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16 / 12 / 2025 | 10 vues
Jean Louis Cabrespines / Membre
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Quelle boussole pour une politique de jeunesse?

Encore un moment fort ! Nous faisions part de notre satisfaction de l’organisation du GSEF (Forum Mondial de l’Économie Sociale) et de la 10ème conférence internationale de recherche en Économie Sociale du CIRIEC International, à la fin du mois d’octobre dernier.


Et voilà qu’une autre manifestation d’importance vient apporter de nouveaux éléments de réflexion , d’échange, d’informations, ... : « les Journées de l’économie autrement » à Dijon, les 28 et 29 novembre 2025, organisées par Alternatives Économiques. Une approche différente, ouverte sur toutes les problématiques de la question économique, non seulement empreinte de considérations, défenses et valorisation portant sur l’ESS, mais prenant en compte tout ce qui permet de faire de l’économie autrement, tout ce qui valorise une démarche nouvelle, sortant d’une économie libérale et capitaliste dont l’objectif serait d’accroître le capital sans prendre en compte l’humain.

 

Cette 10ème édition reste bien dans ce que nous avons élaboré ensemble avec Philippe Frémeaux et Alternatives Économiques : une porte ouverte sur tout ce qui fait notre société, aussi bien sur le plan économique, social, sociétal qu’environnemental et prenant en compte, avant tout, le respect des hommes et des femmes qui composent cette société. Le contexte actuel, plus que jamais, nécessitait de s’interroger sur les boussoles à trouver, dans un climat où prédominent les tempêtes (1)  .


Et les 37 tables rondes, les 3 séances plénières, les 5 grands entretiens, les 4 ateliers, les 3 expositions, l’agora, furent autant de temps où nous avons pu poser nos interrogations et tenter, ensemble, de trouver des solutions.

 

Nous en sortons enrichis, mais tout autant interrogatifs, nous en sortons dotés de nouvelles connaissances mais tout autant méfiants quant à l’avenir qui se dessine, nous en sortons plus convaincus que d’autres alternatives peuvent exister, mais effrayés sur les obstacles qui continuent à exister et à augmenter. Oui, ce furent deux jours riches, pleins d’enseignements, mais aussi deux jours qui nous ont montré les « trous dans la raquette » qui existent et la difficulté à réparer, réviser, (re)construire de nouvelles alternatives.

 

Nos inquiétudes n’ont pas disparu, mais elles ont été partagées et nous avons eu le sentiment que ces deux jours, plus fréquentés que jamais (nous avons pu noter une réelle augmentation du nombre de participants, avec des séances souvent à guichet fermé), peuvent conduire à des réponses nouvelles face aux dangers nationaux et internationaux que nous courons, dans un climat politique plus que jamais inquiétant et porteur de tensions.

 

Un thème central : quelle politique de jeunesse ?

 

Durant ces deux jours, le CIRIEC France a été porteur d’une réflexion sur la protection de l’enfance en France, grâce à l’organisation d’une table ronde dynamique entre des panelistes venant de divers horizons (2) et se complétant et une salle pleine (les 150 places de la salle des séances du Conseil Régional étaient toutes occupée).


Au bout du compte, seul le temps imparti par les organisateurs a pu faire cesser les échanges tant chacun avait à dire et proposer pour une nouvelle politique de l’enfance.


Mais ce seul atelier ne suffit pas à interroger sur la question d’une politique de jeunesse en France, et la participation à un autre atelier portant sur « les jeunes, grand.e.s oublié.e.s des politiques publiques ? » (3) est venu compléter les conclusions de cette première table ronde.

 

Ce sont bien ces deux temps qui nous conduisent à nous interroger sur ce que pourrait être une politique de jeunesse prenant en compte tous les temps de vie et d’évolution de tous les jeunes.

 

Tous les participants de l’un et l’autre des deux moments en sont arrivés à la conclusion qu’il faudrait une politique qui se préoccupe de tout ce qui compose la vie de l’enfant et du jeune, mais chacun note la difficulté pour arriver à mener à bien une telle prise en charge.


Tous prônent une approche holistique et systémique du temps de la jeunesse.


