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03 / 06 / 2025 | 63 vues
Colas Amblard / Membre
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Associations : l’urgence d’agir face à une crise silencieuse

En 2025, le monde associatif est en grande détresse financière. Plus d’une association employeuse sur deux, et un tiers des non-employeuses, sont confrontées à des problèmes de trésorerie. Pour près d’un tiers des structures employeuses, la trésorerie ne couvre même pas trois mois d’activité. Le cœur associatif de notre société bat à vide, sous les coups de boutoir d’un gouvernement de plus en plus autoritaire.

 

Les arbitrages budgétaires des collectivités mettent en péril ces structures privées à but non lucratif qui emploient 11 % des salariés en France. En 2024, 856 associations ont été concernées par des procédures collectives (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire)[1], au plus haut depuis 2018. Les subventions publiques s’effondrent : 45 % des financements attribués pour 2025 sont en baisse, parfois drastique. Résultat : des activités réduites, des projets annulés, et des populations fragiles laissées pour compte.

 

Des difficultés qui interpellent

 

Face à ce mur, les associations improvisent : recours aux dons, au mécénat, à l’emprunt, ou réduction des activités. Mais près de 40 % ne savent plus vers qui se tourner. Le financement public, pourtant vital, se dérobe. Les secteurs humanitaire, social et sanitaire sont les plus frappés, suivi du sport et de la culture.

 

Les fonds propres, souvent insuffisants voire inexistants, ne permettent pas d’amortir la crise. Et la situation empire : les baisses de financement touchent déjà l’emploiles services rendus et le tissu social.

 

Après des mois de tergiversations, l’intention du gouvernement de supprimer 15 000 postes de service civique sur les 150 000 prévus initialement frise l’amateurisme[2].

 

Les associations ne peuvent pas faire toujours plus avec toujours moins. Elles portent une part essentielle de la solidarité, de la culture, de l’inclusion. Elles ne doivent pas devenir les grandes oubliées des politiques publiques.

 

Il est temps de réagir : un soutien structurel, pérenne et ambitieux est indispensable pour sauver les associations. Sans elles, c’est la société toute entière qui vacille.

 

 

Que fait le gouvernement ?

 

Derrière les discours sur « importance du tissu associatif », le gouvernement poursuit en réalité une logique de désengagement de l’État vis-à-vis des associations. Les subventions de fonctionnement, essentielles à l’autonomie des structures, diminuent depuis plus d’une décennie, remplacées par des appels à projets concurrentiels, à durée limitée, et souvent fléchés selon les priorités politiques « clientélistes » du moment.

Cette logique impose une forme de mise en concurrence permanente entre associations, brisant la solidarité du secteur.

 

Une précarisation croissante du secteur associatif

 

Le résultat ? Une fragilisation inquiétante du monde associatif :

  • Suppression d’emplois aidés non compensée, notamment dans l’éducation populaire et l’action sociale.
  • Burn-out associatif, lié à l’épuisement des bénévoles et à la surcharge administrative.
  • Dépendance accrue aux financements instables, mettant en péril la pérennité des actions

 

La philanthropie privée comme substitut toxique au financement public ?

 

Le gouvernement encourage de manière excessive le développement du mécénat privé, comme si les grandes fortunes devaient à elles-seules compenser le retrait de l’État. Ce glissement favorise une logique où les plus fortunés décident de ce qui mérite d’être financé, accentuant les inégalités entre associations “vendeuses” et causes invisibilisées. C’est une forme de privatisation déguisée du soutien à l’intérêt général.

 

Des consultations à tout va pour un gouvernement sans boussole politique, de belles paroles… mais quelle crédibilité quand les actes manquent ?

 

Le 29 avril 2025, Bercy a accueilli la Première Conférence des financeurs de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Une initiative inédite, ambitieuse sur le papier, destinée à poser les bases d’une stratégie nationale de financement pour un secteur qui emploie plus de 2,3 millions de personnes et porte un modèle économique plus juste, plus durable, plus ancré dans les territoires.

 

Autour de la table : acteurs de l’ESS, banques publiques, collectivités, fonds d’investissements… Tous s’accordent : il est urgent d’agir, et de bâtir des ponts entre économie classique et économie solidaire. Des ambitions affichées, une méthode de co-construction annoncée, des échéances fixées.

 

Rendez-vous est pris à l’automne… pour juger des suites données à cette conférence. Mais sans résultats concrets, les belles paroles ne suffiront plus.

