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07 / 07 / 2022 | 90 vues
Dominique Dorgueil / Membre
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Formation professionnelle continue : éducation et émancipation ne sont plus d’actualité

Les grands principes régissant la formation professionnelle des salariés telle que nous la connaissons sont encore basés sur les travaux menés à la suite des accords de Grenelle en 1968. Explications et éclairages sur la situation actuelle et la position de notre organisation syndicale.

 

Dès la négociation des accords de Grenelle,(*) il a été fait mention de la formation professionnelle continue, laquelle sera modélisée par l’accord de juillet 1970 instituant la formation professionnelle continue dans les entreprises de 10 salariés et plus. C’est loi fondatrice du 16 juillet 1971 dite « Loi Delors » qui formalisera ces travaux.


Une obligation de dépense à la charge des entreprises Cette loi a essentiellement débouché sur l’introduction d’une obligation de dépense de formation à la charge des entreprises, pour un taux de 0,80  % de la masse salariale brute et ceci pour les entreprises de plus de dix salariés. Posant le principe d’un financement privé de la formation, elle a créé un marché de la formation répondant aux lois de l’offre et de la demande. Outre le secteur public, elle excluait les professions indépendantes.


Du rêve à la réalité Idéalement, la formation professionnelle devrait permettre de se réaliser dans son travail, d’évoluer au sein de son entreprise ou de s’adapter aux évolutions industrielles et économiques. Cet intérêt bien compris devrait se traduire par une meilleure productivité, une plus grande efficience et une rémunération attractive.

 

Loin de cette volonté d’émancipation, parfois teintée de paternalisme et non dénuée d’intérêt pour les employeurs (voir les cours de «  perfectionnement  » institués par l’article 37 de la loi Astier de 1919 afin de fidéliser les employés les plus prometteurs), les dernières réformes - et tout particulièrement celles induites par la loi de septembre 2018 - ont permis la restructuration à marche forcée de la formation professionnelle.

 

Elles ont vu se dégager deux tendances fortes, une baisse massive de l’obligation de financement de la formation par les entreprises et la mise en avant de l’idée de la «  responsabilisation  » des salariés face aux possibilités de formation qui leur sont permises. Les notions d’éducation et d’émancipation ne sont plus d’actualité, elles ont été remplacées par la nécessité de maintenir un parcours professionnel sécurisé (toujours l’employabilité !).

 

L’individualisation de la conduite des parcours de formation, dont la responsabilité du choix et de l’organisation incombe désormais au salarié, génère une inégalité de fait, puisque basée sur sa capacité à financer tout ou partie d’une formation, voire à contracter un prêt pour y parvenir…

 

Réappropriation par l’Etat au détriment de la gestion paritaire
 

La loi de septembre 2018 permet une baisse massive de l’obligation de financement de la formation par les entreprises. Cette loi est de fait une véritable réappropriation de la gestion de la formation professionnelle par l’Etat au détriment de la gestion paritaire, laquelle avait été concédée dans une volonté décentralisatrice.

 

La création de France Compétences, institution nationale publique, parachève d’ailleurs cette forme de réappropriation et de gestion dans la verticalité. Cette vision de court terme, basant sa justification dans la recherche du moindre coût pour les entreprises au prétexte d’efficience, a tenté d’escamoter en grande partie l’utilité de la formation professionnelle, alors même qu’elle est un des éléments majeurs d’adaptation aux changements socio-économiques à venir.

 

La valeur ajoutée liée à l’intervention humaine dans la marche de l’entreprise est, certes, de plus en plus faible dans certains secteurs d’activité, mais ce phénomène est accentué par une adaptation aux évolutions des métiers souvent parcellaire et superficielle.

 

Si la formation d’un salarié peut intervenir à l’initiative de son employeur, et ce dans le cadre du plan de développement des compétences, et si l’employeur a l’obligation de permettre l’adaptation permanente au poste de travail d’un salarié (L. 6321-1 du code du travail), il n’en reste pas moins vrai que, pour certains employeurs, le sujet formation reste le plus souvent limité aux offres liées aux obligations en termes de sécurité.

 

L’entretien professionnel, un droit reconnu L’entretien professionnel s’inscrit pleinement dans ces parcours, qu’ils émanent d’une volonté des salariés ou d’une proposition de leurs employeurs. Différent de l’entretien annuel d’évaluation (la confusion est parfois entretenue par certains employeurs), cet entretien a lieu tous les deux ans (à partir de l’entrée dans l’entreprise, puis de la date de l’entretien précédent). C’est un droit reconnu à chaque salarié quelle que soit la taille de l’entreprise (art.  L.  6315-1 du code du travail).

 

Les modalités de sa mise en œuvre, définies par la loi, peuvent être précisées par accord de branche ou d’entreprise.

 

L’entretien professionnel doit offrir au salarié l’opportunité :
 

  • d’identifier des objectifs d’évolution professionnelle ;
  • de connaître les différents dispositifs de formation utilisables et leurs conditions de mobilisation ;
  • de se porter candidat ou de faire inscrire les formations qui découlent des objectifs qu’il se fixe dans le plan de développement des compétences de l’entreprise.

 

Un bilan du parcours dans l’entreprise
 

Par ailleurs, selon le même article L. 6315-1 du code du travail, tous les six ans de présence continue du salarié, l’entretien professionnel mène à la réalisation d’un bilan de son parcours dans l’entreprise.

 

Ce bilan permet non seulement de vérifier qu’il a bénéficié des entretiens professionnels, On le voit, ce dispositif est potentiellement d’un grand intérêt stratégique. Il nous appartient, partout où nous sommes présents, d’informer les salariés des possibilités offertes par ces dispositions afin que la formation professionnelle ne fasse pas l’objet d’une captation pour servir les intérêts des seules entreprises. Réapproprions-nous l’essence même de cette volonté émancipatrice ! ...

 

(*) Les accords de Grenelle
 

Les « accords » de Grenelle sont le résultat d’une négociation collective, menée à l’initiative du gouvernement en mai 1968, avec les représentants des syndicats de salariés et ceux des organisations patronales. Bien qu’aucune des parties ne l’ait paraphé, ni reconnu comme tel, les principales mesures de cet « accord » seront tout de même mises en application par le gouvernement de Georges Pompidou. Ils établissent, à l’époque, les fondations qui serviront à soutenir les réformes futures en matière de travail et d’acquis sociaux.

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