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18 / 12 / 2025 | 19 vues
Danièle Lamarque / Abonné
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L’impôt : un marteau sans maître ?

Les débats qui ont entouré la construction et la présentation au Parlement du projet de loi de finances pour 2026 sont allés, en matière fiscale, bien au-delà de la légendaire créativité qui caractérise traditionnellement la France en la matière : échanges passionnés et expertises contradictoires sur la taxe Zucman, débats sur les conséquences économiques, sociales ou politiques de l’alourdissement des charges pesant sur les entreprises, ou sur les retraités, ou sur les successions, sur fond d’une recherche jamais assouvie de l’équité fiscale.
 

Il en est résulté, par exemple, plusieurs milliards d’impôts nouveaux sur les multinationales qui ne devraient pas résister au contrôle constitutionnel, car incompatibles avec les conventions fiscales bilatérales signées par la France.

 

Les remous fortement médiatisés de ces débats mettent en lumière le manque cruel d’expertise à l’appui de la procédure parlementaire.
 

Si la cellule de Leximpact initiée par  ean-Noël Barrot en 2020 permet d’effectuer des simulations sur des projets de mesures fiscales, la pratique de l’évaluation a priori généralement déficiente fait défaut en matière budgétaire : le Conseil constitutionnel l’a rappelé s’agissant des taxes assises sur certains revenus de l’exploitation des centrales électronucléaires, puisque l’article 8 de la loi organique de 2009 ne s’applique pas aux projets de lois de finances (voir notre chronique jurisprudentielle).

 

Cette profusion tient certes aux circonstances (instabilité de l’exécutif, absence de majorité à l’Assemblée nationale, poids financier de la dette et du déficit). Elle révèle aussi la permanence de questions non résolues, et la difficulté à bâtir une fiscalité adaptée aux enjeux contemporains. Ainsi les dépenses fiscales (96 milliards en 2023) dessinent toujours, malgré quelques aménagements marginaux, un paysage complexe, inefficient, mal contrôlé et peu maîtrisé, dont les effets négatifs sur l’environnement, dans le domaine de l’énergie, sont clairement documentés.

 

L’exemple du Plan Bleu pour la Méditerranée (1) démontre à quel point la fiscalité environnementale demeure un levier encore sous-exploité.

 

Tout aussi problématique est le phénomène de déterritorialisation de l’impôt local au profit de transferts d’impôts nationaux, dont deux articles  analysent les mêmes effets pervers, en France (2) et au Maroc (3).

 

Ajoutons à ces questionnements sur l’impact de la fiscalité la question de l’assujettissement à la TVA de la mise à disposition des halles publiques au bénéfice d’opérateurs privés, pour conclure que l’importance de la fiscalité pour l’activité économique  et la vie de nos concitoyens appelle des éclairages documentés et rigoureux auxquels la revue Gestion & Finances publiques (4) ne saurait se soustraire.

 

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(1) Dans le dernier numéro de la Revue Gestion  et Finances Publiques,  Constantin Tsakas, Chef économiste du Plan Bleu (PNUE) sur les finances durables et Robin Degron, Directeur du Plan  , soulignent comment les instruments économiques et financiers peuvent soutenir la transition écologique en Méditerranée. Ils discutent des subventions dommageables, de leur impact sur les ressources naturelles et les économies locales, et des leviers que représentent la finance verte, la fiscalité environnementale et le financement mixte (blended finance) . Leur analyse montre que seule une réorientation stratégique des flux financiers publics et privés, soutenue par des outils tels que la budgétisation verte et appuyée par une volonté politique forte, peut permettre une transition durable et inclusive dans la région.

(2) Jean Raphael Pellas, Docteur en droit, Chercheur associé à l'Institut d'études de droit public à l'Université de Paris-Saclay, évoque l'aspect protéiforme d'une l'assiette de l'impôt local constituée de ressources territorialisées mais également d'une affectation croissante d'impôts nationaux. La nature ambiguë des ressources propres demeure problématique. Ainsi, un impôt affecté par le législateur à une collectivité territoriale mais dont le montant porte sur une assiette non territorialisée est qualifiée de ressource propre au sens de l'article 72-2 de la Constitution. Pour l'essentiel, l'impôt local repose désormais sur la taxe foncière des propriétés bâties dont la valeur locative cadastrale est demeurée archaïque malgré les réformes successives. De ce constat, la légitimité de l'impôt local est contestée faute de lisibilité du système financier local. Les pouvoirs publics ont tenté d'y remédier par la mise en oeuvre d'une spécialisation fonctionnelle des ressources propres. Dans ce maquis, il est loisible de se demander si les redevances pour services rendus viennent en renfort d'une architecture locale décriée...

(3) Mohamed Fahd Berrada, maître de conférence à la faculté des sciences juridiques , économiques et sociales Tetouan(Maroc), laboratoire études et recherches juridiques, politiques et développent,  analyse les paradoxes de la décentralisation financière au Maroc à la lumière du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Mais si ce principe consacre formellement  l'autonomie locale, la réalité révèle une dépendance croissante des collectivités territoriales à l'égard des transferts de l'Etat, notamment des quotes-parts de la TVA, de l'IS et de l'IR. Cette dynamique traduit une déterritorialisation de l'impôt local, affaiblissant la capacité des collectivités à disposer de ressources propres stables et à exercer un véritable pouvoir fiscal. L'étude montre que ni la constitution ni les lois organiques n'érigent explicitement l'autonomie fiscal en principe juridique. Cette recentralisation financière, paradoxale au regard de la régionalisation avancée, fragilise le lien civique  et fiscal entre le contribuable et la collectivité, tout en limitant la responsabilisation budgétaire locale. L'article plaide pour une refondation de la gouvernance fiscale territoriale, fondée sur la spécialisation fiscale, la péréquation effective et la participation citoyenne, afin de réconcilier autonomie local et solidarité nationale.

(4) https://www.jle.com/fr/revues/gfp/revue.phtml

 

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