 

Dans les faits, le tableau est tout autre…

 

Alors que le gouvernement promettait une hausse de 30 % du budget ESS, les crédits sont finalement revus à la baisse ou « stabilisés », selon la novlangue gouvernementale ? Moins de moyens pour les dispositifs locaux d’accompagnement, les chambres régionales de l’ESS ou encore les pôles territoriaux de coopération économique. 186 000 emplois menacés, alerte l’Union des employeurs de l’ESS. Un choc social majeur se profile, alors même que les collectivités, elles aussi étranglées budgétairement, réduisent leur soutien.

 

Et cerise sur le gâteau : pas plus tard que le 20 mai dernier, Jean-Jacques Michau (PS), sénateur de l’Ariège, a tiré la sonnette d’alarme au Sénat : l’État ne respecte pas ses engagements[3]. La réponse ? Une autosatisfaction déplacée, des chiffres bancals, et l’absence de cap clair.

 

Pendant ce temps, ce sont des milliards qui continuent de profiter aux entreprises capitalistes, sans contrepartie, alors même que ces crédits devraient être alloués au financement de l’intérêt général !

 

Record de dissolutions d’associations sous Macron : un tournant autoritaire ?

 

Depuis 2017, le gouvernement d’Emmanuel Macron a dissous plus d’une trentaine d’associations, un chiffre sans précédent sous la Ve République. En tête des motifs invoqués : l’atteinte à l’ordre public, l’« islamisme radical » ou encore le « séparatisme ».

 

Mais derrière cette offensive sécuritaire, de nombreuses voix dénoncent un usage politique de la dissolution, visant aussi des associations antiracistes, écologistes, ou critiques du gouvernement. La loi « Séparatisme » de 2021[4] a élargi les marges de manœuvre de l’exécutif, permettant des décisions administratives expéditives, souvent sans jugement préalable.

 

Des structures comme Les Soulèvements de la Terre, Palestine Vaincra ou Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) ont été ciblées, malgré un soutien populaire ou juridique important. Certaines dissolutions ont d’ailleurs été annulées par le Conseil d’État, soulignant les excès du pouvoir exécutif.

 

Pour les défenseurs des libertés associatives, c’est une alerte grave : l’État confond opposition et menace, et criminalise l’engagement militant. Une dérive autoritaire qui fragilise la démocratie et les contre-pouvoirs citoyens.

 

Quelle alternative ? Vers une refondation démocratique du financement de l’ESS !

 

Les acteurs de l’ESS ne veulent plus de conférences symboliques, ide ministres incompétents qui se succèdent tous les 6 mois, ils exigent des actes, des moyens, des garanties et de l’engagement dans la durée. Les associations ne réclament pas l’aumône, mais la reconnaissance de leur rôle politique, social et culturel essentiel. Cela suppose :

  • Une vraie co-construction des politiques publiques avec les acteurs associatifs et de l’ESS.
  • Un financement à la hauteur des enjeux de l’ESS.
  • Le respect des engagements budgétaires annoncés.
  • Une stratégie de soutien cohérente et construite avec les territoires.
  • Le retour à des subventions de fonctionnement pluriannuelles, sans ingérence politique.
  • La suppression de la loi « Séparatisme» de 2021[5].
  • Une fiscalité plus juste, où les grandes entreprises et grandes fortunes contribuent réellement au financement de l’intérêt général.
  • La reconnaissance pleine et entière du rôle de l’ESS dans la transformation sociale, écologique et économique du pays.

 

Assez de concours Lépine de la casse sociale ! On ne gère pas une société comme un tableau Excel. On ne sacrifie pas la solidarité sur l’autel de l’austérité.
Stop à cette surenchère cynique entre collectivités territoriales, à qui sabrera le plus violemment dans les budgets de la culture, du sport et du lien social !

 

Arrêtons ces postures « trumpistes » qui érigent la destruction du « vivre ensemble » en politique publique ! Ce n’est pas une gestion responsable, c’est un reniement démocratique.

 

Assez d’effets d’annonce !

 

Assez de ces logiques néolibérales et répressives qui font du démantèlement du « vivre ensemble » un projet politique assumé !

 

Quand le mépris social devient une stratégie, et la guerre au tissu associatif une ligne politique, il est temps de résister[6].

 

L’ESS ne mendie pas : elle construit l’avenir. L’État doit le comprendre et agir en conséquence. Nous ne sommes pas dupes !