Tous considèrent qu’il n’est pas possible de soutenir l’évolution des jeunes si l’approche générale ne répond pas, en même temps, à tous les besoins, droits et obligations de ces jeunes dans le contexte social, psychologique affectif, sociétal dans lesquels ils se situent.

 

Quelle politique systémique de jeunesse en France ?

Mais quelles réponses apporter ? Et si nous pouvons apporter des réponses, quelle organisation pour qu’elles soient efficaces ?

 

Si l’on s’en réfère à ce que nous dit le gouvernement, tout serait mis en œuvre pour « une politique en faveur de la jeunesse, interministérielle et partenariale, (qui) regroupe l’ensemble des actions concourant à l’accompagnement des parcours des jeunes vers l’autonomie » (4) : « La politique en faveur de la jeunesse regroupe l’ensemble des actions concourant à l’accompagnement des parcours de jeunes vers l’autonomie, notamment par l’éducation, la formation, l’insertion sociale et professionnelle, le logement, la santé, la sécurité, les loisirs éducatifs, sportifs et culturels, la mobilité, l’engagement, et ce dans une perspective de réduction des inégalités, qu’elles soient sociales ou territoriales.


Favoriser cette autonomie implique d’agir sur tous les leviers permettant aux jeunes d’être acteurs de leur parcours, de subvenir à leurs besoins et de se réaliser en tant qu’individus. 

 

Cette politique se décline dans de nombreux champs ministériels, aussi bien au niveau national que territorial.

Dans une logique de transversalité entre les différents champs de l'action publique, elle se structure autour des axes suivants :

- Participer au développement personnel des jeunes, favoriser leur engagement et leur mobilité ;

- Donner la priorité à l'éducation, à l'orientation et à la formation ;

- Favoriser l'emploi et l'insertion professionnelle ;

- Lutter contre les inégalités dans le parcours vers l'autonomie ;

- Améliorer les conditions de vie.

 

De nombreux ministères agissent en direction des jeunes, mais chacun dans son seul champ de compétence. La compétence sur la mise en œuvre des politiques de jeunesse ne relève pas uniquement de l’État à ses échelons national et territorial. Les collectivités territoriales (conseils régionaux, conseils départementaux, communes et intercommunalités) développent également des actions en direction de la jeunesse. La politique en faveur de la jeunesse s’appuie sur de nombreux dispositifs et actions, pilotés et financés par différents ministères.


Ces dispositifs sont pluriels dans leur contenu et leur mode d’exécution, centralisés ou déconcentrés, purement étatiques ou inscrits dans un cadre conventionnel impliquant des organismes publics, parapublics, des collectivités territoriales ou des associations. » Cette seule présentation, aussi complète soit-elle, est, en elle-même, un aveu du dysfonctionnement des politiques jeunesse. Chaque échelon, chaque domaine vit indépendamment des autres et la construction d’une politique jeunesse cohérente ne se fait pas du fait de la difficulté à regrouper les compétences pour y arriver.

 

Dépasser les strates

 

Chacun est enfermé dans son fonctionnement, dans son territoire, dans ses responsabilités et n’arrive pas à construire une politique cohérente pouvant aborder, ensemble, tout ce qui touche à la jeunesse et aux réponses à apporter.


Bien sûr, des strates administratives ont été mises en place qui devraient permettre cette cohérence :


- Le comité interministériel de la jeunesse (CIJ), instance créée par décret n°82-367 du 30 avril 1982 qui peut être saisie à tout moment à l’initiative du Premier ministre ;

- L’article 54 de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017 prévoit le renforcement de l’implication de la région en matière de politique de jeunesse à travers le chef de filât au sein des collectivités locales accordé aux conseils régionaux en la matière ;

- Le conseil d’orientation des politiques de jeunesse : installé en France, au niveau national, en 2016, il s’agit d’une commission administrative consultative placée auprès du Premier ministre et chargée de créer de la cohérence et de la transversalité dans les politiques publiques concernant les jeunes.

 

Mais il ne suffit pas d’avoir des comités qui peuvent être saisis ou des lois qui accordent des positionnements ou des commissions consultatives pour arriver à une politique jeunesse qui réponde efficacement aux besoins.

