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11 / 04 / 2024 | 45 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Biodiversité, labels, réglementation : les enjeux de la finance durable

Biodiversité, labels, réglementation…Valérie Demeure, Directrice de l’analyse ESG chez Ofi Invest Asset Management revient sur les enjeux de la Finance durable cette année.


La finance durable a beaucoup fait parler d’elle en 2023. L’année dernière a en effet été marquée par de très nombreux événements avec parfois des effets contraires : records de chaleur, inondations et catastrophes naturelles résultant du dérèglement climatique et avec pour conséquence une augmentation des coûts pour les assureurs.

 

Au-delà des enjeux climatiques, c’est une vraie prise de conscience des enjeux et risques liés à la perte de biodiversité qui a émergé et qui s’est notamment matérialisée par un cadre de reporting sur cet enjeu. En dépit de cela, nous avons assisté à une montée en puissance de mouvements anti-ESG aux États-Unis, et à des mouvements de green-bashing sur le Vieux Continent créant un climat confus tandis que les spécialistes s’accordent à dire qu’il est urgent d’agir...



Sur le plan réglementaire : renforcement des réglementations européennes en matière de durabilité, débats autour des visions européenne et américaine du concept de simple versus double matérialité*, refonte du label ISR français, adoption d’un nouveau standard européen sur les obligations vertes… L’année 2024 s’annonce tout aussi intense.


Après le changement climatique, la biodiversité au centre des attentions
 


Tandis que les effets du changement climatique ne font plus débat et que des cadres normalisés de reporting sur les actions et trajectoires des émetteurs et investisseurs sont désormais établis, le sujet de la lutte contre la perte de biodiversité prend de l’ampleur. Le cadre mondial adopté fin 2022 lors de la COP15 Kunming-Montréal a posé les objectifs et cibles à atteindre.

 

En septembre 2023, le groupe de travail « Taskforce on Nature-related Financial Disclosures » (TNFD) a publié son cadre de reporting après deux ans de travaux.


En janvier 2024, la TNFD a annoncé lors du Forum économique mondial de Davos que 320 entreprises, issues de 46 pays, avaient adopté ce cadre et s’étaient engagées à l’utiliser. Un deuxième groupe d’organisations devrait être annoncé pendant la COP16 en Colombie en
octobre 2024.

Du côté des investisseurs, notamment en France, pour les sociétés de gestion d’actifs soumises aux exigences de l’Article 29 de la Loi Énergie Climat (LEC), le cadre de reporting sur la prise en compte des impacts liés à la biodiversité dans les portefeuilles et la gestion des risques liés à la biodiversité se structure également.


Un élargissement du périmètre d’application des règlementations en matière de durabilité et quelques incertitudes


Adoptée en 2023, la directive européenne « Corporate Sustainability Reporting Directive » (CSRD) est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2024. Elle fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier et concerne, pour l’année à venir, les grandes
entreprises et les PME cotées en bourse. Celles-ci vont devoir redoubler d’efforts cette année pour collecter de nouvelles données avant la publication de leur rapport de durabilité 2025, qui constituera une source non négligeable d’informations pour les investisseurs.


Autre réglementation intégrée désormais à CSRD, la taxonomie verte européenne

 

Cette taxonomie verte établit un système européen de classification des activités durables et vise à orienter les investissements vers des activités soutenables. La réglementation voit son champ d’application élargi à 50 000 nouvelles entreprises en 2024, puisqu’elle concerne
aussi désormais les entreprises de plus de 250 salariés (bilan > 20 M€ ou CA > 40 M€) ainsi que les entreprises cotées (sauf micro-entreprises). En 2024, les entreprises doivent reporter sur l’exercice 2023 les trois indicateurs taxonomiques complets (éligibilité et alignement) relatifs aux deux objectifs climatiques (atténuation du changement climatique et adaptation au changement climatique), ainsi que les indicateurs d’éligibilité sur les quatre autres objectifs environnementaux (ressources aquatiques et marines, économie circulaire, pollution et biodiversité).

 

Pour l’exercice 2024, les entreprises devront reporter les indicateurs éligibles et alignés sur l’ensemble des activités des six objectifs environnementaux.


Restent quelques incertitudes en matière réglementaire, notamment sur la mise en œuvre du projet de directive sur le devoir de vigilance adopté en décembre 2023 par le Conseil, la Commission et le Parlement européen. Cet accord, dont l’adoption est prévue pour 2024, a été chahuté : son texte d’abord rejeté le 28 février par plusieurs États membres, a reçu le 19 mars un avis favorable de la Commission des affaires juridiques du Parlement européen après une révision à la baisse du périmètre des entreprises concernées. Réponse attendue le 22 avril prochain lors du vote du Parlement.


Autre source d’incertitude, la consultation sur une possible refonte de la réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure) qui pourrait aboutir à une révision de la classification des fonds durables, actuellement appelés « Article 8 » et « Article 9 ».


De nouveaux standards en matière d’obligations vertes et un renforcement des contraintes liées aux labels ISR et Greenfin


Un nouveau standard sur les obligations vertes, destinées à financer la transition écologique, adopté par le parlement en octobre 2023 entrera en vigueur dans le courant de l’année 2024. Le « European Green Bond Standard » est un référentiel volontaire que devront appliquer les
émetteurs voulant revendiquer son appellation.


Ce référentiel pourrait bien être utilisé dans la cadre du label Greenfin, label dédié à la finance verte, actuellement en cours de revue. Un premier ajustement du référentiel a eu lieu en janvier avec la réintroduction du nucléaire parmi les activités éligibles afin d’être cohérent
avec la taxonomie européenne. Une révision plus approfondie de ce label est attendue courant 2024.


Enfin, le label ISR français, dont la version 3 a été publiée en décembre dernier, est entré en application à compter du 1er mars 2024. Les fonds qui y sont soumis intègreront désormais systématiquement une dimension climatique avec des exclusions liées aux énergies fossiles, un accompagnement des entreprises dans leur transition et un renforcement de la sélectivité sur les autres critères environnementaux, sociaux et sociétaux, ainsi que de gouvernance. 2024 s’annonce ainsi comme une année riche de nombreux défis pour la finance durable.


À ces défis s’ajoutent de nombreuses incertitudes liées aux élections européennes en juin, puis américaines en fin d’année. Incertitudes en Europe, quant à l’appétence de la nouvelle majorité désignée à aller plus loin ou non sur les sujets de durabilité et au temps qu’il faudra pour entreprendre la réforme attendue de la réglementation SFDR. Incertitude aux États-Unis où les courants anti-ESG soutenus par les Républicains gagnent du terrain depuis un an et pourraient se renforcer en cas de victoire de Donald Trump. Nous le savons, la volonté politique est l’un des catalyseurs de la réussite dans ce domaine.


*Double matérialité désignant l’effet de corrélation entre le financier et l’impact socio-environnemental, versus matérialité simple se résumant à la seule matérialité financière.

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