 

En savoir plus :

Loi confortant le respect des principes de la République : une histoire de détournement de pouvoir ?, Colas Amblard, Institut ISBL juillet 2023

 

 

References ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

↑1Le Monde 7 février 2025 De nombreuses associations en grande difficulté, des milliers d’emplois menacés

↑2https://www.carenews.com/carenews-info/news/le-budget-de-15-000-missions-de-service-civique-gele

↑3Comptes rendus analytiques officiel

↑4L. 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République

↑5Jean-Damien Lesay, Bilan en demi-teinte pour la loi confortant le respect des principes de la République, Localtis, 17 janv. 2025

↑6Claude Alphandéry, la résistance en héritage : un podcast à écouter en ligne | France Culture


 

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La fusion d’associations : méthodologie, aspects juridiques et fiscaux

 

 

La fusion entre associations est un processus complexe qui nécessite une préparation rigoureuse. Elle peut répondre à divers objectifs : mutualisation des moyens, renforcement de l’impact sociétal, amélioration de la gestion ou adaptation à un environnement en mutation (changement législatif, contraintes imposées par la puissance publique ou diminution des subventions).

Toutefois, contrairement aux fusions entre entreprises, la fusion d’associations obéit à des règles spécifiques prévues à l’article 9 bis de la loi du 1er juillet 1901 (modifiée par l’article 71 de la loi 2014-856 du 31 juillet 2014), notamment en raison de leur statut à but non lucratif. Cet article présente les principales étapes méthodologiques, ainsi que les principaux aspects juridiques et fiscaux à prendre en compte.

 

I – Méthodologie de la fusion

 

  • Analyse des motivations et de la faisabilité

Avant d’entamer une fusion, les associations concernées doivent clarifier leurs motivations :

    • Recherche d’une complémentarité des activités,
    • Partage de valeurs communes,
    • Amélioration de la pérennité financière,
    • Simplification de la gouvernance,
    • Elaboration d’un calendrier des opérations.

Une étude de faisabilité est ensuite menée pour analyser les impacts opérationnels, humains et financiers.

Cette phase inclut un diagnostic approfondi des associations concernées (statuts, gouvernance, finances, engagements contractuels, personnel, etc.), ainsi qu’une définition du projet de fusion, tant sur le plan juridique que fiscal

 

A ce stade, il apparaît indispensable de préciser qu’une telle opération de rapprochement entre associations se distingue particulièrement de celle consistant à dissoudre une structure pour attribuer son boni de liquidation à une autre.  Dans ce dernier cas, aucune continuité juridique et fiscale ne pourra être constatée, le bénéficiaire ne sera pas assurer de percevoir les subventions de la structure dissoute et les salariés faisant l’objet d’un licenciement pourraient entamer des procédures contentieuses devant les juridictions prud’homales pour demander des dommages-intérêts voire leur réintégration dans la structure bénéficiaire poursuivant l’activité de l’association dissoute.

 

  • Définition du projet de fusion

 

Les associations doivent déterminer le type de fusion :

    • Fusion-absorption : une association absorbe l’autre, qui disparaît juridiquement,
    • Fusion-création : une nouvelle entité est créée pour remplacer les associations fusionnées.

Un protocole de fusion est alors rédigé. Il précise les modalités opérationnelles : gouvernance, transfert des actifs et passifs, continuité des activités et des engagements.

S’agissant de l’opération de fusion-absorption, il conviendra de déterminer le sens de la fusion, en d’autres termes quel est l’organisme appelé à absorber et celui à être absorbé, sachant que : concernant la structure absorbée, cela se traduit par sa dissolution automatique (sans phase de liquidation). Le sens de la fusion peut avoir un impact sur le régime fiscal applicable à l’opération de restructuration en cause (cf infra III).

 

  • Consultation et validation interne

 

Les instances dirigeantes (conseils d’administration, assemblées générales) doivent être impliquées dans le processus.

 

En application de l’article 9 bis précité, ce processus est généralement le suivant :

    • Adoption du projet de fusion par les conseils d’administration,
    • Validation définitive du traité de fusion par les assemblées générales.

Par ailleurs, la fusion nécessitant le plus souvent une modification des statuts de l’association absorbante et, dans certains cas, l’accord des membres en assemblée générale extraordinaire.

 

II – Aspects juridiques de la fusion

 

  • Le cadre légal et réglementaire

 

Les associations sont régies principalement par la loi du 1er juillet 1901 (ou par le Code civil local en Alsace-Moselle).

 

La fusion d’associations repose sur le principe de la transmission universelle du patrimoine.