 

Cette disparité entre compétences par strates successives ne peut que conduire à des dysfonctionnements.

 

L’analyse des acteur clés (État : Ministères de l’Éducation, du Travail, des Sports, de la Jeunesse, etc (sous l’animation du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ), qui vise à créer de la cohérence entre les actions des différents ministères) ; Collectivités territoriales : Régions, départements, communes ; Associations et acteurs de terrain : Missions locales, MJC, Habitat Jeunes, etc), montre combien la dilution des responsabilités porte en germe l’échec d’une véritable politique jeunesse car à trop répartir les compétences, on en arrive à des divergences d’approche, à des refus de responsabilité, à un manque de coordination et c’est la jeunesse qui en pâtit.

 

L’analyse des compétences apporte les mêmes interrogations :

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              Acteur                                                                 Compétences principales

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État                         Stratégie nationale, dispositifs d’insertion, mentorat, mobilité internationale, financement.

Régions                  Formation, apprentissage, mobilité, innovation sociale.

Départements         Protection de la jeunesse, insertion, aides sociales.

Communes/EPCI    Logement, engagement citoyen, activités culturelles/sportives, cohésion sociale.

Compétences         Éducation et formation, insertion professionnelle, santé et bien-être,

 partagées                              culture, sports et loisirs

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Cette première approche des politiques publiques de jeunesse est, à n’en pas douter, insuffisante, mais elle reflète bien ce que la table ronde et l’atelier auxquels nous avons participé lors des JEA ont engagé comme réflexion qui demande, dans un avenir proche, à ce que nous ayons une réflexion plus approfondie avec tous les acteurs, y compris les jeunes.

 

Trois premiers points pourraient être soulevés pour coordonner avec plus d’efficacité les politiques jeunesse :

- Articulation État/collectivités : Nécessité de cohérence entre les stratégies nationales et les réalités territoriales.

- Financement : Partage des coûts entre l’État et les collectivités pour éviter les inégalités entre territoires.

- Participation des jeunes : Implication des jeunes dans la conception et l’évaluation des politiques qui les concernent.

 

La réussite des politiques jeunesse repose sur une complémentarité entre l’État et les collectivités, avec une approche à la fois nationale (cadre, financement, dispositifs) et locale (adaptation, proximité, innovation). Il est plus que jamais nécessaire de dépasser les clivages politiques, idéologiques, territoriaux pour agir pour et avec la jeunesse.

 

Et là, les travaux menés par le Conseil Économique, Social et Environnemental, lors de Convention Citoyenne sur les temps de l’enfant5 apporteront un ensemble de questionnements nouveaux et aideront à élaborer des propositions pour une véritable politique de jeunesse cohérente et prenant en compte toutes les problématiques de l’évolution de l’enfant et du jeune.

 

La suite est à construire ensemble ! Apportons notre pierre à l’édifice pour aider à éviter les dérives des politiques publiques et privées en la matière.

 

 

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1) La 10ème édition portait pour titre : « face aux tempêtes, quelles boussoles ? » 

2) « Protection de l’enfance : l’urgence d’agir » avec Jean-Pierre ROSENCZVEIG (magistrat français. Il a été, de 1992 à 2014, le président du tribunal pour enfants de Bobigny), Marie-Aleth GRARD (présidente d’honneur ATD Quart Monde), Daniel GOLDBERG (président de l’UNIOPSS), Fabien BAZIN (président du Conseil départemental de la Nièvre), Roland BONNAIRE (président de l’ADEPAPE 21), Morgane AUDARD (avocate), Jean-Marie VAUCHEZ (directeur de pôle à l’IRTESS)

3) « Les jeunes, grand.e.s oublié.e.s des politiques publiques ? » avec Xavier Molénat (journaliste à Alternatives Économiques), Yaëlle Amsellem-Mainguy (sociologue, chargée d’études et de recherche à l’Institut National de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP)), Arthur Malonska (secrétaire général adjoint de la Ligue de l’enseignement en charge des jeunesses et de l’engagement), Maëlle Nizan (président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE))

4) https://www.jeunes.gouv.fr/le-cadre-des-politiques-de-jeunesse-433

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