ».

 

Parmi ses propositions figurent deux domaines essentiels : les Services d’intérêt général – terme européen correspondant aux services publics – et l’économie sociale et solidaire que nous reproduisons ici comme points d’appui pour les mettre au cœur des débats des élections du parlement européen du 9 juin

 

Services d’intérêt général

 

Il existe, en complémentarité avec le développement des initiatives entrepreneuriales et des politiques publiques, des services d’intérêt général (SIG) qui visent à garantir le droit de chaque habitant d’accéder à des biens et services essentiels, mettent en œuvre des solidarités, assurent la cohésion économique, sociale et territoriale et prennent en compte le long terme ainsi que les intérêts des générations futures (1) .

 

Le marché intérieur a besoin de SIG en tout point du territoire européen. Ils représentent 25 % du PIB de l’UE et 20 % de l’emploi total et fournissent des infrastructures de transport, d’énergie, de communication, d’accès à l’eau et d’assainissement, un système d’éducation en prise sur les recherches, un système de santé fondé sur la prévention et l’accès universel aux soins, un contexte garantissant la sécurité et la justice, des conditions décentes de vie, de logement et de subsistance.

 

Les SIG sont reconnus dans l’éducation, la culture, le logement et l’aide aux sans-abri, les soins de longue durée, l’inclusion des personnes handicapées et les soins de santé. Les autorités des États membres ont la compétence générale pour définir, «fournir, faire exécuter et organiser» les SIG. Ils ont le libre choix des modes de gestion — interne ou déléguée — ainsi que du statut des entreprises qui exécutent ces missions de service public.

 

Eu égard au rôle vital joué par le secteur hospitalier dans la vie quotidienne et pendant les périodes de problèmes aigus de santé publique (COVID-19), il est essentiel que la politique de concurrence et les règles en matière d’aides d’État soient appliquées dans le respect des prérogatives des États membres en matière de définition des objectifs nationaux de santé publique et pour l’ensemble des modèles socio-économiques régissant le secteur hospitalier, sans entraver le bon fonctionnement du marché intérieur.

 

L’application des règles de concurrence de l’UE (notamment celles relatives aux aides d’État) aux services de santé doit tenir compte du fait qu’ils fournissent un service qui répond à l’intérêt général de la société en tenant compte notamment des principes de cohésion et de solidarité dont ils sont l’un des principaux vecteurs. Quinze ans après l’entrée en vigueur du nouveau traité, aucune initiative législative n’a été proposée par la Commission sur la base de l’article 14 du TFUE.

 

Le temps est donc venu de faire un bilan de l’action de l’UE dans le domaine des SI(E)G et de donner un effet utile à l’article 14 et au protocole nº 26 du TFUE. Le CESE demande à la Commission européenne de procéder à une évaluation approfondie du fonctionnement des SI(E)G et de leur impact, en examinant:
 

- les conséquences de la libéralisation des SIEG en matière de cohésion économique, sociale et territoriale en termes de qualité, d’accessibilité, d’adaptabilité et de rapport prix/service;

− la nécessité éventuelle de créer des instruments européens d’intervention publique dans les secteurs de SIEG et/ou l’établissement de services publics européens fonctionnels (2;

− l’identification possible d’une catégorie autonome de services sociaux d’intérêt général (SSIG) avec un régime élargi par rapport à l’état du droit positif en termes de solidarité et de justice sociale.

 

La recherche d’une autonomie stratégique ouverte commande la mise en place d’un programme ambitieux de modernisation et de conditions-cadres dans les secteurs stratégiques des SIEG: énergie et matières premières clés; mobilité et transports publics; eau, assainissement et ressources hydriques; télécommunications et accessibilité numérique; etc.

 

Recommandations spécifiques pour les SIEG


Le CESE demande:

 

- qu’un plan européen 2024-2029 pour les secteurs stratégiques des SIEG soit lancé dans le cadre de la mise en place de l’autonomie stratégique ouverte de l’UE;

− qu’au sein du prochain collège, un commissaire soit chargé du plan stratégique 2024-2029 pour des SIEG sûrs, de qualité et durables, et que soit confié à une agence européenne le soin d’observer l’évolution des obligations de service public et du service universel des SIEG;

- un opérateur européen pour le réseau de transport d’électricité à très haute tension et d’interconnexion transfrontière;

− l’étude de la création d’opérateurs européens pour les réseaux transeuropéens de transport ferroviaire à grande vitesse;

− une définition claire des missions et obligations de service public de Galileo;

− l’accès pour toutes les parties prenantes aux résultats de la recherche financée par des fonds publics.

 

L’économie sociale et solidaire et de la société civile

 

Il n’existe pas de cadre juridique pour l’économie sociale ou les services sociaux d’intérêt général (SSIG).


Pourtant, ils sont une composante à part entière de la nouvelle stratégie industrielle européenne, à égalité et en complémentarité avec les initiatives entrepreneuriales, l’action publique ou les services d’intérêt général.


Leur mise en œuvre repose souvent sur la mobilisation de la société civile, sur le bénévolat et sur de multiples formes d’entreprises de l’économie sociale (coopératives, mutuelles, entreprises sociales ou associations). Ils ont pour finalité d’apporter des réponses aux besoins sociaux et sociétaux de chaque habitant, de chaque acteur, de chaque collectivité, de chaque territoire. En vertu de l’article 54 du TFUE, le droit de l’UE reconnaît deux types d’entités: d’une part, celles à but non lucratif qui recouvrent exclusivement les organisations ayant une activité économiquement désintéressée, et d’autre part, les entreprises, parmi lesquelles figurent principalement les sociétés commerciales.

 

Or, les entreprises de l’économie sociale (EES) ne poursuivent pas d’objectif de maximisation ou de rentabilité du capital, mais un objectif social (3).


À plusieurs occasions, le CESE s’est exprimé sur le besoin d’une prise en compte effective de la diversité des formes d’entreprises dans la réglementation de l’UE. Il faut aller vers la formalisation d’un cadre européen légal pour les services sociaux d’intérêt général (SSIG) qui respecte le pouvoir d’appréciation des États membres pour organiser et financer les SSIG, et porter un cadre juridique spécifique reconnaissant le rôle qu’occupent les entreprises de l’économie sociale en tant que prestataires de services.


Si le bon fonctionnement des SSIG est essentiel pour renforcer la confiance des citoyens dans la capacité d’action de leur gouvernement, il est essentiel de créer un véritable sentiment d’identité européenne afin d’accroître le soutien à l’intégration européenne dans son ensemble. L’introduction d’un service civil et social paneuropéen pour tous les jeunes Européens pourrait être une option pour améliorer la compréhension des besoins des autres peuples, pays et cultures.

 

(1 )Parmi les nombreux avis et contributions du CESE, voir «La cocréation de services d’intérêt général comme contribution à une démocratie plus participative au sein de l’UE», JO C 486 du 21.12.2022, p. 76.

(2) À l’instar de ce que pourrait être une agence européenne d’approvisionnement pour certains produits sanitaires, en énergie ou autres.

(3 )JO C 282 du 20.8.2019, p. 1.

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