 

Si une association est reconnue d’utilité publique ou reçoit des subventions publiques, l’accord des autorités compétentes est requis par la mise en œuvre de rescrits administratifs, immédiatement après l’adoption du projet de fusion.

 

De même, les conventions en cours (contrats de travail, baux, subventions) doivent être examinées pour assurer leur transfert à la nouvelle entité ou éventuellement leur résiliation en cas de doublon.

 

Lorsque des salariés sont concernés, le transfert des contrats de travail se fait automatiquement selon l’article L1224-1 du Code du travail, avec maintien des avantages acquis (ancienneté, congés payés, etc.).

 

Par ailleurs, lorsque l’opération de fusion concerne des associations employeuses disposant d’instances représentatives du personnel, celles-ci doivent obligatoirement être informées des modalités de fusion conformément aux articles 2312-8 et suivants du code du travail.

 

Enfin, il est important de noter qu’en application du principe de personnalité des peines (C. pén. art. 121-1), l’association absorbante répond des infractions pénales commises par l’association absorbée dès lors que celle-ci a perdu sa personnalité juridique (Cass. crim. 7 janv. 2020 n°18-86.293).

 

  • Procédure et formalités administratives
    • Délibération en conseil d’administration pour adopter le projet de fusion,
    • Engagement des rescrits administratifs,
    • Publicités légales et information des membres,
    • Délibération en assemblée générale pour adopter le traité définitif de fusion.
    • Dépôt des modifications statutaires en préfecture,
    • Publication au Journal officiel des associations et fondations d’entreprise (JOAFE),
    • Enregistrement au service des impôts.

 

 

III –  Aspects fiscaux et comptables

 

  • Transfert des actifs et passifs

La fusion entraîne la transmission des éléments patrimoniaux (immobilisations, trésorerie, dettes, etc.).

Un commissaire à la fusion peut être requis pour attester de la valeur des actifs transférés si la somme totale atteint au moins 1 550 000 € (L. 1901, art. 9 bis D. 2015-1017 du 18 août 2015).

 

  • Régime comptable applicable

Sur le plan comptable, il est possible de faire rétroagir l’opération de fusion (exemple : pour une fusion effective au 30 juin à minuit en année n, il est possible de se référer au bilan comptable arrêté au 31 décembre de l’année n-1).

Attention toutefois : il conviendra de prévoir, dès le projet de fusion, que les dirigeants de l’association absorbée gèrent en « bon père de famille » pendant la période intercalaire (du 1er janvier au 30 juin de l’année n) et une clause de résiliation dans l’hypothèse où il serait constaté une diminution substantielle du boni de fusion durant cette même période.

 

  • Régime fiscal applicable

Les associations reconnues d’intérêt général ou exonérées d’impôts sur les sociétés ne subissent pas d’impact fiscal direct sur l’opération de fusion. En revanche, si elles exercent des activités lucratives, certaines impositions peuvent s’appliquer :

    • Impôt sur les sociétés à taux réduit ou régime fiscal de faveur « mère fille » (CGI, art. 210 A et B) sur les plus-values constatées,
    • Droits d’enregistrement sur les transferts de biens immobiliers.
    • Taxe sur les salaires si l’effectif salarié dépasse certains seuils.

Outre, le régime fiscal applicable à l’opération de fusion en tant que telle, qui sera largement déterminé par le sens de la fusion (régime fiscal des parties à la fusion – détention immobilière), il conviendra également de s’assurer des conséquences fiscales potentielles par cette opération pour l’association absorbante en anticipant ses effets (sectorisation ou filialisation).

 

  • Traitement des subventions et dons

Les subventions publiques ne sont pas automatiquement transférables et nécessitent une validation des financeurs.

Afin de préserver cette capacité de financement, il peut être utile de créer des établissements secondaires (sans personnalité juridique) en lieu et place de l’implantation géographique de l’association absorbée.

Les dons et legs doivent respecter l’affectation initialement prévue par les donateurs.

 

 

Conclusion

La fusion d’associations est un levier stratégique pour renforcer l’efficacité et la pérennité des organisations à but non lucratif. Ce type d’opération de restructuration peut également être une réponse face aux difficultés qu’elles rencontrent actuellement, en raison de la diminution des financements publics.

Toutefois, elle requiert une préparation rigoureuse, intégrant les dimensions méthodologiques, juridiques et fiscales.

Une bonne anticipation des impacts permet de sécuriser l’opération et d’assurer la continuité des missions associatives, ce qui peut paraître essentiel lorsqu’elles ont un caractère d’intérêt général ou d’utilité sociale.