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13 / 08 / 2020 | 174 vues
Michel Delattre / Membre
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Le gouvernement maintient le cap du démantèlement des administrations fiscale et douanière : vers une baisse des recettes publiques

ll n'y a finalement pas grand chose de nouveau « dans le monde d'après », notamment aux finances où les réformes programmées n'ont pas tardé à reprendre leur cours, voire se sont accélérées en termes de transfert de missions. La désorganisation de l'administration financière s'accélère, même lorsque son efficacité ne peut être contestée. L'ensemble des fédérations de finances Solidaires, CGT, FO, CFDT et UNSA a été amené à réagir.
 

Alors que la France subit toujours une crise sanitaire, qu’elle sort à peine d’une longue période de confinement ayant provoqué l’arrêt de la production nationale et que se profile une crise économique aux conséquences désastreuses, le gouvernement maintient un cap, celui du démantèlement des administrations fiscale et douanière.
 

Ainsi resurgit le dossier de transfert des missions fiscales, aujourd’hui prises en charge par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), vers la direction générale des finances publiques (DGFIP).
 

Lancé en 2018, ce projet s’inscrit dans un ensemble visant à supprimer des postes de fonctionnaires et des implantations territoriales, donc des directions entières. Ces restructurations permanentes dégradent aussi l’efficacité de l’action publique.

 

Ce projet que personne (surtout pas les acteurs économiques) n'a réclamé a été présenté comme un projet de « rationalisation », alors qu’il ne crée que complexité et perte d’efficacité. La loi de finances pour 2020 inscrit donc le transfert notamment de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), des contributions indirectes et des taxes intérieures de consommation sur le gaz, l’électricité et le charbon dans un cadre pluriannuel.
 

Alors que la crise sanitaire et économique aurait pu laisser penser que le gouvernement avait d’autres priorités, ce projet de transfert reprend son cours et s’y ajouterait le risque du transfert de la taxe sur les carburants et combustibles (TICPE), quatrième recette de l’État.

 

Choisir de baisser les recettes publiques en période de crise

Transférer la TICPE relève de l’idéologie absolue, niant les évidences et les faits. Il s’agit d’un instrument fiscal assurant une forte rentabilité au budget de l’État, pour un coût administratif particulièrement modéré, dont la gestion par la DGDDI est unanimement reconnue et particulièrement performante. Pour percevoir 33 milliards d’euros par an, les Douanes ne mobilisent qu’un coût d’intervention estimé à 0,39 €. C’est-à-dire que pour percevoir 100 € de recettes fiscales, l’État ne dépense que 39 centimes d’euros ! C’est l'un des taux les plus faibles de tous les pays de l’OCDE.

 

Quelle est la logique derrière cette volonté de démanteler un secteur d’action publique obtenant des résultats qualitatifs aussi élevés ?

 

En période de crise économique majeure, alors que le gouvernement va devoir mobiliser des moyens financiers publics considérables, où est la logique de procéder à un transfert hasardeux risquant de nuire à la bonne perception des recettes fiscales. S’agissant de la taxe sur les boissons non alcooliques (BNA), au rendement très modeste, le transfert a provoqué la baisse de 20 % des montants perçus.
 

Est-ce ce que le gouvernement désire aujourd’hui perdre 7 milliards d’euros de recettes pour mettre un projet technocratique en œuvre à tout pris ?
 

Choisir de nuire à la compétitivité des entreprises en période de crise

Le gouvernement ne cesse de clamer son soutien à l’économie du secteur privé. Or, cette décision de transfert éventuel de la TICPE serait prise complètement à l’encontre de leurs intérêts. Les représentants du secteur de l’énergie l’ont expliqué en détail dans un courrier adressé au ministre en novembre 2019. En effet, ce que redoutent les entreprises, c’est bien l’incertitude, le flou et le changement permanents, surtout en matière fiscale.
 

La gestion fiscale efficace de la TICPE par la DGDDI est reconnue par tous les acteurs, en premier lieu par les redevables. Les Douanes maîtrisent les particularités de la matière imposable, ses subtilités réglementaires (notamment les secteurs de réduction et d’exonération), et, compte tenu de leur réseau spécialisé, fournissent une prestation de qualité, tant en matière de conseil que de contrôle. Les entreprises savent que ce dernier volet est un point essentiel pour maintenir leur position compétitive dans un environnement économique tel que le marché unique européen.
 

Les Douanes sont en capacité technique et physique d’effectuer des contrôles en n’importe quel point du territoire, ce qui explique pourquoi cette matière leur a toujours été confiée. C’est cette capacité de contrôle qui garantit la compétitivité des entreprises déclarées, par le respect uniforme de la réglementation.

 

Choisir l’idéologie contre l’efficacité reconnue

Prôner le maintien de la gestion de la TICPE dans le champ des missions de la DGDDI n’est pas refuser tout changement ; c’est maintenir ce qui fonctionne bien. Malgré les résultats obtenus par la DGDDI et malgré le soutien des opérateurs économiques, le gouvernement, obsédé par le démantèlement de la fonction publique et de la fiscalité nationale, ciment du service public français, prend des décisions néfastes pour le pays tout entier.
 

La fiscalité énergétique, comme celle sur l'alcool et le tabac (contributions indirectes ou CI) se calcule sur des quantités consommées, ce qui implique la mise en œuvre du suivi des stocks de produits et de leurs déplacements.
 

Dénombrer, échantillonner, analyser (y compris en laboratoire) et intervenir en zone de stockage ou sur la route sont les compétences des administrations douanières. L’Union européenne coordonne ces fiscalités spécifiques dans le cadre de groupes spécifiques et réglemente notamment les mouvements de produits. Les exigences envers les États sont fortes pour éviter des déséquilibres du marché intérieur.
 

En soustrayant ces matières à la DGDDI (seule administration en France à disposer des capacités de contrôle sur la marchandise physique en mouvement), l’État s’expose à ne plus remplir ses obligations européennes. Les organisations syndicales de Bercy considèrent que ce transfert serait inefficace et dangereux car la DGFIP ne récupérera ni les compétences des douaniers, ni les agents. Cette direction connaît elle aussi des coupes sombres dans ses effectifs, implantations et moyens d’actions.
 

Plutôt que d’abriter des lambeaux de fiscalité douanière, les agents de la DGFIP préfèrent conserver et assurer leurs propres missions. Il y a à peine deux ans, l’ancien directeur général de la DGDDI assurait à des organisations syndicales circonspectes que le projet présenté de transfert ne concernerait que le recouvrement, seulement le recouvrement « forcé » et uniquement certaines taxes.
 

Ces éléments de langage ont été relayés de bonne foi par l’encadrement, qui ne disposait que d’informations tronquées (volontairement sans doute).


Les fédérations de Finances Solidaires, CGT, FO, CFDT et UNSA demandent l’arrêt immédiat de l'insidieux processus de désintégration de la sous-direction dédiée à la DGDDI, au sein de laquelle les effectifs ne sont plus remplacés et où la captation des missions par la direction de la législation fiscale (DLF-DGFIP) est déjà très engagée. À l’heure où la directrice générale des douanes annonce une grande « revue » des missions au second semestre, elles demandent que les fiscalités douanières demeurent dans le giron de la DGDDI. Pas parce que ces missions « appartiennent » aux douaniers mais pour garantir l’efficacité budgétaire de l’État. En ces temps de crise grave, le gouvernement ne doit pas insister sur ce funeste projet.

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