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04 / 12 / 2019 | 125 vues
Thierry Noleval / Membre
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Salaires et temps de travail : la direction de l’AFP doublement condamnée

Dans deux jugements du 19 octobre, la Cour d'appel de Paris a rappelé l’AFP à ses obligations en matière de respect du droit social, que ce soit sur les salaires (qu’elle avait bloqués de manière illicite à partir de 2011-2012) ou en matière de temps de travail, avec l’introduction dans l’accord d’entreprise du 10 mars 2017 d’une disposition sur le forfait jour, à l’évidence contraire au droit et à la jurisprudence constante.
 

Salaires : la direction va devoir appliquer les hausses salariales de 2013 et 2014
 

À partir de 2012, conformément à sa politique de baisse systématique des coûts salariaux, la direction avait décidé de ne plus appliquer les augmentations indiciaires décidées par la presse quotidienne nationale, branche à laquelle elle appartenait et qu’elle avait toujours suivie jusqu’alors. Trois syndicats (FO, la CGT et SUD) avaient donc saisi la justice pour obtenir de l’AFP l’application de ces hausses relevant d’obligations conventionnelles pour le personnel technique et administratif et d’un usage constant pour les journalistes. La Justice leur avait déjà donné gain de cause en première instance, en décembre 2017.

 

Saisie par la direction de l’AFP, la Cour d’appel a totalement confirmé ce premier jugement, en condamnant l’AFP à « suivre » les augmentations indiciaires qu’elle aurait dû appliquer à trois reprises en 2013 et 2014.

L’AFP est ainsi condamnée à augmenter les salaires de base de tous ses salariés de :
 

  • 0,4 % à partir du 1er mars 2013,
  • 0,5 % à partir du 1er mai 2013,
  • 0,5 % à partir du 1er avril 2014 pour les ouvriers et les cadres techniques,
  • 0,5 % à partir du 1er mai 2014 pour les employés, cadres administratifs et journalistes.

 

La Cour d’appel est même allée plus loin que le jugement de première instance, en condamnant également la direction de l’AFP à réévaluer, à partir du 1er mars 2011 et chaque année jusqu’au 1er mars 2015, les accessoires de salaire (prime fixe collective, prime spéciale journaliste, primes de rendement, primes spécifiques, indemnités spéciales et de fonction, primes spéciales vidéo…) du montant en pourcentage de l’évolution SPQN de l’année précédente.

 

Reconnu par la Cour, cet « usage » avait lui aussi été brutalement abandonné par la direction à partir de 2011.

Notre organisation syndicale se félicite de ce jugement qui fait droit à l’ensemble des salariés de l’AFP de bénéficier de ce qui leur est légalement dû. La direction de l’AFP doit s’y conformer dans les plus brefs délais, en réévaluant et en rattrapant tous les salaires du personnel de statut siège en poste aux dates concernées, ce jugement étant exécutoire (même si la direction décide de se pourvoir en cassation).

 

Nul doute qu'au nom des difficultés budgétaires, la direction ne manquera pas de stigmatiser ceux des syndicats qui ont porté l’affaire en justice. Nous lui rappelons qu’elle porte l’entière responsabilité de sa condamnation en ayant voulu imposer de force le blocage des salaires et par son obstination à ne pas se conformer à ses obligations conventionnelles. C’est justement pour favoriser cette politique d’austérité salariale qu’elle l’a institutionnalisée dans le « grand » accord de 2017 et en quittant la presse parisienne.

 

Forfait-jours : prise à son propre piège, la direction devra renégocier
 

Saisie par le seul syndicat SUD, la Cour d'appel a également annulé la disposition du « grand » accord de 2017 (second sous-paragraphe de l’article 6.9.1) portant sur l’introduction à l’agence du forfait-jours et étendant son bénéfice à « l’ensemble des journalistes, compte tenu de l’autonomie qui est propre à l’exercice de leur métier ».

Elle a en effet estimé que ce texte n’était pas conforme aux dispositions d’ordre public en la matière, en désignant « en tant que bénéficiaires du forfait annuel en jours l’ensemble des journalistes de l’entreprise alors que parmi ceux-ci les journalistes des desks ne disposent pas de l’autonomie nécessaire dans l’organisation de leur emploi du temps » pour y prétendre. Ce faisant, la Cour ne fait que rappeler la loi.

Lors de sa négociation et depuis, notre syndicat (qui n’est pas signataire du « grand » accord) n’a eu de cesse de mettre la direction en garde sur la précarité juridique d’une clause manifestement illicite, introduite de façon irresponsable et par calcul par la direction pour mieux faire passer le forfait-jours chez les journalistes.

En effet, entre 12 jours de congés supplémentaires lorsque l’on est au forfait-jours au lieu de 7 (en production) ou 4 (sur les desks) au décompte horaire, le choix semble évident. C’est bien là-dessus que la direction a compté pour mieux vendre un dispositif ayant quand même entériné, rappelons-le, une baisse importante des jours ARTT (18 avant le « grand » accord), qui a légitimé les journées à rallonge et qui visait à prémunir l’agence contre les risques juridiques liés au non-respect de la durée légale du travail dans bien des secteurs.

Rappelons aussi qu’avec le forfait-jours, le salarié n’est pas soumis à la durée légale du travail, la seule limite étant qu’elle ne peut excéder 10 heures par jour, 48 heures par semaine ou 44 heures par semaine pendant 12 semaines consécutives.
 

Une chose est sûre : ce n’est pas au personnel de faire les frais de l’irresponsabilité de la direction. Notre organisation syndicale demande l’ouverture rapide d’une négociation qui devra garantir, dans un contexte de baisse des effectifs, le maintien (voire l’amélioration) des droits acquis en matière de jours de repos de tous les salariés, notamment pour les journalistes des desks.

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